Non-lieu dans l'affaire du chlordécone : à quelques jours de l'audience en appel, les avocats préparent leurs armes

Une banderole dénonce le scandale du chlordécone.
Lundi 10 juin, la Cour d'appel de Paris se penchera sur le non-lieu rendu en 2023 dans l'affaire du chlordécone. À quelques jours de l'audience, maître Christophe Lèguevaques, l'un des défenseurs des parties civiles, nous livre les points sur lesquels il insistera lors des débats.

En janvier 2023, après 17 ans de procédure, la justice rendait un non-lieu dans l’affaire du chlordécone. Immédiatement après, les parties civiles faisaient appel avec un objectif : faire annuler la décision. 

"Depuis, on n’avait ni son ni image, raconte maître Christophe Lèguevaques, qui représente deux particuliers dans ce dossier. On n’a appris que le 24 avril que l’audience aurait lieu le 10 juin." Un délai court, qui poussent certains avocats à demander un renvoi de l’audience à une date future. Lui a d’autres requêtes. Trois en particulier. 

Publiciser les audiences

Premièrement, il demande à ce que l’audience, qui aura lieu devant la Cour d’appel de Paris, se tienne en public. En principe, seuls magistrats et avocats peuvent être présents, même les parties civiles ne sont pas conviées. "Ça nous parait abusif parce que c’est un dossier qui concerne des centaines de milliers de personnes qui va être jugé en catimini. Il faut que la justice soit rendue publiquement", estime Christophe Lèguevaques, qui dénonce également le temps accordé au dossier. Pour l’instant, l’audience n’est prévue que sur une demi-journée.

Il faut qu’il y ait un vrai débat public. Aujourd’hui, tout est couvert par le secret de l’instruction.  

Christophe Lèguevaques, avocat.  

Ensuite, il demande à ce que la cour transmette une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. L’objectif est de renverser la jurisprudence sur laquelle se sont appuyés les juges pour déclarer le non-lieu. Ces derniers ont considéré que pour faire reconnaitre un empoisonnement, il faut pouvoir prouver que la personne qui a délivré la substance dangereuse avait l’intention de tuer. L’avocat demande à sortir de cette logique née dans la foulée du scandale du sang contaminé et de revenir à une définition plus souple : l’empoisonnement peut être reconnu dès lors que la personne qui délivre la substance la sait nocive.

Confier l'enquête au pôle "cold case"

Enfin, maître Christophe Lèguevaques appelle à ce que le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Paris soit dessaisi de l’affaire, et que l’enquête soit confiée au pôle cold case. Créée en 2022, cette branche s’occupe des affaires criminelles et des disparitions non élucidées." Il est possible de faire sortir la vérité, mais si on ne laisse pas le dossier au pôle santé de Paris, estime l’avocat. Le parquet fait tout pour ne pas poursuivre et refuse les évidences scientifiques." Selon lui, le pôle cold case "dispose de moyens incroyables pour enquêter sur le crime d’empoisonnement."

Ces requêtes seront-elles acceptées ? Réponse lundi 10 juin. Mais si ce n’était pas le cas, ou si le non-lieu était maintenu en appel, les parties civiles affirment qu’elles iront en cassation et, si ce n’est pas suffisant, qu’elles porteront le dossier devant la Cour européenne des droits de l’homme.