Crise en Nouvelle-Calédonie : pour les deux indépendantistes assignées à résidence, "ce n'est pas encore le retour au pays", dit leur avocat

La prison de Riom, située près de Clermont-Ferrand, où Frédérique Muliava était détenue
Les deux militantes indépendantistes Brenda Wanabo-Ipeze et Frédérique Muliava vont sortir de prison. Placées en détention provisoire avec 5 autres membres de la CCAT depuis le 22 juin dans l’Hexagone, elles vont être assignées à résidence sous surveillance électronique dans un domicile de l’Hexagone et non chez elles, en Nouvelle-Calédonie. Une procédure inédite qui donne de l’espoir pour la suite du dossier autant qu’elle soulève des questions.

"Ce n’est pas encore le retour au pays, mais c’est une bonne chose", s’exclame François Roux, avocat honoraire du FLNKS. Pour lui et les autres avocats des indépendantistes kanak, l’urgence était de faire sortir Brenda Wanabo-Ipeze et Frédérique Muliava de prison au plus vite. Transférées le 22 juin dans l’Hexagone dans des "conditions contraires aux droits de l’homme et de l’idée que l’on se fait d’un pays démocratique", selon leur avocat, puis incarcérées dans la prison de Dijon pour Brenda Wanabo-Ipeze et de Riom pour Frédérique Muliava, les deux femmes n'avaient pas eu de contact avec leurs enfants depuis deux semaines.

Pas en prison, mais pas à la maison

"La prison, c'est quelque chose de difficile, encore plus lorsque l’on est une maman loin de sa famille. Elles n’avaient pas leur place en prison", souligne maître Roux, qui s’est toutefois dit satisfait de la décision de la Cour d’appel de Nouméa, vendredi 5 juillet. "C’est une décision d’apaisement, une décision humaine et juridique. Nous apprécions avoir été entendu par les magistrats de la Chambre d’appel", a reconnu celui qui dénonçait une criminalisation des militants indépendantistes. De leur côté, Brenda Wanabo-Ipeze et Frédérique Muliava ont dû justifier qu’elles pouvaient loger dans un domicile dans l’Hexagone, en compagnie de leurs enfants notamment.

Elles pourront sortir du domicile selon les horaires définis par le juge d’instruction, "pour aller faire des courses ou maintenir des liens familiaux", comme l’explique Cédric Loginel, porte-parole du ministère de la Justice. L’assignation à résidence sous contrôle judiciaire permet "d’éviter la détention provisoire, mais on reste un cran au-dessus du placement sous contrôle judiciaire". Le temps passé est compté comme de la détention provisoire si elles sont condamnées à de la prison par la suite et elles ne peuvent pas rencontrer certaines personnes ni quitter le département de la ville où est situé le domicile.

"Nous souhaitons qu’elles rentrent au pays"

Pourquoi dans l’Hexagone et pas chez elles, en Nouvelle-Calédonie ? "Si les juges d’instruction ont estimé qu’il était important que toutes ces personnes soient éloignées de la Nouvelle-Calédonie le 22 juin, je ne suis pas étonné que les juges d’appel disent qu’il faut que l’assignation à résidence se passe dans l’Hexagone, même si nous souhaitons qu’elles rentrent au pays dès aujourd’hui", a expliqué maître Roux.

Matthieu Quinquis, président de l’Observatoire international des prisons, a lui plus de mal à comprendre la décision de la Cour d’appel de Nouméa. "C’est une procédure particulière. Il arrive que les juridictions souhaitent un éloignement, mais de plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, c’est plus inédit. Ça interroge sur le message que la justice veut faire passer et sur les mesures qu’elle est prête à mettre en œuvre."

Mais pour le porte-parole du ministère de la Justice, l’État est dans ses droits. "Tout dépend du dossier. L’éloignement permet d’empêcher une pression sur des témoins ou des victimes, d’empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et des complices ou encore empêcher que l’infraction se renouvelle", justifie Cédric Loginel. François Roux se veut rassurant et confiant pour la suite du dossier. Si la justice a envoyé un "message de fermeté" le 22 juin, c’est aussi pour "avoir plus de pouvoir d’investigation dans le cadre de l’enquête", selon lui. "C’est la manière de faire de la justice. La justice va toujours essayer de faire grossir les faits pour justifier les peines de prison et puis au fur et à mesure de l’instruction, les choses reviennent à une conception plus juste", explique l’avocat.

L’appel des cinq autres membres de la CCAT a quant à lui été rejeté. Christian Tein, Steve Unë, Dimitri Tein Qenegei restent en prison dans l’Hexagone. Joël Tjibaou et Gilles Jorédié restent quant à eux en Nouvelle-Calédonie. Un pourvoi en cassation sera mené par certains des prévenus.