Ô Madiana, l'hommage musical à Joséphine Baker et Paulette Nardal

Inspirée par Joséphine Baker, la pièce pour orgue "Ô Madiana" convoque les figures parfois oubliées des compositrices Paulette Nardal et Léona Gabriel. Une œuvre bientôt jouée en Martinique, dans l'Hexagone mais aussi aux Etats-Unis et au Nigéria.

Célébrer durablement l'héritage de Joséphine Baker, Paulette Nardal et Léona Gabriel. C'est avec cette volonté que la pièce pour orgue "Ô Madiana" germe dans l'esprit de la Martiniquaise Jessica Barre et de son compagnon, Thomas Sylvand. "C'est ma compagne qui a lancé l'idée depuis la Martinique cet été, en sachant qu'on allait commémorer Joséphine Baker en novembre à Paris", explique le régisseur général de l'Orchestre de Cannes.

Alors qu'elle s'enthousiasme de la panthéonisation prochaine de l'artiste, Jessica Barre réalise que le nom de Joséphine Baker n'évoque rien aux oreilles de ses neveux adolescents. D'où l'idée de créer cette pièce musicale en hommage à l'artiste et d'y associer d'autres figures artistiques féminines. La partition est confiée à l'organiste Edouard Delale qui s'inspire des œuvres de Joséphine Baker mais aussi de celles de deux compositrices martiniquaises, Paulette Nardal et Léona Gabriel. "Ô Madiana" est née. 

Mettre en lumière les compositrices martiniquaises

Ce n'est pas un hasard si les noms de ces femmes se retrouvent en haut de la même partition. Si la chanteuse Léona Gabriel fréquentait le même Montparnasse nocturne que Joséphine Baker, Paulette Nardal, penseuse et inspiratrice de la Négritude a aussi côtoyé la danseuse durant les années 30. "Elles aimaient toutes les deux la musique et ont œuvré chacune à leur manière à la valorisation de l'identité antillaise", explique Thomas Sylvand ajoutant que "Paulette Nardal était plus tournée vers le Gospel afro-américain. Elle a d'ailleurs voulu reprendre ce flambeau et ouvert une chorale en Martinique". 

Ti Manmaille, d'après le gospel de Paulette Nardal, interprété par l'organiste Edouard Delale

L'intégralité de "Ô Madiana", pièce en quatre parties, doit être jouée très prochainement en Martinique avec la complicité de l'Association des amis de l'orgue de Fort-de-France. Si le calendrier reste encore à définir, le projet enthousiasme déjà en dehors des frontières. "La partition sera jouée dans le Missouri à Saint-Louis, ville de naissance de Joséphine Baker, mais aussi à Lagos au Nigéria", détaille Thomas Sylvand.

Le régisseur rappelle aussi l'importance de mettre en lumière le parcours de ces femmes qui, à l'exception de Joséphine Baker, ont parfois été oubliées de la mémoire collective. La Martiniquaise Maïotte Amalbi fait ainsi partie de ces figures éclipsées. "Elle a fait le conservatoire à Paris, a connu le succès lors de grands galas mais est décédée jeune dans les années 40", relate Thomas Sylvand. Si le nom de Maïotte Amalbi n'est pas passé à la postérité, c'est pourtant elle qui a composé le célèbre titre "Madiana", chanté par Joséphine Baker. Titre dont l'organiste Edouard Delale s'est inspiré pour "Ô Madiana", traçant encore un pont entre la Martinique et l'Américaine naturalisée française. 

Remplacer une Joséphine par une autre

Au-delà de la création de cette pièce musicale, Jessica Barre et son compagnon militent pour l'installation d'une statue de Joséphine Baker sur la place de la Savane à Fort-de-France. Leur pétition, lancée il y a quelques mois, a récolté un peu plus de 6 500 signatures, en cette fin d'année 2021. "Alors qu'il y a plutôt eu des statues déboulonnées ces derniers temps, l'idée c'était de mettre en avant des figures positives", explique Thomas Sylvand, en référence au déboulonnage de la statue de Joséphine de Beauharnais en juillet à Fort-de-France.

La statue de Joséphine Baker viendrait en quelque sorte se substituer à celle de la première épouse de Napoléon 1er. Sa présence élèverait la place de la Savane "en redonnant du sens à l’une des chansons les plus connues de Joséphine Baker", peut-on lire dans la pétition. "Ma Savane est belle" chantait Joséphine Baker dans "J'ai deux amours". Avec "Ô Madiana", Paulette Nardal et Léonie Gabriel, compositrices de l'ombre, devraient briller à ses côtés. 

Ô Madiana, le reportage radio de Tiziana Marone