"On vit ensemble en acceptant la différence de l'autre" Sébastien Folin, coauteur et producteur de la série "En boucle"

Sébastien Folin, coauteur et producteur de la série En boucle ©Outre-mer la 1ère
C'est dans son bureau parisien, que le célèbre Réunionnais nous accueille pour raconter la création d'En boucle. De l'écriture en trio avec Carole Lépinay et Fred Journet, son associé à la Belle Télé, au tournage perturbé par un cyclone, Sébastien Folin a suivi toutes les étapes de fabrication de la comédie fantastique puisqu'il porte la double casquette de coauteur et de producteur.

Sébastien Folin, homme de télé à la carrière bien remplie, est passé de l'autre côté de l'écran depuis un certain temps. Aujourd'hui, il monte des projets et les produit, s'attelle à l'écriture de scénarios seul ou en équipe, les réalise aussi parfois, comme pour Ziskakan, la révolution créole son premier long-métrage sorti en 2022. 

La série En boucle est son "dernier bébé". C'est l'histoire de François Françoise, un homme de 50 ans, un Réunionnais un peu mal dégrossi qui ne comprend pas l'époque dans laquelle il vit. Il se retrouve bloqué dans une boucle temporelle entre Saint-Denis 974 et Saint-Denis 93 et pour en sortir, il va devoir évoluer.

Un reflet de la société actuelle 

Comment vous est venue l'idée d'En boucle ?

Sébastien Folin : "Nous sommes partis d’une envie de France Télévisions de parler du vivre ensemble à La Réunion puis avec mes deux coauteurs Fred Journet et Carole Lépinay mais aussi avec Manon Acoumaty la réalisatrice et les producteurs Olivier Drouot, qui est mon associé à la Belle Télé et Laurent Médéa à Tiktak Production nous avons décentré un peu le propos. Ne pas s’intéresser seulement à l'exemple du vivre ensemble réunionnais d’un point de vue ethnique et religieux mais l’élargir à toutes ces questions d’inclusion qui agitent la société et le monde aujourd’hui."

Le scénario reflète les observations du trio d'auteurs sur l'époque qui définissent les caractères des personnages, agrémentés de petites anecdotes personnelles.

Sébastien Folin : "La différence de genre, de préférence amoureuse, la possibilité de s’émanciper, toutes ces questions-là, aujourd’hui, créent de vraies frictions. Pourquoi dresser les gens les uns contre les autres parce qu'ils sont de telle couleur, parce qu’ils se sentent homme plutôt que femme ou inversement ou pas du tout ?" La série parle beaucoup des sujets de genre et d'identité. Ils peuvent être clivants notamment dans les relations intergénérationnelles. L'auteur nous fait remarquer que si c'est souvent la jeunesse qui revendique sa place dans la société ou plutôt sa singularité, ce sont les générations plus âgées qui empêchent le vivre ensemble car ce sont elles qui leur refusent le droit de revendiquer.

Sébastien Folin souligne que nos comportements en société méritent parfois débats et discussions. La vraie difficulté est qu'aujourd'hui les confrontations d’idées se radicalisent très vite. "J’ai l’impression qu’on est rentré dans une société adolescente, remplie de certitudes. Celles-ci ne font que s'opposer actuellement alors que des convictions peuvent être contredites par d’autres pour tendre vers quelque chose d'évolutif", précise-t-il.

Sébastien Folin : "Ce qui nous a intéressés en créant cette série, c’est aussi d’en jouer et d’en rigoler parce qu’il faut savoir rire aussi des choses graves et peut-être susciter le débat au sein des familles, de libérer en quelque sorte une forme de parole."

Une série presque 100% réunionnaise

Sébastien Folin : "La série a été tournée entièrement à La Réunion, à l'exception de quelques extérieurs filmés en quelques jours en Seine-Saint-Denis. Le casting est 100% local. Les comédiens vivent tous à La Réunion, jouent à La Réunion dans des séries, au théâtre, sur le web. C’est génial. Ils ont incarné à la fois les Réunionnais et les Hexagonaux. Nous avons eu la chance de travailler avec des comédiens d'un très grand niveau et cela a suscité beaucoup de plaisir. L'équipe de tournage aussi est réunionnaise : seuls le chef opérateur et la scripte sont venus de métropole."

Le casting de la série En boucle 100% réunionnais. Christine Salem, David Erudel, Marie-Alice Sinaman, Aloïs Fructus, Titi le Comik, Audrey Turpin, Eric Lauret et Jade Lambert (de haut en bas et de gauche à droite)

"C’était important d’avoir une équipe 100% réunionnaise. Depuis maintenant plus de 15 ans, il y a un vrai travail localement avec la venue des séries pour faire monter en gamme les techniciens, les auteurs, les réalisateurs à La Réunion, c’est formidable. Il existe un dispositif qui s’appelle Talents la kour qui a été mis en place par Elsa Dahmani depuis 5 à 6 ans, peut-être un petit plus. Elle met en avant des auteurs réalisateurs réunionnais et les présente ici à Paris. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Manon Amacouty, on a travaillé sur d’autres projets ensemble qui n’ont pas vu le jour. J’avais envie aussi de pousser un talent local, elle n’est pas la seule mais elle en fait partie. Je trouve qu’elle a quelque chose d’assez singulier. Mon rôle en tant que Réunionnais, qui est venu dans l’Hexagone, c’est aussi de garder un œil sur ce qui se passe avec les jeunes talents à La Réunion et d’essayer de leur ouvrir la porte et de leur mettre le pied à l’étrier, ce que j’ai essayé de faire avec cette série."

La langue créole lie les différentes communautés à La Réunion. Tourner en créole était une évidence ?

Sébastien Folin : "On a poussé le bouchon à vraiment jouer sur un bilinguisme : c’est-à-dire que c’est à la fois français et créole parce qu’à La Réunion, on est comme ça même dans les familles. Dans les familles on parle, on mélange le français et le créole. (...) Avoir une série qui mélange le créole et le français sur une antenne de France Télévisions est vraiment fondamental parce que ça montre déjà la singularité de cette île. Ça montre la façon dont on arrive justement à travers cette culture commune à vivre ensemble et cela ne se passe pas qu’au niveau ethnique et religieux, cela se passe au-delà de tout cela. On a une histoire commune.

Aujourd’hui, on est habitués à regarder sur les plateformes des séries qui sont polonaises, suédoises, indiennes, turques dans la langue vernaculaire. Il n’y a aucune raison que le créole n’ait pas sa place. C’est une langue par laquelle on dit des choses qu’on ne dira pas en français. Comme toute langue intime, quand on touche justement à l’intime et c’est ce que l’on fait dans cette série, les choses s’expriment de façon beaucoup plus naturelle et beaucoup plus profonde dans la langue maternelle et en l’occurrence pour nous, en créole réunionnais."

L'intégralité de la série En boucle est disponible ici.

Avec David Erudel (François Françoise), Marie-Alice Sinaman (Prisca Françoise), Jade Lambert (Laurie Françoise), Christine Salem (Mirose Soupapoullé), Thierry Vaïtilingom alias Titi le Comik (William Gonthier), Eric Lauret (David Ah-Peng), Laure Le Rouzic (Romy Marty), Antoine Stip (Rajah Saint-Ange), Aloïs Fructus (Octave Marty), Audrey Turpin (Marceline Elisabeth), Baya Massamba-Wa (Mona Ben Salem)...

Écriture : Sébastien Folin, Fred Journet et Carole Lépinay
D'après une idée originale d'Olivier Drouot et Laurent Médéa
Réalisation : Manon Amacouty
Production : La Belle Télé / Tiktak Production
Avec la participation de France Télévisions et le soutien de la Région Réunion
En partenariat avec le Centre national de la cinématographie et de l'image animée
Série en 7 épisodes - © 2024