Mais où se trouve la stèle en hommage aux victimes de l'esclavage installée à Saint-Denis, au nord de Paris ? Érigé le 23 mai 2013, le monument, conçu par le sculpteur Nicolas Cesbron, est introuvable depuis plusieurs jours, ce qui provoque l'indignation des descendants des victimes de l'esclavage et des associations à l'origine de ce projet.
"Sur le coup, je n'ai pas compris"
À l'occasion de la journée de la commémoration des victimes de l’esclavage colonial du 23 mai 2013, deux monuments ont été inaugurés en région parisienne. L'un à Sarcelles (Val-d'Oise), l'autre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). À l'origine du projet, le Comité Marche 98 ainsi que l'association Sonjé, qui ont tenu à honorer la mémoire des victimes de l'esclavage colonial.
Pour des raisons de visibilité et de mise en valeur, la mairie de Saint-Denis, en accord avec l'artiste et l'association Comité Marche 98, évoquait en 2019 l'idée d'un déplacement du monument. Depuis, aucune nouvelle jusqu'au 31 mars dernier, où Emmanuel Gordien, président de l'association Comité Marche 98, reçoit l'information que le déplacement va être réalisé "sous peu", sans préciser, ni le jour, ni la date et sans prévenir le sculpteur Nicolas Cesbron.
Le lendemain matin, Emmanuel Gordien est appelé par des amis Guadeloupéens qui lui demandent où se trouve l'œuvre. "Sur le coup, je n'ai pas compris" raconte le président de l'association.
" Il n'y a aucun aspect mémorial dans les politiques publiques"
Le 2 avril, Emmanuel Gordien se présente sur les lieux et s'aperçoit avec stupeur que la mairie a effectué le retrait du monument, sans consulter aucune des parties. Choqué, le président de l'association contacte les services municipaux, qui lui proposent un entretien dans les prochains jours.
Il y a une émotion certaine. [...] Il y a une faute symbolique de l'État, il n'y a aucun aspect mémorial dans les politiques publiques. Il faut considérer cela comme il se doit.
Emmanuel Gordien - Président de l'association Comité de Marche 98 ( CM 98)
En attendant d'être reçu par la mairie nord-parisienne, Emmanuel Gordien a souhaité se réunir avec certaines des victimes de l'esclavage, hier, où une centaine de personnes étaient présentes. Et parmi elles, l'artiste Nicolas Cesbron, qui, "grâce à l'immense travail sur les mémoires de CM98" a produit cette œuvre il y a plus de 10 ans.
Il a une dimension mémorielle, mais également progressiste. [...] Quand j'ai appris que cette œuvre n'était plus là, j'ai ressenti comme un sacrilège. Cela a été fait de manière irrespectueuse.
Nicolas Cesbron - artiste, sculpteur ( créateur de l'œuvre)
Contactée, la mairie indique que l'œuvre a été retirée pour être rénovée et que sa nouvelle localisation, à 50 mètres de l'ancien emplacement, permettra à davantage de monde de se retrouver autour du monument, dans une zone piétonne, sur la place Robert de Cotte.
Sur place, Daniel Dalin, adjoint au maire de Saint-Denis, en charge de la politique mémorielle et anciens combattants, explique que cet évènement est une "maladresse".
La raison ? L'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune, une de communauté de commune dans la Seine-Saint-Denis, une fois l'accord de la mairie, aurait exécuté immédiatement le retrait de la stèle "sans saisir la charge émotionnelle que ça pourrait procurer" avance l'élu. Daniel Dalin précise que "la stèle a été retirée dans le cadre d’un projet communément décidé avec les associations et la ville". L'adjoint au maire tient également à rappeler qu'il suivait le dossier de très près, d'autant plus que son propre nom de famille figure sur la stèle.
La mairie de Saint-Denis a de plus assuré que le monument serait de nouveau sur pieds, à son nouvel emplacement, pour le 23 mai, date commémorative en hommage des victimes de l'esclavage colonial.