Oudinot du pouvoir d’achat : "le match ne fait que commencer"

Jean-François Carenco, ministre des Outre-mer
Le ministre délégué aux Outre-mer a détaillé ce jeudi 8 décembre les mesures du Oudinot du pouvoir d'achat. Ces mesures, le fruit de négociations entre l'État, les collectivités locales et différents acteurs privés, doivent permettre de lutter contre la vie chère Outre-mer.

Le ministre délégué aux Outre-mer a présenté ce jeudi 8 décembre les conclusions du Oudinot du pouvoir d’achat. Les mesures annoncées, censées lutter contre la vie chère en Outre-mer, ne concernent pas les territoires du Pacifique du fait du système institutionnel de ces territoires, qui donne plus d’autonomie aux collectivités sur ces sujets. 

"L’inflation est-elle galopante ? Exponentielle ?, a fait mine de s’interroger Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer. Non, elle est moins forte en Outre-mer qu’en métropole, mais plus forte sur les produits alimentaires et, surtout, elle s’applique à des populations dont le niveau de vie moyen est inférieur à celui dans l’Hexagone." Sur les 12 derniers mois, les prix ont augmenté en moyenne de 5,6% dans l’Hexagone, contre une inflation de 2,7% en Guyane, 3,5% en Guadeloupe, 3,8% en Martinique, 3,9% à La Réunion et 4,1% à Mayotte.

Les mesures pour redonner du pouvoir d'achat aux Ultramarins consistent essentiellement en une extension du bouclier qualité prix (BQP), un dispositif qui fixe un prix maximum pour un certain nombre de produits de consommation courante. Le bouclier doit permettre de baisser, ou a minima de maintenir, les prix des produits sélectionnés. Les annonces sont le résultat de négociations, impulsées par l’Etat, entre l’ensemble des acteurs qui jouent un rôle dans le prix final. Des efforts ont été demandés aux distributeurs, mais aussi aux collectivités territoriales, qui fixent l’octroi de mer, aux ports, aux compagnies de transport… Pour baisser les prix, le conseil territorial de Guadeloupe s’est par exemple engagé à baisser l’octroi de mer sur 33 produits.

Tomates pelées, pièces automobiles, sardines à l’huile, ailes de poulet, lessive, eau plate… Les produits concernés ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre. Les listes précises des biens et services à prix fixé seront prochainement publiées sur les sites des préfectures.  

Plus de produits dans plus d’enseignes

Le nombre de produits concernés augmente significativement dans la majorité des territoires. Le nouveau bouclier qualité prix guadeloupéen en compte par exemple 70 de plus que le précédent. C’est à La Réunion, où le nombre de produits plafonnés ne change pas, que le BPQ évolue le moins. L’une des nouveautés est l’introduction d’offres de services dans la liste des produits plafonnés. En Guadeloupe et en Guyane, certains forfaits mobiles seront plafonnés.

Proposer des produits à des prix fixes ne suffit pas, encore faut-il qu’ils soient disponibles pour un maximum de consommateurs. Les rayons consacrés aux produits plafonnés sont parfois mal approvisionnés, voire vides. À La Réunion, les magasins participants "s’engagent sur des efforts d’approvisionnement". Dans la même logique, en Guadeloupe, le BQP intègre désormais les supérettes -il ne concernait jusqu’ici que les enseignes de plus grandes tailles- ce qui permettra aux habitants des îles du nord, où il n’y a pas de grand supermarché, de bénéficier de ces prix bas. De même, le dispositif s’appliquera désormais aux magasins de proximité en Guyane.

Est-ce que ça va en 5 minutes faire baisser les prix ? La réponse est non. Si ça stabilise les prix pendant un an, pendant six mois, c’est déjà gagné. Ce n’est pas "on se revoit dans six mois", c’est un effort permanent.  

Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer

Deux distributeurs, Système U et Les Mousquetaires, se sont engagés à proposer aux consommateurs ultramarins leurs produits à des prix similaires, hors coûts de transport, à ceux de l’Hexagone. Ils doivent aussi développer la présence des produits de marque distributeur dans leurs enseignes ultramarines : dans les Outre-mer, ces produits meilleur marché ne représentent qu’un peu plus de 10% des références, contre près d’un tiers dans l’Hexagone.

"Est ce que c’est assez ? C’est déjà pas mal", s’est félicité Jean-François Carenco, ajoutant que "le match ne fait que commencer, on continue à travailler."

"L'État n'a pas fait d'efforts"

Pour Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion, "c’est un premier pas". Mais elle appelle à plus d’efforts, notamment sur les prix des loyers. Catherine Conconne, sénatrice de Martinique, est bien plus réservée. "Il y a deux personnes à remercier pour la baisse des prix, ce sont les distributeurs et les collectivités territoriales, à qui on demande une baisse de l’octroi de mer. Pour l’instant, je n’ai pas vu de geste conséquent de la part de l’État", commente-t-elle. Le BQP, on le connait depuis 2009. On sait faire. J’ai envie de dire peut mieux faire !"

J’ai le regret de constater que l’État n’a pas fait d’efforts.

Catherine Conconne, sénatrice de Martinique

 Catherine Conconne s’étonne notamment que l’État n’ait pas proposé de diminuer les taux de TVA appliqués Outre-mer. Un non sujet pour Jean-François Carenco, qui considère que "l’engagement de l’État est déjà considérable", ajoutant : "On peut toujours demander à l’État de tout payer. Mais ce n’est pas possible, ça ne marche pas comme ça."

Les prix fixés ne seront valables que quelques mois : ils serviront de base aux discussions, menées chaque année, territoire par territoire, pour renouveler le bouclier qualité prix.  Au ministère des Outre-mer, on assure que le respect des engagements des différents acteurs sera contrôlé régulièrement. Mais il ne s’agit que d’engagements, et aucune sanction n’est a priori prévue si les promesses ne sont pas tenues.