Les Outre-mer, c'est quoi ? Saint-Martin

Vue d’une partie de la commune de Marigot, chef-lieu de la partie française de Saint-Martin
Baptisée SXM ou la "Friendly Island" (l’île amicale), Saint-Martin tente encore de sortir du traumatisme socio-économique généré par l’ouragan Irma en 2017. Ce beau territoire aux multiples nationalités ne manque pas d’atouts, dont le tourisme est le moteur essentiel.
Chef-lieu : Marigot
Statut : collectivité d’Outre-mer
Zone : petites Antilles, océan Atlantique
Au sud, Saint-Barthélemy, Saint Kitts and Nevis et la Guadeloupe
Au nord, Anguilla (territoire britannique)
A l’ouest, Porto Rico
Saint-Martin se trouve à 400 km de la Floride et à quelque 7200 km de l’Hexagone. La collectivité se partage l’île avec Sint Maarten, territoire hollandais.  
Langues : français, anglais, créoles guadeloupéen et haïtien
 

Population

Selon les dernières données de l’Insee, la partie française de Saint-Martin comptait un peu plus de 35.700 habitants en janvier 2016. Selon les services de l’Etat, il faudrait ajouter à ce chiffre environ 8000 personnes issues de l’immigration clandestine. Il y aurait donc au total près de 44.000 personnes dans la "Friendly Island" (et 55.000 à Sint Maarten, côté hollandais).

Dans les années quatre-vingt, Saint-Martin a enregistré une forte vague migratoire, principalement en provenance d’Haïti, liée au développement du tourisme. En 2016, les non-natifs recensés représentaient plus d’un tiers de la population. Cette dernière est relativement jeune. Sur l’année considérée, 26,4% des habitants étaient âgés de moins de 14 ans, alors que cette part s’élevait à 19,4% en Guadeloupe et 18,3 % sur le plan national. Par ailleurs, les personnes âgées d’au moins 60 ans représentaient 12,2 % de la population en 2016, contre respectivement 23,5% et 25,2% en Guadeloupe et dans l’Hexagone. A noter que le nombre de familles monoparentales à Saint-Martin est l’un des plus importants des Outre-mer, avec un taux de 40,9% (15,9% dans l’Hexagone).
 
 

Histoire en bref

Des archéologues ont retrouvé des traces humaines au nord de Saint-Martin datant de 2000 avant J.C. environ. Il s’agit d’Indiens venus du bassin de l’Orénoque (région du Venezuela) suivis d’Indiens caraïbes arawak arrivés en plusieurs vagues et se déplaçant d’îles en îles dans les petites Antilles. Christophe Colomb débarque sur le territoire, qu’il baptise de son nom actuel, en novembre 1493, lors de son deuxième voyage aux Amériques. Jugée trop petite pour une implantation, les navigateurs européens, et notamment les pirates, vont surtout utiliser Saint-Martin comme point de mouillage et de ravitaillement.

Les Français vont changer la donne en 1625, en entamant la colonisation de l’île. Mais ils vont devoir se frotter à d’autres ambitions, anglaise, espagnole et hollandaise. Finalement, en mars 1648, la France et la Hollande se partagent le territoire. Cela n’empêchera pas Saint-Martin de passer encore plusieurs fois sous domination anglaise, jusqu’en 1815. Entre-temps, des milliers esclaves africains sont acheminés sur l’île pour y cultiver principalement la canne à sucre et le coton. En 1848, l’esclavage est aboli dans la partie française de Saint-Martin (en 1863 dans la zone hollandaise). Cela porte un coup fatal à l’économie coloniale. Les productions sucrière et cotonnière cessent, de même que celle des salines, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Nombreux sont alors les Saint-Martinois à émigrer vers Saint-Domingue, les îles anglophones environnantes et les Etats-Unis. 

Après-guerre, Saint-Martin est rattaché administrativement au département de la Guadeloupe en 1947. Au début des années 50, l’île va entamer un développement économique lié notamment au dynamisme touristique de la partie hollandaise. En 1963, la construction de l’aéroport international Princess Juliana de Sint Maarten va renforcer le secteur du tourisme dans l’île, qui va faire jusqu’à aujourd’hui sa communication sur le thème de la "Friendly Island", l’île amicale. En février 2007, Saint-Martin devient une collectivité d’Outre-mer et ne dépend plus de la Guadeloupe. A plusieurs reprises, l’économie de l’île sera durement frappée par le déchainement des éléments. Les cyclones Luis et Marylin en 1995, Lenny en 1999, Earl en 2010, et surtout l’ouragan Irma en septembre 2017, ont porté des coups sévères au tourisme roi. Trois ans après le dernier cyclone, Saint-Martin n’est pas tout à fait remise.

Regardez l’un des spectaculaires atterrissages d’avion, rasant la plage, à l’aéroport Princess Juliana
 

Géographie

La partie française de Saint-Martin a une superficie de 53 km2 (avec la zone sud hollandaise, l’île fait 90 km2 au total). Bordée par la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique, la collectivité se compose de deux parties, Grande-Terre et Terres Basses, reliées entre elles par un cordon littoral contournant un étang salé. Elle comporte aussi plusieurs îlets : Tintamarre, Pinel, Cayes vertes et Petite clef. D’origine volcanique comme ses sœurs des Antilles, Saint-Martin est montagneuse, avec un point culminant à 424 mètres d’altitude, le Pic Paradis. Elle comporte également des baies magnifiques et des zones rocheuses. Le climat tropical du territoire est néanmoins beaucoup plus sec que dans les îles avoisinantes. Fautes de sources naturelles, l’eau est rare, ce qui a conduit les autorités de Saint-Martin et Sint Maarten à construire une usine de dessalement de l’eau de mer dans leurs zones respectives.
 
Vues de l’îlet Tintamarre, inhabité, qui fait partie de la réserve naturelle de Saint-Martin.
 

Économie

De type tertiaire (services marchands et non marchands), l’économie saint-martinoise est principalement tirée par le tourisme (2,7 millions de visiteurs accueillis, dont 78 % de croisiéristes, pour sa meilleure année en 2014). Les autres secteurs comme l'agriculture, l'élevage et la pêche demeurent négligeables. Le commerce, les services administratifs, l’hébergement, la restauration et l’immobilier représentent les principaux pôles d’activité. Mais le passage de l’ouragan Irma a fortement affecté l’économie de l’île. Selon la Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin (CCISM), le territoire comptait 2.249 entreprises de moins à la fin 2017. L’année 2018 a cependant donné des signes encourageants pour un retour progressif à la normale. Le nombre des créations d’entreprises s’est ainsi chiffré à 548, contre 216 en 2016.

Mais l’activité touristique peine à redémarrer. Sur les 1,8 million de visiteurs accueillis à l’aéroport Princess Juliana en 2018, seulement 5,3% se sont rendus dans la partie française. Par ailleurs, à la fin de la même année, seule la moitié des chambres disponibles en zone française avant l’ouragan Irma étaient en état de recevoir du public. D’après l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (IEDOM), leur taux de fréquentation avoisinait les 40%. Selon cette institution, la reconstruction des structures hôtelières se heurte à plusieurs obstacles, au premier rang desquels figurent les délais d’indemnisation des assureurs. Autre problème, à peine 40 % des propriétaires étaient assurés. Signe encourageant quand même pour le tourisme, le nombre de croisiéristes faisant escale à Saint-Martin a augmenté de 43,8 % en 2018.

Dans les conditions de l’après-Irma, le chômage, qui était déjà à 35,2% de la population active en 2016 (soit le plus élevé de France après Mayotte, à 35%), a nettement augmenté en 2017 (de plus de 18%). Toutefois, on constatait une baisse significative du nombre de demandeurs d’emplois à la fin 2018, du fait de la reconstruction de l’île. La reprise a surtout bénéficié aux secteurs du bâtiment et des travaux publics. 
 
 

Politique et cadre institutionnel

Auparavant rattachée en tant que commune à la Guadeloupe, Saint-Martin est depuis 2007 une collectivité unique. Elle comprend un Conseil territorial composé de 23 membres élus pour cinq ans, qui élit à son tour un président ainsi qu’un conseil exécutif composé de vice-présidents et de conseillers chargés d’arrêter les projets de délibération à soumettre au Conseil territorial. La collectivité possède également un Conseil économique, social et culturel (CESC), constitué de représentants des sphères syndicales, associatives, culturelles et du monde professionnel, qui est consulté sur les projets d’actes et de délibérations du territoire.

Par ailleurs, Saint-Martin et la partie hollandaise Sint Maarten ont créé depuis le début des années 2010 une instance de dialogue qui a pris la forme d’une commission de coopération, où sont discutés des sujets d'intérêt commun tels que la sécurité, le transport, l’aménagement du territoire, les affaires sociales et le développement économique. Saint-Martin est une région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, ce qui lui permet notamment d’obtenir des aides financières du Fonds européen de développement régional (FEDER). La collectivité compte un député (commun avec Saint-Barthélemy) et un sénateur au Parlement. Au niveau régional, l’île est membre associée de l’Association des États de la Caraïbe (AEC), et bénéficie du statut d’observateur au sein de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO).    

>>> A voir : la 24e Conférence des RUP s'est ouverte à Saint Martin (7 février 2020)
 
 

Société

Fameuse pour ses plages, sa réserve naturelle, ses activités nautiques et de plongée, ainsi que sa vie nocturne quand on passe du côté hollandais, Saint-Martin a connu un coup d’arrêt avec le passage de l’ouragan Irma en septembre 2017. Classé en catégorie 5, soit le niveau le plus élevé sur l’échelle de Saffir-Simpson, avec des vents de plus de 300 kmh, Irma a dévasté la plupart des infrastructures du territoire. Selon les chiffres officiels, l’ouragan a causé la mort de onze personnes, et endommagé 95% des bâtiments (dont 20% presque complètement détruits). Le coût total des dégâts a été estimé à près de 1,2 milliard d’euros par les compagnies d’assurance. Petit à petit, et avec l’aide de l’Etat, Saint-Martin efface les dégradations engendrées par Irma, en comptant sur la relance de son atout majeur, le tourisme. Mais en dépit d’une légère embellie, la crise du Covid-19 est venue doucher les espoirs renaissants des Saint-Martinois concernant le moteur de leur économie, avec l’interruption des vols internationaux et des croisières. L’île a été touchée par la pandémie à la mi-mars 2020. Trois mois après, on comptait 46 personnes contaminées et trois décès.

Saint-Martin a aussi été marqué par d’importantes contestations en décembre 2019. Opposés à la mise en place d’un nouveau Plan de prévention des risques naturels (PPRn), suite au passage d’Irma, des habitants ont manifesté durant plusieurs jours, érigeant des barricades et brûlant des pneus. Selon eux, la redéfinition des zones non-constructibles empêcherait nombre de Saint-Martinois de rebâtir leurs habitations sur leurs terres. Les élus ont demandé à l’Etat plus de concertation, et le président de la collectivité Daniel Gibbs a indiqué qu’il souhaitait purement et simplement le retrait du PPRn. De son côté, le gouvernement s’est dit prêt à revoir sa copie. En juin 2020, les discussions étaient encore en cours. 

Vidéo : pourquoi le Plan de prévention des risques naturels est si contesté (décembre 2019)
 

Culture et sport

Du fait de la pratique de plusieurs langues sur le territoire, avec une prédominance de l’anglais, même si l’administration est française, Saint-Martin est très influencée par les cultures nord-américaines et des îles anglophones voisines. Ceci se décline particulièrement dans la musique, qui fait une large place au dance-hall, hip-hop, rap, reggae, jazz, steel-drum et autres… Que les Guadeloupéens et Martiniquais se rassurent, on entend également du zouk et de la biguine !

Le développement du tourisme a entraîné l’instauration de nombreuses manifestations culturelles sur l’île. Il y évidemment la tradition de l’incontournable carnaval du mois de février à Marigot. Plus au nord, la commune de Grand-Case propose tous les mardis soirs, de janvier à avril, un grand marché artisanal avec animations et orchestres. En juillet, les parties française et hollandaise organisent conjointement le Mois de l’héritage culturel de Saint-Martin/Sint Maarten, pour valoriser les cultures et les patrimoines des territoires. Par ailleurs, la collectivité compte de nombreuses galeries d’art ainsi que des sites historiques comme le Fort-Louis à Marigot (datant de 1750), les vestiges d’anciennes habitations et sucreries, ou l’église de Saint-Martin-de-Tour (1941). A ne pas manquer aussi, la visite du musée "Sur la trace des Arawaks" à Marigot (dans l'ancienne prison construite en 1789), qui retrace l'histoire de l’île depuis l’arrivée des premiers Amérindiens. 
 
Saint-Martin possède de magnifiques baies, propices aux randonnées

Dans le domaine littéraire et de la recherche, l’historienne saint-martinoise Daniella Jeffry (1941-2019) fut une fine analyste de la situation de son île et des Antilles. Elle publia deux ouvrages de référence qui eurent un large retentissement : "Le scandale statutaire sur l'île de Saint-Martin" (2006), et "Saint-Martin, déstabilisation sociétale dans la Caraïbe française" (2010), toujours d’actualité. Publiés aux éditions L’Harmattan, ces livres ont été traduits en anglais. Voici comment l’auteure présentait son deuxième essai : "L'implantation d'un système de domination économique, sociale et linguistique sur la partie française de l'île binationale de Saint-Martin à partir de 1977 a irrémédiablement transformé le mode de vie paisible et la qualité de vie des habitants. L'île est devenue un Eldorado où le monde des affaires, de la drogue, de l'illégalité, de la criminalité et des trafics de tous genres ont pris le dessus. Les natifs ont été pratiquement éliminés de la structure sociale et économique et leur culture caribéenne a été étouffée par l’application de politiques et de pratiques discriminatoires qui ont abouti à l’exclusion et au chômage chronique de cette partie de la population."

A Saint-Martin côté sport, les activités nautiques sont reines, conditions climatiques et situation géographique de la Friendly Island obligent. Surf, planche à voile, jet-ski, plongée, ski nautique, kayak, bateau à voile, le choix est large… On peut aussi faire des randonnées à pied, notamment dans la réserve naturelle ou le long des larges baies de l’île. Les Saint-Martinois se passionnent évidemment pour les grandes compétitions, en particulier de foot et de basket. Dans ce dernier domaine, un enfant du pays, Sébastien Vertus, a pris ses marques à Vanves, près de Paris, en Nationale 1, où il est capitaine de l’équipe.