Comme si le temps n’avait jamais d’emprise sur lui. Patrick Cham ne change pas. Toujours cette même ligne. Impeccable. "Je vais quand même sur mes 63 ans, s'amuse-t-il. Mais je continue à m'entretenir. Mon poids est strictement identique à celui que j'avais quand j'étais joueur." Et pourtant, le Guadeloupéen adore cuisiner. "Ma mère m'a appris tous ses secrets. Je suis l'aîné d'une famille de six enfants. J'ai commencé très tôt. Aujourd'hui, je sais tout faire. Je dirais que je comprends la cuisine."
Même derrière les fourneaux, impossible d'imaginer Patrick dans une tenue négligée. L'élégance a toujours été sa marque de fabrique. Son signe de reconnaissance. "J'aime bien ce qui est raffiné. Le bon goût. Donc attention, pas le bling-bling ! Tout jeune déjà, je fréquentais le monde de la mode. Le souci de l'élégance m'a vite habité."
Grand respect du corps. Sens du collectif. Élégance. Voici peut-être les trois clés de la méthode Cham.
20 ans au service du Pôle Basket Guadeloupe
2002. Patrick Cham a 43 ans. Une belle carrière de basketteur professionnel derrière lui. Et il vient de vivre 4 saisons en tant que CTN (Conseiller Technique National) au Centre Fédéral du Basket, l'usine à champions au cœur de l'INSEP. "J'ai appris que le poste de CTS (Conseiller Technique et Sportif) était vacant en Guadeloupe. Je savais ce qui m'attendait : l'absence de moyens. Ceci étant, je n'ai jamais baissé les bras." 1 700 licenciés à son arrivée. 3 000 avant le Covid. Une vraie réussite. "La première année, le Pôle a quand même sorti Rodrigue Beaubois et Ludovic Vaty. Ça commençait fort."
David Michineau, Juhann Bégarin, Stéphane Gombauld, Jonathan Jeanne… La liste de ces illustres guadeloupéens formés au Pôle semble infinie. Ils y passent en général deux années. À 13 et 14 ans. Deux années d'excellence. "Ils découvrent l'entraînement biquotidien. À 5h30, le matin puis à 16h30, le soir. Ils sont entre six et huit par année de naissance. Aussi bien des garçons que des filles." Les meilleurs peuvent espérer intégrer l'INSEP. Pour les autres, ce sera un centre de formation dans l'Hexagone. Si tout va bien. "Le Covid a changé la donne. Avec tous les arrêts en 2020, j'ai peur que la génération 2007 ne soit la génération sacrifiée. J'ai un peu plus d'espoir pour la génération 2008."
Le profil idéal
Patrick Cham ne fut pas le premier guadeloupéen à s'illustrer sur les parquets hexagonaux. Des joueurs comme Jacques Cachemire l'ont précédé. Mais surtout, depuis une trentaine d'année, le département apporte régulièrement tout un contingent de talents à la Pro-A et à la NBA. "Fournir autant de pros avec un si petit nombre de licenciés, ça fait réfléchir, non ?" Le basketteur made in Guadeloupe aurait-il le profil idéal ? "J'ai tendance à le penser. Des joueurs grands. Athlétiques. Félins. Maintenant, avec le métissage, ça peut évoluer. Mais pour l'instant, oui, ils ont le profil."
Reste que les effets de la mondialisation inquiètent le Guadeloupéen. "Avant, notre mode de vie était un atout. Les enfants marchaient beaucoup, couraient tout le temps, nageaient… Cela leur offrait un développement physique précoce. Une motricité naturelle. Alors qu'aujourd'hui, les parents emmènent leurs enfants à l'école en voiture. Les jeunes ne bougent plus autant. À mon époque, un gamin en surpoids, c'était inimaginable. Nous étions presque maigres à force d'être en mouvement permanent. J'ai peur que ce nouveau phénomène finisse par avoir des conséquences."
Un pionnier du basket moderne
Lorsque Patrick Cham est arrivé au Stade Français en 1976, le basket pro n'existait pas. Pas encore. "Disons qu'il s'agissait d'un basket professionnel déguisé. Certains clubs proposaient des contrats. D'autres pas. Et on ne s'entraînait qu'une seule fois par jour !" Il faut attendre les années 80 pour voir le basket tricolore se structurer. "J'appartiens à la première génération du basket moderne. Il est certain que si nous avions pu disposer des méthodes de préparation actuelle, nous aurions été bien meilleurs."
Sur le papier, les noms qui composent alors l'équipe de France, font rêver : Eric et Gregor Beugnot, Richard Dacoury, Hervé Dubuisson, Jean-Michel Sénégal, Georges Vestris, Patrick Cham… "Et pourtant, les JO de Los Angeles en 1984 ont été un fiasco. 5 matchs. 5 défaites. Onzième sur douze. Il a ensuite fallu attendre seize ans avant de goûter à nouveau aux JO. Mais il n'empêche que notre aventure a contribué à professionnaliser la discipline en France. Avec la création des centres de formation, une vraie politique pour former des joueurs de grande taille…" Première récompense en 2000 avec une médaille d'argent à Sydney. Avant de remettre ça, l'an dernier à Tokyo. Nouvelle deuxième place derrière des Américains plus si imbattables que ça.
Dernière réussite et non des moindres pour Patrick Cham : sa vie de famille. Le Guadeloupéen est l'heureux époux du mannequin américain Jo Bennett. Ensemble, ils ont eu deux filles, Nina et Roxanne. "Nina, l'aînée a 23 ans et prépare un Master en logistique. Quant à Roxanne, 19 ans, elle est en deuxième année de médecine. Je suis très fier de mes deux filles. Je crois bien que je suis un papa gaga."
Un papa gaga. Un mari amoureux. Un formateur attentionné. Un champion inchangé. Un cuisinier passionné. Patrick Cham, c'est tout ça à la fois. Sans oublier l'élégance. Son élégance. En toute circonstance. Le monde anglo-saxon de la mode appellerait ça : the Cham's touch. La touche Cham.