Pêche illégale dans les Outre-mer : l’État traque les pêcheurs clandestins depuis l’espace

Pêche illégale en Guyane
Depuis ce jeudi 1er juin 2023, le Centre national d’études spatiales (CNES) fournit à différents services de l’État un système qui permet de surveiller la pêche illégale depuis l’espace. Plusieurs zones maritimes ultramarines sont menacées par les pêcheurs clandestins.

Grâce à ses territoires ultramarins, la France possède le deuxième plus grand espace maritime du monde, avec 11,7 millions de km², ce qui la place juste derrière les États-Unis. Cette zone économique exclusive est une richesse pour le pays, mais aussi un sacré casse-tête. Car l’État doit garantir la sécurité et la surveillance de cette vaste surface maritime, plus grande que l’Europe.

Pour ce faire, depuis le 1er juin, il peut compter sur un nouvel outil mis à sa disposition par le CNES : la surveillance depuis l’espace grâce aux satellites.

L’idée est née sous l’impulsion du "programme de financement France 2030 ". Les moyens de l’État s’articulaient autour du projet "Trimaran ", mais étaient trop limités face à l'étendue de la zone à et l’ampleur de la pêche illégale. 

"On s’est rendu compte qu’on ne pouvait intervenir que sur de petite zone et à la demande, et cela manquait de moyens pour couvrir toutes les zones à tout moment, déclare Eric Brel, chargé du développement des applications spatiales vers le maritime et les Outre-mer au CNES. Ainsi, nous avons essayé de mettre en valeur de nouveaux acteurs, qui nous apportaient plus d’informations pour être sûr de détecter des cas de pêche illégale".

Traquer les radars des pêcheurs clandestins

"On va fournir les données qui couvrent toutes les zones qui les intéressent, et les composantes de l’État [douanes, marine nationale, etc., NDLR] vont intervenir", ajoute-t-il.

remorquage du navire après son contrôle

Pour mettre en place cette surveillance depuis l’espace, les services du CNES ont besoin "d’optique, d’images radars, d’AIS (automatique identification système) qui permet d’identifier chaque bateau, son capitaine, sa direction et sa vitesse. Et puis le dernier moyen qui est tout nouveau, nous pouvons détecter les radars et les radios qui sont à bord des bateaux", précise Eric Brel. 

Mais à peine mis en place en début du mois de juin, ce nouveau dispositif du CNES fait déjà face à quelques interrogations, notamment celles d’associations environnementales, comme WWF (le Fonds mondial pour la nature). Selon son responsable en Guyane, Laurent Kelle, cette technologie sera vite mise face à ses limites.

"[Le projet du CNES] vise à traquer les radars, ce qui veut dire que le dispositif ne fonctionnera que sur les bateaux qui sont équipés. Ce qui n’est pas le cas pour les petits bateaux côtiers, en Guyane et à Mayotte", précise-t-il à Outre-mer la 1ère.

"Une bonne nouvelle"

Du côté du CNES, on est bien conscient de cette problématique et on commence à réfléchir à des pistes pour surveiller ces petites embarcations de pêche.

" Avec le secrétariat de la Mer, on réfléchit à l’idée d’équiper tous les pêcheurs des systèmes de détection, comme ça on pourrait les détecter [les pêcheurs clandestins]. Avec un autre système de détection, en optique ou radar, on pourrait voir ceux qui n’ont n’en pas et donc les suivre", assure Eric Brel.

Une pêche illégale abondante

Malgré ce bémol, le WWF voit tout de même ce nouveau dispositif comme une arme potentielle dans la lutte contre la pêche illégale.

"Cela reste une bonne nouvelle que la technologie avance, mais ce qu’il faut, c'est qu’on croise l’ensemble des informations, les visites de terrain, les survols aériens et les observations de terrain, en complément de cet outil du CNES ", prévient Laurent Kelle. 

Des sanctions européennes ?

Invité sur le plateau de Guyane la 1ère le mois dernier (3 mai 2023), Hervé Berville, secrétaire d’État en charge de la Mer, militait pour un renforcement de la lutte contre la pêche illégale. Il se disait également favorable à l’instauration de sanctions européennes à l’encontre des pays d’où proviennent les pêcheurs clandestins.

Il y a déjà un système de carton rouge et jaune qui est délivré par la commission européenne […] mais, il nous faut des sanctions très claires et fermes qui obligent les pays européens voisins à bouger.

Hervé Berville

En attendant, le nouvel outil de surveillance depuis l’espace est entré en fonction pour trois ans. Les membres du CNES espèrent qu’au-delà de cette période, ce dispositif sera étendu à l’ensemble de l’Europe et profitera de ses ressources économiques pour son déploiement.