On le dit nonchalant. Et pourtant, à 75 ans, Philippe Lavil continue comme un artisan à écrire des chansons, les enregistrer et les défendre sur scène. Et quand on lui propose parfois un rôle dans un film, il ne dit pas non. Nonchalant dans le sens prendre le temps, oui, mais ne rien faire, très peu pour lui !
1 À la Califourchon
Natif de Fort-de France, Philippe Durand de La Villejégu du Fresnay grandit en Martinique jusqu’à l’âge de 13 ans. Son père est planteur, il possède des bananeraies, sa mère vient d’une famille de rhumiers (rhum Bally au Carbet). Ses parents n’auraient pu jamais se rencontrer si sa mère ne s’était pas trompée de station de métro à Paris. Elle avait rendez-vous pour passer une audition, car elle possédait une voix en or, mais elle n’est jamais arrivée à destination. Elle rentre donc en Martinique et se marie avec un planteur, béké comme elle. Les descendants de colons antillais vivent, pour certains, entre eux et Philippe Lavil ne dit pas vraiment le contraire lorsqu’il évoque son enfance.
Philippe Lavil se souvient que les week-ends, il allait alternativement soit au François dans la famille de son père, soit au Carbet, rendre visite à la famille de sa mère. Il n’apprécie pas trop l’école Séminaire Collège à Fort-de France où il trouve l’enseignement bien trop rigide à son goût. À l’âge de 13 ans, le futur chanteur arrive dans l’Hexagone. Il est envoyé dans la Drôme en 1960 en pensionnat à l’école de la Roseraie de Dieulefit.
Sur place, le jeune martiniquais fait la connaissance de Graeme Allright, son professeur d’anglais qui l’initie à la musique. Graeme Allwright n’est pas n’importe qui. Il a composé plein de chansons dont certaines comme Jolie bouteille qui ont bercé des générations d’adolescents en colonies de vacances. Il a aussi vécu un an à La Réunion où il a noué de solides amitiés avec des musiciens malgaches avec qui il a longtemps tourné.
2 Il tape sur des bambous
Philippe Lavil se rêve chanteur et en parle à ses parents. Ils ne se montrent guère enthousiastes et lui demandent de faire une école de commerce à Paris pendant trois ans. L’aspirant chanteur suit les trois années d’études, il déteste les mathématiques et le droit, mais apprécie le marketing. Surtout, il ne renonce pas à la musique. En 1968, il sort son premier 45 tours intitulé A la califourchon inspiré d’une vieille chanson antillaise qu’il reprend à sa sauce et qui marche très bien. Et puis en 1970, il enregistre Avec les filles, je ne sais pas, son premier tube !
La gloire naissante lui monte un peu à la tête. Il fait la fête non-stop pendant trois mois. Un jour, son père lui fait remarquer qu'il ne se ressemble plus, il se reprend. Durant dix longues années, il enregistre des morceaux, mais rien ne marche vraiment. Première traversée du désert. On est en 1982. Philippe Lavil se prépare à rentrer en Martinique, il achète un billet aller en business, sans retour. Il pense monter une affaire de location de bateaux pour les touristes ou s’associer avec Roger de Jaham, le "béké dissident", comme le nommait Le Monde dans un article, car "il se démarquait de sa communauté en dénonçant haut et fort l’esclavagisme".
Et puis un jour, attablé autour d’un verre de rosé, Philippe Lavil croise un ami compositeur. Ils discutent. Michel Héron lui propose de lui envoyer une cassette. Le chanteur l’écoute et s’arrête sur un titre dont le refrain lui trotte dans la tête : "Je lui fais tout tout tout et ça ne lui fait rien". La musique lui plait les paroles moins. Il négocie avec sa maison de production pour enregistrer un dernier 45 tours. Son producteur accepte et envoie la musique à Didier Barbelivien afin qu’il imagine un texte plus en accord avec le chanteur. L’auteur, réputé rapide, rame. Et puis au bout de huit jours, il accouche d’un texte qui, depuis, colle à la peau de Philippe Lavil : Il tape sur des bambous. Un énorme tube comme tous les chanteurs en rêvent ! La chanson miracle pour Philippe Lavil qui renonce à partir en Martinique.
3 Kolé Séré
Dans les années 80, Philippe Lavil a donc la baraka. Après Il tape sur des bambous, Elle préfère l’amour en mer fait un carton. Pourtant, il n’aime pas trop ce titre. Enregistré à la hâte pour un film A nous les garçons, le succès de cette chanson lui a gâché la sortie d’un album sur lequel il avait beaucoup travaillé. Arrive en 1987, la chanson qui marque sa carrière : Kolé Séré. Un tube en français et en créole, du jamais vu ! Cette chanson écrite par Jean-Claude Naimro du groupe Kassav’ devient un duo interprété par Philippe Lavil et Jocelyne Béroard. Le chanteur renoue avec ses racines martiniquaises et c’est, selon lui, "sa plus belle aventure musicale".
Les années 80 riment avec le succès. Philippe Lavil enchaîne les émissions de variétés et joue dans un premier film intitulé Tant qu’il y aura des femmes. Il ne s’est pas trouvé génial, voire "transparent" et le dit dans #MaParole.
Les années 90 sourient moins au chanteur. En 1997, un accident de ski le cloue au lit pendant de longs mois. Il aurait pu finir tétraplégique, mais il parvient à retrouver la mobilité. Le chanteur renoue avec la musique et signe plusieurs albums. Retour à la case créole en 2002, Calypso en 2007, La part des anges en 2011. En 2012, il participe à la Tournée "âge tendre" qui remporte un gros succès populaire. Le chanteur tourne aussi dans plusieurs téléfilms et continue son bonhomme de chemin. Il vient de sortir un album intitulé Sous le même soleil avec deux nouveaux titres Ne m’oublie pas et Aux pays des Vermeils dans lequel il s’amuse du sort fait aux séniors. Pour lui, pas question de prendre sa retraite. Il espère continuer à monter sur scène, car c’est tout simplement ce qu’il aime faire.
♦♦ Philippe Lavil en 5 dates ♦♦♦
►26 septembre 1947
Naissance à Fort-de-France
►1970
Avec les filles, je ne sais pas, 45 tours Barclay
►1982
Il tape sur des bambous
►1987
Kolé Séré
►2012
Tournée Âge tendre