Plan de relance dans les Outre-mer : les préconisations du Conseil économique, social et environnemental [SYNTHESE]

Vue d'une partie de la baie de Fort-de-France, en Martinique

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté ce mardi un projet d’avis intitulé "Plan de relance et déclinaison territoriale dans les Outre-mer", qui analyse les impacts de la crise sanitaire et les défis structurels de ces territoires, en faisant des propositions concrètes.

L’avis a été rapporté par Inès Bouchaut-Choisy, Christian Vernaudon (membres du Groupe Outre-mer) et Olivier Mugnier (Groupe coopération) au nom de la Délégation à l’Outre-mer présidée par Jean-Etienne Antoinette. Il intervient après une saisine du Conseil économique, social et environnemental (CESE) par le Premier ministre le 9 novembre 2020 sur la mise en œuvre du plan de relance en Outre-mer (1,5 milliard d'euros), tenant compte des spécificités de ces territoires. Jean Castex souhaitait en particulier recueillir l’avis de l’institution sur les sujets suivants : « les finances des collectivités locales, les délais de paiement et l’impact sur les entreprises », « les difficultés d’ingénierie », et « le champ normatif ». Pour travailler sur ces questions, la Délégation à l’Outre-mer du CESE a auditionné un grand nombre d’acteurs de terrain issus des onze collectivités ultramarines : responsables exécutifs des collectivités locales, représentants de la société civile et d’associations culturelles, partenaires sociaux, etc. Un total de plus de cent personnes.

« Tous nous ont indiqué que les défis à relever dans les Outre-mer impliquaient que les réponses apportées par les ‘Plans’, qu’elle que soient leur dénomination, ne soient pas de nature conjoncturelle mais bien structurelle tant les éléments de diagnostic confirment des écarts de développement et des écarts d’accès aux droits fondamentaux majeurs subsistant avec l’Hexagone », écrit le CESE dans son introduction. Les politiques de convergence et de transformation doivent donc s’inscrire dans un temps long, et pas de manière réactionnelle. Le Conseil note aussi que le plan de relance ne peut trouver une pleine efficacité dans les Outre-mer que sur la base d’une articulation cohérente des différents niveaux d’intervention et de financement (Europe, Etat et collectivités). Enfin, il conviendrait « impérativement de lever des obstacles structurels » identifiés de longue date, en s’inscrivant notamment dans la logique de la loi EROM (loi de programmation relative à l'égalité réelle Outre-mer) de février 2017 et du Livre bleu des Outre-mer de juin 2018.


Vingt préconisations

Après analyse des diverses difficultés auxquelles sont confrontées les Outre-mer, le CESE avance 20 préconisations pour assurer l’efficience du plan de relance national dans ces territoires. Parmi elles, les rapporteurs proposent d’ « élaborer, pour chacune des onze collectivités ultramarines, un ‘Contrat de relance’, entre l’Etat et chaque collectivité couvrant la période 2021-2023 », chacun de ces contrats précisant les modalités de co-financement de ces derniers et d'association des différents niveaux de collectivités locales (préconisation 1). Il y aurait également pour chaque territoire une « commission de suivi du contrat de relance » ainsi qu’un secrétariat permanent chargé de préparer et de suivre son application (préconisation 2). En ce qui concerne le rétablissement des finances des collectivités locales, « le CESE recommande pour les communes les plus en difficulté la conduite d’audits et la mise en place de ‘contrats d’accompagnement’ comportant des engagements réciproques et une prise en charge partielle de l’endettement afin de parvenir à un rétablissement durable des finances des collectivités en question » (préconisation 5).

Il est crucial de permettre aux Outre-mer de se doter de ressources d’ingénierie propres ou mutualisées, souligne l’avis des rapporteurs. Dans cette optique, ils souhaitent « que les moyens d'expertise locaux, de l’Agence française de développement (AFD), de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de la Banque des Territoires soient mobilisés pour aider les collectivités à construire leurs projets » (préconisation 9). Au niveau des filières agricoles et alimentaires locales, le CESE préconise que chaque territoire ultramarin se dote d’un projet territorial porté par les collectivités et accompagné par des programmes de formation. « La structuration des filières vivrières territoriales en aval, l’équipement en infrastructures de transformation, de logistique et de distribution en circuits courts et de proximité (via les artisans ou commerçants locaux) sont des priorités à mettre en oeuvre à l’échelle de chaque territoire », précise le texte (préconisation 10).

Regardez la présentation de l’avis du CESE sur le Plan de relance dans les Outre-mer

 

Tourisme, coopération régionale et éducation

Sur la question du tourisme dans les Outre-mer, les rapporteurs demandent un engagement sur la voie d’un tourisme durable en mettant l’identité culturelle et la richesse de la biodiversité des territoires au coeur de leur stratégie de positionnement marketing. Ils recommandent « de favoriser la transformation structurelle de l’offre de capacités d’accueil terrestres et maritimes en conséquence et de développer les filières de formation des personnels locaux afin que ces derniers soient les premiers bénéficiaires sous forme d’emplois qualifiés et correctement rémunérés de leur engagement dans cette filière » (préconisation 13). Constatant également que les territoires ultramarins sont des zones de souveraineté stratégiques pour la France, permettant à cette dernière d’être la seconde puissance maritime du monde grâce à l’extension de sa Zone économique exclusive (ZEE) dans les trois océans, le CESE conseille « que les ‘plans territorialisés de développement durable’ abordent les questions des forces de sécurité et de souveraineté et leur impact en matière de débouchés et d’emplois pour les populations locales » (préconisation 15).

Pour ce qui est de la coopération régionale dans leurs bassins respectifs, et compte tenu de leur position stratégique, l’avis propose « d’étendre les prérogatives des collectivités ultramarines pour leur permettre de nouer au-delà de leur zone géographique de proximité, des coopérations sur des thématiques intéressant leur développement, le tout en cohérence avec l’action internationale de la France » (préconisation 17). Enfin, le CESE insiste sur la nécessité d’investissements conséquents dans l’éducation et la formation et souhaite « un plan de rattrapage massif dans la construction d’écoles et la formation des enseignants sur place ». « Les pouvoirs publics doivent rapidement corriger les sous-dotations budgétaires au regard des besoins existants » (préconisation 18). Dans le même sens, les rapporteurs appellent les pouvoirs publics « à faire de la jeunesse leur priorité en matière de formation ; des moyens supplémentaires doivent être mobilisés pour les missions locales, Pôle emploi, les associations d’aide aux jeunes et à l'insertion sociale ; le Service civique doit faire l’objet d’une campagne de promotion en Outre-mer ; l’accès aux emplois publics doit être aidé par la création de centres de préparation aux concours ; les grandes écoles et universités doivent créer des partenariats avec les lycées ultramarins pour former davantage de jeunes aptes à prendre des responsabilités » (préconisation 19).