Sur scène, d’un côté, on pourra lire ces mots : "Liberté, égalité, fraternité" la devise française. De l’autre côté, ces mots "annavan, annavan" (en avant, en avant !) que François Capois prononça pour lancer ses hommes contre les troupes de Napoléon retranchées dans le Fort de Vertières au Cap Français. Le ton est donné.
La pièce Kap O Mond ! dans sa première partie fourmille de références à la Révolution haïtienne, comme un vestige du spectacle initial qu’avaient envisagé le metteur en scène Olivier Coulon-Jablonka et l’autrice Alice Carré autour de ce moment historique et exemplaire. Un spectacle-documentaire qui devait s’appuyer sur les compte-rendus de l'Assemblée haïtienne (un peu à l’image du spectacle de Joël Pommerat autour de la Révolution française "Ça ira, fin de Louis"). Les conditions n’étant pas réunies pour mettre en œuvre ce projet ambitieux, la fiction sera plus modestement privilégiée.
Ambition plus modeste…
…Mais avec une volonté farouche d’intéresser le public au modèle haïtien et à la vérité historique de ce pays. Première République noire au monde (avec son indépendance acquise en 1804), elle aurait déjà de quoi en intriguer plus d’un et permettre d’aller plus loin que l’image du pays pauvre ou maudit véhiculée par les clichés et l’actualité. Et c’est tout l’attrait et l’intérêt de ce Kap O Mond ! : déconstruire les clichés et rétablir Haïti dans un portrait plus complexe qu’on ne le brosse. Kendy le Haïtien venu étudier en France et Mathieu le Français, idéaliste et engagé, apprendront à regarder leur pays respectif avec les yeux ouverts l’un par l’autre. Sans empêcher les colères, les regards faussés, les illusions et les désillusions.
Illusions et désillusions
Que ce soit Mathieu qui se fourvoie lors d’un voyage humanitaire en Haïti ou Kendy qui, de retour au pays, perd toutes ses illusions en cherchant à créer son entreprise… Chacun des deux doit apprendre à regarder autrement, à se comporter autrement, à prendre en compte l’Histoire et les histoires qui agitent les deux pays. Comme une relation tantôt houleuse tantôt assagie dans un couple qui aurait divorcé depuis longtemps mais qui serait irrémédiablement lié par des sentiments forts et toujours présents.
Écriture à quatre mains
Cette relation d’amitié entre les deux jeunes gens que l’on suit tout au long de la pièce est le fruit d’une écriture à quatre mains. Les deux auteurs, Alice Carré et Carlo Handy-Charles, se connaissent depuis longtemps et à en croire le metteur en scène Olivier Coulon-Jablonka, leur propre amitié n’est pas étrangère à l’élaboration des personnages de Kap O Mond !
Alice Carré est autrice de théâtre et Française et a pris en charge toute la première partie du spectacle qui pourrait correspondre au regard sur Haïti porté par le personnage de Mathieu ; Carlo Handy-Charles est d’origine haïtienne et sociologue, c’est lui en particulier qui a amené tout le réalisme qui perle lorsqu’est évoquée Haïti, dans une partie des échanges entre Mathieu et Kendy à propos d’Haïti, ou lorsqu'apparaissent les personnages du père de Mathieu ou de la mère de Kendy, dans une seconde partie du spectacle.
Écoutez l’Oreille est hardie
Olivier Coulon-Jablonka, plus habitué dans ses projets précédents à monter des spectacles-documentaires, nous explique dans l’Oreille est hardie comment s’est élaborée la mise en scène de cette fiction-parabole, comment il a souhaité travailler avec ses acteurs et quel message il entend délivrer en poussant sur le devant des scènes le pays Haïti et plus encore…
Retrouvez le metteur en scène Olivier Coulon-Jablonka dans l’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par là :
"Kap O Mond !" d’Alice Carré et Carlo Handy-Charles, mise en scène d’Olivier Coulon-Jablonka. Jusqu’au 22 janvier 2022 à 20h30 – Théâtre l’Echangeur Bagnolet. Du 25 au 27 janvier 2022 – Théâtre de La Vignette, Montpellier. Du 1er au 4 février 2022 – Théâtre du Champ au Roy, Guingamp. Du 10 au 12 Février 2022, Théâtre Jean Vilar – Vitry sur Seine.