Prendre un nouveau départ littéraire en commençant par un testament, ce serait presque contradictoire. Mais Emmelie Prophète n’en est pas à un paradoxe près. Il y a une quinzaine d’années, celle qui ne jurait que par la poésie, décide d’entamer sa mue littéraire et se met en tête d’écrire un roman. Bon sang ne saurait mentir, la voilà qui accouche d’un texte à la forme hybride, Le testament des solitudes, aux tournures poétiques mais à la forme romanesque. Un texte qui surprend… jusqu’à son éditeur. Elle lui annonce un "roman", lui y voit un "récit" !
La langue est celle de la poésie mais avec une histoire : celle d’une Haïtienne exilée depuis trente ans aux Etats-Unis qui revient au pays pour enterrer un membre de sa famille. L’attente à l’aéroport de l’avion qui la ramènera vers les siens, sera le prétexte à suivre ses réflexions et une partie de l’histoire de sa famille. Emmelie Prophète parle de son roman dans L'Oreille est hardie :
Elle en exil
Emmelie Prophete n’a pas connu l’exil elle qui a toujours vécu à Port-au-Prince mais dans Le testament des solitudes, elle en parle comme personne. C’est le travail de l’écrivain, dit-elle en substance, de se restituer des existences, des histoires qu’il ou elle n’a pas vécues. Et depuis son enfance jusqu’aujourd’hui, Emmelie Prophète en a entendu des récits faits de contraintes, de renoncements et d’exils. L’exil, comme une seconde peau collée à Haïti - dans le même temps, aucun Haïtien n’est "assigné à résidence", rappelle-t-elle, et le départ peut aussi être volontaire.
C’est ce qu’elle restitue dans "Le testament…" et l’on suit pas à pas les pensées désordonnées de la narratrice qui se laisse aller et se perd dans la pelote des fils de sa mémoire, entre la Floride et Haïti.
Elle en escale
Le testament des solitudes, c’est comme un long poème avec tout ce qui traverse Haïti et le monde depuis la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à nos jours, en passant par les années 80 à l'heure des grands départs pour les Haïtiens en quête de mieux, ailleurs. Des thèmes forts symbolisés par des éléments comme l’aéroport et la question du retour, les miroirs très présents dans le récit comme des reflets de la société haïtienne et dans les narines, comme une odeur de café dont les effluves font immanquablement remonter les souvenirs.
Écoutez L’Oreille est hardie…
Et laissez Emmelie Prophète vous raconter son Haïti, son amour pour l’écriture et la littérature, son enfance et les résonances de celles-ci dans ses mots. Elle revient aussi dans L’Oreille est hardie sur ses fonctions politiques qui l’ont conduite en début d’année 2022 à accepter le poste de ministre de la Culture d’Haïti. Un travail (un devoir ?) qui, avoue-t-elle, ne lui laisse guère le temps d’écrire.
Emmelie Prophète croit en la force de la culture qui, dans les temps de crise (comme les perturbations politiques que traverse Haïti depuis des mois) peut et doit éclairer le monde. Emmelie Prophète, la ministre comme l’autrice, en est convaincue...
Retrouvez Emmelie Prophète dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Et par là :
Emmelie Prophete était à Paris à l’occasion du récent Festival America à Vincennes (région parisienne). Réédition de "Le testament des solitudes" et dernier livre paru "Les villages de Dieu" aux éditions Mémoire d’Encrier.