Entrer dans Harlem et dans la bande dessinée du même nom, c'est d'abord plonger dans un bain de couleurs. Les couleurs sont primordiales pour Mikaël : elles racontent visuellement l’ambiance dans laquelle l’auteur veut plonger ses lecteurs sans qu’il y ait besoin de mots.
Dans son cycle "New York" entamé avec Giant et Bootblack et poursuivi avec ce nouvel opus Harlem (à chaque fois des séries en deux tomes), le scénariste-dessinateur et coloriste joue sur les ombres et la lumière et soigne tout particulièrement ces couleurs âpres et sombres qui font de son New York des années 30, une ville "sale". Une ville à l’image de la Grande Dépression qui à l'époque frappait les Etats-Unis et dans laquelle il fait évoluer son personnage : Stéphanie Saint-Clair.
Auteur en quête d’un personnage
C’est presque par hasard qu’il tombe sur elle, au détour de recherches qu’il effectuait pour l’élaboration de ce troisième volet new-yorkais. Harlem était le sujet (et la période dite de la Harlem Renaissance) mais en entendant parler des fameuses loteries illégales organisées dans ce quartier, impossible de passer à côté de Stéphanie Saint-Clair qui en était l’une des grandes prêtresses. La reine des "lotteries", la "Madame Queen" ou "Queenie" comme on finira par la surnommer, tenait ce business d’une main de fer dans un gant de velours. Non sans difficultés comme le montre l’album de Mikaël.
Queenie, une femme puissante de Harlem
Cette rencontre, c’est une trouvaille pour l’auteur de BD qui travaille d’arrache-pied pour collecter tout ce qu’il peut trouver autour de l’Antillaise. Des biographies et romans (The world of Stephanie St. Clair, Shirley Stewart ou Madame St-Clair, reine de Harlem, Raphaël Confiant) lui apprennent comment elle fuira sa Martinique natale et un sort peu prometteur, pour s’embarquer direction les Etats-Unis, New York et le quartier noir de Harlem. Puis lui content l’irrésistible ascension de Queenie jusqu’à reprendre à son compte ce marché des loteries illégales ("Numbers") qui feront son renom.
Dans Harlem, Mikaël dépeint la façon dont Stéphanie Saint-Clair exerçait son pouvoir. Une femme noire en lutte dans un milieu tenu par des hommes blancs ; une "Frenchie des West Indies" venue réussir dans la vaste Amérique ; une forte personnalité avec ses fragilités et ses traumatismes comme Mikaël l’évoque en flash-backs sans dialogues, nous replongeant ainsi dans la Martinique et l’enfance de Stéphanie.
Cultures afro-caribeennes, afro-américaines
Voilà un sujet qui tombait à point nommé pour un amateur de cultures noires fasciné par cette ville, New York, auquel il consacre une bonne partie de sa production. Les cultures afro-américaines et afro-caribéennes exercent en effet sur Mikaël, de sa tendre enfance à aujourd’hui, une attraction pour laquelle il a bien du mal à trouver les mots dans l’Oreille est hardie.
Toujours est-il qu’il a vécu quelques années en Guadeloupe ; toujours est-il que l’une de ses BD a pour personnage, un jeune Antillais Félice (trois albums parus aux éditions guadeloupéennes PLB) ; toujours est-il qu’il croise maintenant la route de Harlem et celle de la cheffe de gang d’origine antillaise Stéphanie Saint-Clair… Il n’y a pas de hasard !
Mikaël s’est d’ailleurs attaché à conserver pour son personnage tout son caractère antillais : Queenie ponctue ses phrases de quelques expressions en créole, d’où les remerciements de l’auteur auprès de l’écrivain et traducteur Hector Poullet et de son ami Jérémie Jean-Baptiste pour avoir partagé leur connaissance de la langue.
Écoutez l’Oreille est hardie avec Mikaël
Mikaël livre donc une nouvelle évocation en bandes dessinées de Stéphanie Saint-Clair (une autre BD, Queenie, est sortie quelques mois auparavant) et souhaite ainsi contribuer à lui donner tout le relief qu'elle mérite. Joint à Québec au Canada où il réside, il nous raconte l’élaboration de cet album Harlem dont le tome 1 paraît le 21 janvier prochain aux éditions Dargaud. Mikaël dans l’Oreille est hardie, c’est par ICI.
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