PODCAST. Patrice Clet ou le drame de l'insécurité en Guyane

"Nou bon ké sa !", "On en a marre !" "Nou bon ké sa !" Ce slogan en créole guyanais résonne dans les rues de Cayenne en cette fin mars 2017. À l'approche de l’élection présidentielle, jusqu'à 20 000 personnes défilent pour réclamer une meilleure société et un meilleur avenir pour les enfants du pays.

Dans ces rassemblements, les manifestants dénoncent le coût de la vie, le difficile accès aux soins et, surtout, l'insécurité qui gangrènent le département. Des années qu'ils entendent aux infos que des commerçants meurent lors de braquages sanglants. Et depuis quelques mois, ce sont même des élus qui tombent sous les balles.

Le plus célèbre d'entre eux, Patrice Clet, est un ancien conseiller général de Sinnamary, cette ville côtière au nord de Cayenne. Un élu de terrain discret, mais très populaire, et un ami de la non moins populaire Christiane Taubira. Ce fait divers jette une lumière crue sur le contexte économique et social guyanais. 

Du basket à la politique locale

Né en 1971, Patrice Clet a eu une première vie dans le basket. D'abord comme joueur, puis comme entraîneur, et même comme arbitre. Au début des années 2000, il entraîne le club de Sinnamary, dont il est originaire.

En 2008, il troque le maillot de basket pour une chemise. Du monde du sport, il bascule dans celui de la politique. Patrice Clet a tout juste 37 ans quand il est élu conseiller général dans le canton de Sinnamary-Saint-Elie. Il s'est présenté sans étiquette, mais il est clairement ancré à gauche. Il mise sur l'éducation, les centres sociaux culturels et les transports en commun.

Pendant des années, il apparaît régulièrement à la télévision et dans la presse locale, interrogé sur divers sujets. Ici le manque d'infrastructures pour l'école, là l'effervescence autour du lancement d'une fusée Soyouz depuis le centre spatial guyanais…

C'est pendant ces années qu'il va se rapprocher d'un parti politique bien connu en Guyane : le Walwari (qui signifie "éventail créole" dans l'une des langues amérindiennes) un parti proche du socialisme fondé dans les années 1990 par une Guyanaise de renom : Christiane Taubira.

Le drame

Le 8 novembre 2016, dans la commune de Rémire-Montjoly, aux alentours de 21h45, les voisins de Patrice Clet entendent un coup de feu suivi de cris. Ce sont les hurlements d'épouvante de son épouse et de ses trois enfants.
L’homme de 45 ans vient de recevoir une décharge de chevrotine en pleine tête. Il décède en quelques secondes. Trois hommes ont été vus prenant la fuite, juste après le coup de feu. Ils vont être traqués par plus d'une dizaine de gendarmes de la section de recherche. Plus tard, l’implication d’un quatrième homme, le chauffeur de la bande, sera révélée.

La nouvelle va faire la une du quotidien France Guyane dès le lendemain matin : "Patrice Clet tué par balle". Sur une pleine page, s'étale la photo de ce proche de Christiane Taubira. Son visage paraîtra encore en une le surlendemain et on peut lire : "Meurtre de Patrice Clet, le drame et la colère".

Qui donc pouvait bien en vouloir à cet homme politique apprécié de ses concitoyens ?
Très vite, les gendarmes penchent pour une énième tentative de braquage qui aurait mal tourné. Il s'en produit tant en Guyane où le nombre d'homicides explose.

Le contexte guyanais

De 2016 à 2021, ce territoire de près de 300 000 habitants affiche une moyenne annuelle de 11 homicides pour cent mille habitants. C’est neuf fois la moyenne nationale !

En cette fin d'année 2016, Patrice Clet est la 38e personne tuée dans le département. C'est aussi le deuxième élu local abattu lors d'un vol à main armée. Quatre mois plus tôt, un autre conseiller général, Maurice Chen-Ten You avait péri sous les balles, chez lui, à Cayenne. Un cran est franchi : personne n’est à l’abri. La mort de Patrice Clet vient renforcer la peur et le ras-le-bol généralisés dans la population.

Retrouvez ici les autres épisodes d'Archipels du crime, consacrés aux grands faits divers qui ont marqué les Outre-mer.

Patrice Clet ou le drame de l'insécurité en Guyane, un podcast écrit par Émeline Ferard et raconté par Rébecca Chaillon.

Recherche et écriture : Léia Santacroce
Réalisation, montage et mixage : Karen Beun et Samuel Hirsch
Musique et sound-design : Samuel Hirsch
Production et direction éditoriale : Elisa Mignot
Production déléguée : Marc Sillam
Conseiller éditorial Outre-mer la 1ère : Patrice Elie-dit-Cosaque Production originale : Initial Studio avec la participation de France Télévisions
Durée 24 min - 2023