Une "ignominie", s'insurge l'ancien ministre des Outre-mer de François Hollande, Victorin Lurel (sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de la Guadeloupe). Un texte "raciste", déplore le député Philippe Naillet (Socialistes et apparentés, La Réunion). "Fier de mon vote", a tweeté le Calédonien Nicolas Metzdorf (député Renaissance). Après l'adoption définitive du projet de loi immigration par le Parlement mardi 19 décembre, certains élus ultramarins ont fait savoir leur colère face à ce texte que beaucoup à gauche jugent contraire aux valeurs de la République.
Largement réécrite par la droite sénatoriale au mois de novembre, la loi du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin est le produit d'un compromis trouvé entre la majorité présidentielle et Les Républicains en commission mixte paritaire. Suffisamment dur pour Marine Le Pen, le texte a même été voté par l'ensemble des élus du Rassemblement national, au grand dam de la gauche et de certains macronistes.
Des sénateurs frondeurs
Du côté des Outre-mer, le texte n'a pas fait consensus. Votée d'abord au Sénat, la loi immigration a obtenu le soutien de neuf Ultramarins, membres des Républicains, de l'Union centriste (allié à la droite au Palais du Luxembourg) ou du groupe Rassemblement des Démocrates Progressistes et Indépendants (RDPI, groupe du parti d'Emmanuel Macron).
Mais certains membres du RDPI ont préféré rejeter le texte, jugé trop restrictif : c'est le cas des deux sénateurs de Guyane, Georges Patient et Marie-Laure Phinéra-Horth, ainsi que du Mahorais Saïd Omar Oili.
D'autres dans ce même groupe, à l'image de Dominique Théophile (Guadeloupe) et Frédéric Buval (Martinique), n'ont pas soutenu le texte, mais n'ont pas voulu voter "contre" : ils ont opté pour l'abstention. Tout comme la sénatrice de Saint-Pierre et Miquelon et ancienne ministre des Outre-mer d'Emmanuel Macron, Annick Girardin (Rassemblement Démocratique et Social Européen, RDSE).
Les sénateurs et sénatrices siégeant dans les groupes de gauche se sont, eux, tous opposés à la loi de Gérald Darmanin.
La Nupes s'oppose, LIOT se divise
Du côté de l'Assemblée nationale, sans surprise, le vote des députés ultramarins a été en ligne avec leur appartenance politique. Tous les élus de la Nupes (la majorité des élus ultramarins) se sont opposés au texte. Y compris le président de la Délégation aux Outre-mer, Davy Rimane (Guyane, Gauche démocrate et républicaine), malgré des dispositions spécifiques pour son département.
Ce qu'il y a dans cette loi-là, en ce qui nous concerne [les territoires d'Outre-mer, NDLR], ne va rien arranger du tout (...). Ça va engendrer encore plus de difficultés. Et surtout, c'est un leurre. Certains Ultramarins pensent que, grâce à cette loi, ça va régler des problèmes profonds qu'il y a sur leur territoire. Ils se trompent fondamentalement. Ils ne font que donner raison au RN [Rassemblement national] dans son idéologie.
Davy Rimane, député GDR de la Guyane à Outre-mer la 1ère
Les trois députés du Pacifique de la majorité présidentielle (Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf de la Nouvelle-Calédonie et Mikaele Seo de Wallis et Futuna) ont tous soutenus le texte, comme la plupart de leurs collègues macronistes. Frantz Gumbs (Saint-Martin/Saint-Barthélemy) était lui absent et n'a donc pas pris part au vote.
Seuls les Ultramarins du groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires (LIOT) n'ont pas voté de manière uniforme. Estelle Youssouffa (Mayotte), qui a vu plusieurs de ses amendements concernant son territoire retenus dans les dispositions Outre-mer de la loi, a soutenu le texte, comme son collègue mahorais Mansour Kamardine (qui, lui, siège avec Les Républicains).
Pareil pour les Guadeloupéens Olivier Serva, désigné rapporteur du volet ultramarin du texte et auteur d'une grande partie des mesures concernant les Outre-mer, et Max Mathiasin, qui ont voté "pour".
J'ai estimé que, non seulement, les Français ne nous auraient pas pardonnés de n'avoir rien fait et de sortir de là dans un tumulte. Je n'ai pas été élu pour ça (...). Je me suis dit aussi qu'on ne nous comprendrait pas en Guadeloupe si nous ne prenions pas un certain nombre de dispositions pour (...) permettre une protection à la fois de la population, mais aussi de ceux qui viennent travailler en Guadeloupe et qui ont besoin d'un cadre normalisé.
Max Mathiasin, député LIOT de Guadeloupe, à Outre-mer la 1ère
En revanche, Nathalie Bassire (La Réunion) et Stéphane Lenormand (Saint-Pierre et Miquelon) n'ont pas été convaincus par le projet de loi du gouvernement, et se sont abstenus.
La loi doit maintenant passer entre les mains du Conseil constitutionnel. Elle entrera ensuite en vigueur une fois qu'elle sera publiée au Journal officiel.