Pour Pâques, le bouillon d’awara est à l'honneur dans l’assiette des Guyanais de l'Hexagone

Le plat phare dégusté en Guyane à Pâques est aussi préparé dans l’Hexagone. Les ingrédients qui l'agrémentent viennent tout droit de la collectivité territoriale et sont cuisinés des jours durant, pour le plus grand plaisir des Guyanais installés en région parisienne.

Non, Monsieur, je ne prends plus de commande... S’il me reste des parts, je peux vous appeler… Mais je ne peux rien vous promettre : il y a déjà une liste d’attente”. Voilà ce que répète inlassablement Sylène Séraphin dès que son téléphone sonne. Ce vendredi, ils sont nombreux à appeler la restauratrice guyanaise installée à Massy, en région parisienne. Ils ont une seule et même requête : commander une part de bouillon d’awara. 

C’est le plat traditionnel dégusté en Guyane pour le dimanche de Pâques. Composé de pâte d’awara, un fruit de palmier de couleur orange, dont la pulpe a été préalablement réduite, de salaisons, de légumes (épinards, haricots verts, concombres piquants…), il se prépare habituellement en famille des jours durant et se déguste généralement avec du riz blanc. 

Et bon nombre de Guyanais installés dans l’Hexagone semblent désireux de faire "comme à la maison". “J’ai reçu plus d’une centaine de commandes, il y en a de plus en plus d’année en année, mais c’est sûr qu’avec le retour des motifs impérieux pour aller en Guyane, beaucoup sont restés ici et souhaitent quand même célébrer Pâques”, explique Sylène Séraphin, qui va s’atteler à la tâche dès midi.

Même constat pour Roseline Brême. Cette Guyanaise de 62 ans, qui vit dans le 19e arrondissement de Paris, prépare elle aussi un bouillon d’awara “certifié antan lontan” pour les fêtes de Pâques. “Cette année encore, j’ai relevé le défi de préparer un bouillon toute seule et de le proposer à ceux qui connaissent ma cuisine. Mais j’ai été obligée de refuser beaucoup de commandes”, affirme-t-elle. 

Respecter les traditions 

Voilà plusieurs jours que la marmite est en ébullition dans la cuisine de Roseline Brême. Cette ancienne cheffe de cuisine a commencé à faire cuire sa pâte d’awara tôt “pour faire remonter la graisse”, glisse l’intéressée. Sylène Séraphin, elle, attend vendredi 12h00 précises pour mettre au feu la sienne. Arrivée congelée tout droit de Guyane dans la semaine, elle a déjà été précuite. Sa pâte “passera tout de même la nuit à cuire”, indique l'ancienne commerciale. Ce n’est qu’après plusieurs heures de cuisson que les légumes seront ajoutés à la préparation. Puis les viandes et les poissons. En dernier lieu, les salaisons. 

Pour les deux cuisinières originaires de Guyane, la préparation du bouillon d’awara se doit avant tout de respecter les traditions familiales. Toutes deux étaient encore enfants lorsqu’elles ont vu leurs mères préparer le plat phare, avant de mettre la main à la pâte et de se lancer à leur tour. “J’ai vu ma mère le faire, j’ai appris à ses côtés et aujourd’hui encore le bouillon que je prépare, c’est la recette de ma maman”, confesse Roseline Brême. Sylène Séraphin, elle, s’est quelque peu émancipée de la recette familiale pour élaborer son propre bouillon. “Quand j’étais petite, je n’aimais pas ce plat, je n’en mangeais même pas… C’est en 1996 que j’ai décidé pour la première fois d’en faire un moi-même… et je n’ai plus arrêté depuis”. 

Qu’il s’agisse d’une préparation réalisée à la lettre ou d’une version plus personnelle, les ingrédients sont bel et bien les mêmes. Et ils ont toute leur importance. Que l’on commande une barquette de bouillon auprès de Roseline Brême ou de Sylène Séraphin, il y aura de toutes les façons l’incontournable pâte d’awara, poulet et poisson boucanés, du lard fumé, des légumes, des oignons, des épices… À noter que les deux restauratrices proposent une version végétarienne de leur plat. 

“J’ai l’impression d’être en Guyane”

Si les deux cuisinières se sont mises aux fourneaux, c’est pour permettre aux Guyanais de région parisienne d’avoir “un peu de la Guyane” dans leurs assiettes, le dimanche de Pâques et tout au long de l'année. “L’an dernier, je n’ai pas pu faire de bouillon à cause de la crise sanitaire. C’était vraiment bizarre de ne pas en avoir”, lance Sylène Séraphin, avant d’ajouter qu’elle a alors dû se contenter d’une seule barquette, rescapée du bouillon de l’année précédente. Une situation exceptionnelle qui avait poussé de nombreux locaux à partager le dimanche de Pâques en petit comité. 

Aujourd'hui encore, le pays est à nouveau soumis à une période de confinement qui vise à endiguer la pandémie de Covid-19. Malgré cette situation, les clients qui le souhaitent ont pu passer commande et pourront déguster leur bouillon d’awara dimanche. “Chez moi, tout le monde l’aime, tout le monde en mange et en redemande”, affirme M. Dersion, un Guyanais qui vit en région parisienne. “J’ai commandé trois barquettes parce que quand je mange son bouillon, ça me ramène chez moi. Grâce à ce plat, j’ai l’impression d’être en Guyane”, achève le père de famille, habitué de la cuisine de Roseline Brême. 

En famille ou entre amis, en Guyane ou à Paris, le bouillon d’awara est donc, cette année encore, la star des assiettes des Guyanais à l'occasion des fêtes de Pâques.