Le rassemblement s'est organisé à l'appel de plusieurs syndicats, dont la CGT, mais aussi du Mouv'men Foular Mawon, lancé par le Codium (comité de défense des intérêts ultramarins).
Pas d'étiquette
Dans la foule, pas question pourtant d'attribuer ce rassemblement à un quelconque groupe, malgré la forte présence de drapeaux de sections syndicales. "Il faut se serrer les coudes, on est tous ensemble, ici il n'y a aucune étiquette", lance un homme au micro installé sur la place du Bataillon du Pacifique. "Ce n'est même pas une revendication, c'est un acquis et on ne veut pas qu'on y touche". Comme lui, plusieurs personnes sont invitées à s'exprimer, entrecoupées par des chants qui exhortent en créole à ne pas toucher aux congés bonifiés.Le rassemblement se fait dans le calme, en musique et sous un beau soleil. Mais une certaine inquiétude se fait sentir quant à la réforme annoncée. "Pourquoi revenir dessus, pourquoi tous les deux ans ?", demande Francette, infirmière à l’hôpital Charles Foix à Ivry-sur-Seine, originaire de Guadeloupe. "On n'aura pas le temps de voir notre famille, de vraiment se ressourcer". Même argument chez Asmah, auxiliaire puéricultrice mahoraise : "Si la loi passe, je ne pourrais pas partir deux mois alors que ça fait cinq ans que je n'ai pas pu aller à Mayotte... Un mois ce n'est vraiment pas assez."
Dans la foule, Francette, née en Guadeloupe et infirmière dans le Val-de-Marne. Elle ne comprend pas pourquoi le gouvernement veut réformer ces congés bonifiés et s’interroge sur le coût qu’elle engendrerait pic.twitter.com/tvurea25wY
— La1ere.fr (@la1ere) 28 mars 2019
S'ajoute à cela un certain flou autour de l'objet exact de la réforme, notamment sur la question de la prise en charge du billet d'avion et sur la remise en cause possible de la bonification. Depuis le décret de 1978 qui a instauré les congés bonifiés, les administrations prennent en charge le coût du voyage pour le demandeur mais aussi pour sa famille, le cas échéant. Dans le flot de messages inquiets qui ont pu circuler sur les réseaux sociaux, par exemple, après l'annonce de la réforme par Emmanuel Macron en juin dernier, on a pu lire que cette prise en charge ne serait plus complète mais soumise à une sorte de forfait.
Cela a été démenti par le député de Guadeloupe Olivier Serva qui assure que cet acquis ne sera pas touché, mais l'inquiétude subsiste dans la foule rassemblée ce jeudi. "Tant que le décret définitif n’est pas sorti, on ne peut pas avoir de certitudes", explique Richard Barthéléry, conseiller territorial en Martinique. "On reste vigilants", ajoute Asmah. Elle doit partir l'an prochain en congés bonifiés à Mayotte, avec ses deux enfants. Selon elle, rien qu'en billets d'avion, celui lui coûterait "entre 4000 et 5000 euros". "C'est vraiment très cher et la vie sur place, n'en parlons pas".
La vie chère est d'ailleurs l'autre point d'accroche sur la réforme. Parmi les rumeurs qui ont circulé, celle de la suppression de l'indemnité vie chère qui varie entre 35 et 40% selon les départements. Là aussi, démenti du député Serva : cela devrait rester inchangé.
"Fake news"
Mais les manifestants restent méfiants. "On ne sait pas ce qui est "fake news" ou pas, plein d'informations passent", s'inquiète une fonctionnaire du CCAS de Paris, avant d'ajouter, amère : "Si ça se trouve en juillet (quand le décret de réforme pourrait être publié, ndlr), on aura une surprise".Pour obtenir des réponses "positives, claires et nettes", les personnes rassemblées devant le ministère ont donc demandé à ce que soit reçue une délégation. "On veut voir ceux qui sont responsables de cette réforme, pas par un sous-fifre sorti d'un placard !", exige une manifestante. En vain. "Il doit y avoir beaucoup de placards à fouiller dans le ministère", ironise Casimir Largent, membre du collectif de la CGT, "car pour l'instant personne ne peut nous recevoir alors que nous avons déposé la demande de rassemblement il y a plus d'un mois". Malgré la déception de la foule, il est satisfait de ce premier rassemblement et appelle à une manifestation intersyndicale à Paris en avril.
Pas de délégation du ministère pour l’instant. Certains sont déçus et la place se vide. Mais la CGT, qui vient d’appeler à une manifestation intersyndicale en avril, se réjouit de ce premier rassemblement où plus de 1500 personnes sont venues. pic.twitter.com/DjNaL9GtA1
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Congés refusés
Mais si les opposants à la réforme ne souhaitent pas voir passer les changements proposés, certains demandent tout de même à revoir le système, en particuler les critères qui permettent à l'administration d'attribuer ou non les congés bonifiés à un fonctionnaire. C'est le cas d'Assadillah Mohamed. Agent à la direction des finances publiques, il vient de voir sa demande de congés rejetée, au motif qu'il est installé dans l'Hexagone depuis 10 ans et que ses enfants y sont nés :Je vais soit devoir me résoudre à payer 4000 euros tout seul, soit me reporter sur des vacances ailleurs plutôt que d’aller voir ma famille et m’astreindre à des contacts en visio-conférences. Mais ça ne suffit pas et ça ne rattache pas le lien.
Il va donc aller au tribunal administratif pour tenter de faire changer la décision. Au risque, comme d'autres fonctionnaires avant lui, de voir sa demande rejetée.
Manifestation en avril
Les syndicats appellent donc à maintenir la mobilisation. A la fin du rassemblement, ils ont annoncé la tenue d'une manifestation intersyndicale "en avril" avec l'espoir, cette fois, d'obtenir des réponses claires sur l'avenir des congés bonifiés.Revivez le rassemblement contre la réforme des congés bonifiés le 28 mars 2019 à Paris. Première partie :
Deuxième partie :