Priscillia Ludosky à la croisée des chemins

Priscillia Ludosky lors de l'Acte V de la manifestation des "Gilets jaunes" à Paris, le 15 décembre 2018.
Au deuxième anniversaire des gilets jaunes, que devient Priscillia Ludosky ? Se lancer en politique lui semble inéluctable. Mais pour l'instant, elle a un autre projet pour l'élection présidentielle. Elle a accordé un entretien à Outremer la 1ère.
 
Il y a deux ans, la Martiniquaise Priscillia Ludosky mettait en ligne la deuxième pétition en ligne la plus signée du site Change.org : plus d’un million de Français ont rejoint sa pétition contre la hausse des prix des carburants, qui a conduit au recul d’Emmanuel Macron sur la hausse de la taxe carbone. La jeune femme de 33 ans est rapidement propulsée sur le devant de la scène médiatique.


Engagée pour la justice environnementale

Depuis, l’engagement citoyen ne la lâche pas. Elle s’est spécialisée dans le conseil et l’accompagnement des lanceurs d’alerte ou de militants voulant lancer des mobilisations, à travers une plateforme qu’elle a créée : Nexus. Et durant ces deux dernières années, elle a participé à plusieurs projets citoyens, principalement liés à la justice environnementale.
                                                             

Dès janvier 2019, j’ai intégré un collectif qui s’appelle les Gilets citoyens, qui a initié la Convention citoyenne pour le climat. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, nous étions en train de travailler à la mobilisation des personnes qui ont été tirées au sort pour travailler dans ce dispositif. ​

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Gagnés par le doute et la colère

Aujourd’hui, le doute gagne les défenseurs de l’environnement. Selon eux, le gouvernement détricote une à une les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat, qu’Emmanuel Macron s’était engagé à mettre en œuvre « sans filtre ».

Priscillia Ludosky soutient la pétition lancée par le réalisateur du film Demain, Cyril Dion, l’un principaux garants de la Convention et membre des Gilets citoyens, pour « Sauver la Convention citoyenne pour le climat ». 
 

On se rend compte aujourd’hui que c’est compliqué. Même dans un processus de participation citoyenne, il n’y a pas d’obligation de mettre en place les mesures qui avaient été préparées par les citoyens. Même dans un processus semi-institutionnel, ça reste encore compliqué.

                                                 

Décision du Conseil d’Etat : une bataille gagnée

Le 19 novembre, le Conseil d’Etat a mis en demeure le gouvernement sur ses engagement climatiques, décision historique de la plus haute juridiction administrative française. Pour la jeune activiste, cette décision est une suite logique aux relaxes prononcées par plusieurs tribunaux dans l’affaire des « décrocheurs de portrait » d’Emmanuel Macron. Cette décision du Conseil d’Etat l’encourage à continuer de tisser sa toile. Mais ce n’est pas chose aisée. La Ligue citoyenne, fondée il y a un an avec d’autre Gilets jaunes, fédère aujourd’hui quatre associations, dont une seule en Outre-mer, en Martinique. 


La tentation politique

La mobilisation historique du LKP en 2009 en Guadeloupe  et son leader, Elie Domota, ont beaucoup inspiré Priscillia Ludosky. Le résultat lui donne néanmoins à réfléchir.

 

 J’ai beaucoup entendu que beaucoup a été fait en 2009, et pas de résultat en face. Pas de réponse politique satisfaisante. Les inégalités se creusent, le pouvoir d’achat est considérablement réduit, etc…donc il y a beaucoup de déception.



Elle fait le parallèle avec la mobilisation historique des gilets jaunes et ces deux années de contestation sociale intense, sans réponse politique en face, selon elle. La question de l’engagement politique s’est posée à elle. Elle évoque ces gilets jaunes "qui n'avaient pas du tout l'intention d'entrer en politique" et qui se sont finalement présentés aux élections municipales, faisant le choix d'œuvrer localement, ou aux élections européennes. Mais elle regarde aussi attentivement ceux qui ont préféré faire de la politique autrement, en se lançant dans des projets militants. 
 

C'est vrai qu'on peut se poser la question : est-ce qu'il faut sauter le pas pour faire avancer les choses. Mais comment? (...) C'est peut-être le piège d'être coincée dans un système qui a ses limites. C'est un vrai questionnement. 


Pour l’aider à se décider, le 12 novembre, elle interroge ses abonnés Twitter. Plus de 2600 followers ont voté. La réponse est oui à 54%.
 
Le résultat du vote a surpris Priscillia Ludosky. « Je pensais que la tendance aurait été inverse », confie-t-elle. Ses afficionados devront encore attendre.
 

Au jour où je vous parle, ce n’est pas dans mes intentions. J’ai plutôt en tête une grosse action de mobilisation-sensibilisation en lien avec la présidentielle, mais pas dans le sens que l’on pense.


Un engagement dans l’élection présidentielle…pour peut-être la suspendre

Le projet de Priscilla Ludosky : lancer une grande mobilisation citoyenne numérique qui a pour but d'aboutir à une suspension de l’élection présidentielle, si ces manifestants numériques n'obtenaient pas satisfaction.
 

Comme on a pris le pas de travailler à distance, d'être constamment connecté avec ce contexte particulier, j'ai décidé de faire quelque chose de cet espace numérique, qui est un grand boulevard pour mobiliser. Je vais essayer (...) de mobiliser les gens autour de : la présidentielle n'est pas une obligation, ce n'est pas une fatalité que d'organiser cette élection. On peut essayer d'obtenir quelque chose et demander éventuellement une suspension


Engagée contre la proposition de loi "Sécurité globale"

Et les gilets jaunes, dans tout cela ? Malade de la Covid-19, Priscillia Ludosky est absente des manifestations. Quand on lui demande si elle aurait été sur les rond-points avec les autres gilets jaunes, elle répond :
 

Avec ce qui se passe sur la loi Sécurité globale, j’aurais plutôt été sur les manifestations contre la loi au niveau de l’Assemblée Nationale. Il y a des rassemblements depuis le 17 [novembre NDLR]. Je pense que j’aurais été plutôt du côté de l’Assemblée Nationale. ​

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Les manifestations contre la Loi Sécurité globale examinée en ce moment à l’Assemblée Nationale provoque en effet un vent de protestation. Des manifestations, auxquelles participent notamment des gilets jaunes, ont lieu un peu partout en France.

Samedi, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées place du Trocadéro, notamment pour défendre la liberté de la presse.

Le mardi soir précédent, une première mobilisation contre ce texte de loi avait donné lieu à des heurts. 33 personnes avaient été interpellées, dont un journaliste de France 3. Ne pouvant battre le pavé, Priscilla Ludosky, elle, se mobilise sur Twitter.
   
Regardez le reportage d'Outre-mer la 1ère :