Procès Adecco: de la prison avec sursis et des amendes requises contre la société d'intérim et deux de ses cadres

L'agence d'intérim franco-suisse Adecco est accusée d'avoir utilisé des codes pour identifier les intérimaires noirs.
Une amende de 50.000 euros à l'encontre de l'agence Adecco France et trois mois de prison avec sursis pour deux de ses anciens directeurs d'agence, poursuivis pour discrimination à l'embauche et fichage à caractère racial, ont été requis vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris. Parmi les victimes de l'agence, deux antillais.

L’agence de recrutement, basée à Paris, est accusée d’avoir utilisé des codes pour identifier les intérimaires noirs. Dans des réquisitions très techniques, la procureure a relevé la difficulté de juger des faits qui remontent à près de 24 ans. "C'est un délai affolant", a souligné la représentante du parquet en rappelant que la loi avait largement évolué depuis les faits et qu'"il y a souvent une impossibilité à prouver la discrimination, particulièrement dans le domaine du travail". La décision est attendue le 13 mars.

Le groupe franco-suisse est accusé par d'anciens salariés et des associations antiracistes d'avoir mis en place un système de discrimination fondé sur la couleur de peau, à travers le fichier "PR 4" comportant les noms de 500 intérimaires très majoritairement noirs. Parmi les victimes, deux antillais dont le Guadeloupéen Robert Sam Sambo

Des explications jugées "fantaisistes"


À l'audience, les prévenus, Olivier P. et Mathieu C., ont soutenu que le critère "PR 4" ne qualifiait pas la couleur de peau mais "un mix de l'expérience professionnelle et du savoir-être du candidat", notamment sa maîtrise du français. L'
existence du fichier "PR 4" n'est "pas contestable", a indiqué la procureure tout en admettant que "son interprétation est contestée".

Cependant, a-t-elle souligné, "tous les témoignages [des victimes, NDLR] sont parfaitement concordants pour dire qu'il s'agissait de critères sur la couleur de peau". Elle a estimé que les explications données par les prévenus à l'audience sur les critères de ce fichier étaient "fantaisistes". "Il faut avoir envie d'y croire", a-t-elle ironisé.

500 intérimaires noirs écartés de certains postes


Entre 1997 et 2001, l'agence que les deux prévenus dirigeaient dans le quartier Montparnasse à Paris aurait fiché quelque 500 intérimaires noirs, écartés de certains postes pour satisfaire les demandes des clients. "Je n'ai jamais cautionné ni pratiqué la discrimination, il y a un paradoxe énorme, j'ai passé ma vie à lutter contre la discrimination", a expliqué à la barre Olivier P., aujourd'hui à la retraite après 17 ans chez Adecco.
" Des gens ont travaillé, quelle que soit leur couleur de peau", a-t-il insisté.


Son ex-collègue Mathieu C. n'a pas dit autre chose au cours de son audition.
Leurs avocats ont plaidé "une relaxe sans scrupules" réfutant l'existence d'un fichier basé sur des considérations raciales. " Adecco a toujours lutté contre les discriminations. C'est dans l'ADN de la société", a dit à la barre Gérald Jasmin, directeur général d'Adecco France.
"Pourquoi 95% des personnes figurant dans le fichier PR 4 sont noires?", demande un avocat des parties civiles. "Je n'ai pas la réponse", concède le DG d'Adecco.