Alors que dans le territoire le plus pauvre de France tout est à reconstruire depuis le passage du cyclone Chido, le Sénat s’apprête à examiner le projet de loi d’urgence pour Mayotte. Le texte, qui prévoit des dérogations pour rebâtir le plus vite possible, a été adopté à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale la semaine dernière.
Si les deux chambres votent le texte dans les mêmes termes, alors la loi entrera en vigueur immédiatement. Mais le calendrier pourrait être rallongé : plusieurs amendements ont été ajoutés par les commissions du Sénat.
"Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, il faut reconstruire vite et il faut aussi reconstruire mieux et adapter les outils aux réalités de Mayotte", justifie Micheline Jacques, rapporteure du texte et présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. Les sénateurs membres de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires sociales et de la commission des lois voudraient corriger plusieurs points de la copie de l’Assemblée.
Pas de retour de l'article sur les expropriations
L’article 10, particulièrement polémique, devait faciliter les procédures d’expropriation pour construire des bâtiments publics. Il a été supprimé par les députés. Conscients que cet article avait créé "de grandes inquiétudes", les sénateurs de la commission des lois ont décidé de ne pas le réintroduire.
Ce n’est pas le cas d’un autre article, supprimé par l’Assemblée nationale mais qui sera à nouveau débattu au Sénat. Dans sa proposition initiale, le gouvernement voulait faciliter "l’implantation en urgence de constructions temporaires" notamment pour "l’hébergement". Micheline Jacques dit comprendre "la crainte" que la multiplication des hébergements temporaires crée "un appel d’air" alors que "chaque jour arrivent à Mayotte entre 20 et 70 réfugiés de l’Afrique de l’Est qui demandent l’asile politique".
L’élue et ses collègues de la commission des affaires économiques souhaitent ajouter des conditions : ces constructions serviront à loger les personnes qui viennent à Mayotte pour reconstruire le territoire, à déployer des bureaux ou à installer des salles de classe. "Ce sera bien encadré : le maire devra donner son accord", assure Micheline Jacques, qui précise que "ces modulaires devront être enlevés au bout de deux ans".
La question migratoire traitée dans un autre texte
Un autre ajout concerne des restrictions sur les ventes de tôles. "Les bidonvilles ont causé la mort de nombreux habitants", rappelle Micheline Jacques, qui estime qu’il faut "limiter" la vente de "ces objets tranchants" alors que "Mayotte est toujours en période cyclonique". Plusieurs dispositifs d’aide sont aussi envisagés, comme le renouvellement automatique des droits aux prestations sociales ou la suspension temporaire des recouvrements des cotisations des entreprises.
Le texte sera discuté en séance publique par les sénateurs le lundi 3 février dans l’après-midi. L’examen devrait s’achever dans la nuit. Si les sénateurs votent le même texte que celui voté par les députés mercredi dernier, alors la loi sera adoptée, mais si leur version diffère, une commission mixte paritaire se tiendra pour tenter de trouver un compromis entre les deux chambres. La date de cette éventuelle commission, qui réunit sept députés et sept sénateurs, est déjà fixée : elle aura lieu le lundi 10 février.
La réponse gouvernementale à la crise mahoraise comporte un deuxième volet. D'ici à trois mois, un autre texte sera présenté par le gouvernement. Il traitera notamment de l’insécurité et de l’immigration clandestine.