SMA Outre-mer : "Quand ils repartent chez eux, ces jeunes sont transformés" (commandant Chouilly, chef de bataillon du SMA de Périgueux)

Miraldo Tjajoelai et Earline Thomas ont choisi le Service Militaire Adapté de Périgueux pour se former aux métiers de frigoriste et d'agent de restauration
Une centaine de jeunes volontaires des Outre-mer viennent chaque année à Périgueux se former à leur futur métier. En 26 ans, ce centre de formation du Service Militaire Adapté a favorisé l'insertion professionnelle et sociale de plus de 2000 stagiaires.

Il est 7h45. Comme tous les matins, dans la cour d'honneur du Centre de Formation du Service Militaire Adapté (CFSMA) de Périgueux, c'est l'heure du rassemblement. Face au chef de bataillon Laurent Chouilly, commandant du centre de formation, une cinquantaine de jeunes en treillis, en survêtements siglés "Troupe de marine" ou en tenu de travail. Tous sont des engagés volontaires et originaires des Outre-mer. 

Le dénominateur commun de tous ces jeunes c'est d'avoir eu des vies non vécues. Ils n'ont pas eu de choix à l'issue de leur parcours de vie chaotique. Nous leur apportons des compétences et des savoir-faire. Ils apprennent un métier dans différentes filières qui sera sanctionné par un diplôme et ils apprennent également la discipline militaire : se lever tôt, respecter son chef, être en tenue...

Commandant Chouilly, chef de bataillon CFSMA Périgueux

 

Le centre de formation du Service Militaire Adapté de Périgueux est la seule unité de l'Hexagone à accueillir des jeunes des départements et territoire d'Outre-mer. Chaque année, ils sont entre 80 et 100 à venir y préparer un titre professionnel dans un cadre structurant. Installé à Périgueux depuis le 1er septembre 1995, 2000 jeunes des Outre-mer ont reçu un complément de formation professionnelle avec, au bout, l'attribution d'un titre V, reconnu à l'équivalent du CAP. Et, selon les chiffres communiqués par le ministère des Outre-mer, le taux de réussite est au rendez-vous : 84% pour la formation d'électricien d'équipement, 100% pour les monteurs dépanneurs frigoristes, 75% pour les agents de restauration. 

Une chance d'être ici

Ce matin, cours de boxe en plein air pour Miraldo Tjajoelai.

A peine le rassemblement terminé, Miraldo Tjajoelai, un jeune Guyanais de 23 ans, enfile des gants pour un cours de boxe en plein air. Le jeune homme est arrivé de Guyane il y a sept mois et prépare un CAP de monteur, dépanneur frigoriste.
 

Les premiers jours ont été difficiles car il faut prendre ses repères et s'acclimater, c'est un vrai changement. Mais je suis conscient de la chance qui est la mienne d'être ici

Miraldo Tjajoelai

 

Durant plus d'une heure, le jeune homme donne des coups, en reçoit, esquive, se protège et écoute avec attention les conseils de son formateur. Au centre de formation du SMA, comme dans tous les SMA Outre-mer, le sport fait partie intégrante de la formation.

Le temps de prendre une douche et Miraldo rejoint ensuite le batiment de formation. Dans ce long couloir situé au 2e étage, une salle de cours et dans son prolongement des ateliers pour la partie pratique avec des armoires électriques, un enchevrêtement de tuyaux et des chambres froides. 

Après quelques mois au SMA de Guyane, le jeune homme a saisit l'opportunité de venir ici à Périgueux pour se perfectionner et se construire un avenir professionnel. "Je ne le regrette pas. C'est une chance extraordinaire pour moi d'être ici", affirme-t-il. Sa formation terminée et son diplôme en poche, il repartira en Guyane, mais avec l'objectif de revenir dans un an et de s'installer à Montpellier avec sa fiancée, elle aussi originaire de Guyane. "Je veux faire ma vie en métropole", précise-t-il.  

Un enrichissement personnel exceptionnel

Midi approche et dans les cuisines de l'AFPA, l'Agence pour la formation professionnelle des adultes, c'est le coup de feu. Dans quelques minutes, le restaurant d'entreprise ouvrira ses portes. Earline Thomas, 27 ans, termine l'agencement des entrées. "Nous les accompagnons pour leur permettre de s'intégrer dans le monde du travail. Au début, c'est compliqué parce qu'ils n'ont pas l'habitude d'avoir autour d'eux des personnes autoritaires, mais très vite, ils s'aperçoivent que c'est pour leur bien, ils prennent confiance et progressent très vite. En quelques mois, nous constatons de profonds changements", explique Bruno Mercier, le formateur restauration.  

La jeune femme, au grade de caporal, s'est engagée au 2e régiment du SMA de Baie-Mahault en Guadeloupe en 2018, avant de rejoindre le CFSMA de Périgueux en juin 2021. Dans quelques semaines, elle reviendra chez elle en Guadeloupe avec le certificat de formation générale qui s'adresse plus particulièrement à des élèves en difficulté scolaire, un certificat d'auxiliaire de vie sociale, un diplôme d'agent de restauration (niveau CAP) et le permis de conduire.

La cuisine me passionne et je vais continuer à me perfectionner. J'aimerais beaucoup m'engager dans l'armée avec cette spécialité.

Earline Thomas

 

Comme Miraldo, elle aussi mesure la chance qui lui a été donnée de se former, d'obtenir des diplômes et de découvrir les valeurs militaires. "C'est un enrichissement personnel exceptionnel. J'ai le sentiment d'avoir beaucoup évolué", ajoute-t-elle. 

La promesse d'une embauche 

Dans le bâtiment de l'internat, l'humeur est joyeuse. Après huit mois passés au CFSMA, Donovan Haoatai et Raihono Tuahiva rentreront chez eux en Polynésie avec un diplôme en poche et la promesse d'une embauche à Tahiti. Alors qu'il s'apprête à boucler sa valise, Haoatai ne cache pas sa fierté. "Je suis très content parce que dans mon groupe, nous avons tous réussi notre diplôme, 100% de réussite" affirme-t-il. 

Je vais retrouver ma famille, ma copine et, grâce à ce titre professionnel, j'ai la promesse d'être embauché chez mon tonton.

Donovan Haoatai

 

"Quand ils repartent chez eux, ces jeunes sont transformés. Se confronter avec la vie en métropole est particulièrement difficile et tout ce que nous mettons en œuvre leur permet d'être par la suite beaucoup plus autonomes. Après leur passage, ici, ils deviennent des citoyens éclairés et pour moi, c'est au moins aussi important que l'obtention d'un diplôme", indique le commandant Chouilly. 

Un dispositif d’insertion qui fait ses preuves

Depuis sa création, il y a 60 ans, le Service Militaire Adapté a formé plus de 150.000 jeunes volontaires et a réussi l'insertion de plus de trois jeunes sur quatre dont la moitié dans un emploi durable. Lorsqu'ils arrivent au SMA, un stagiaire sur trois n'a aucun diplôme et plus de 40% d'entre eux sont en situation d’illettrisme. À l'issue de cette formation, plus de 95% obtiennent le CFG (certificat de formation générale) et plus de huit jeunes sur dix obtiennent leur permis B en quittant le SMA.

Cérémonie à l'Arc de Triomphe

Le 18 novembre prochain, ces jeunes volontaires du CFSMA Périgueux se rendront à Paris où ils partciperont à une cérémonie du ravivage de la flamme à l'occasion du 60e anniversaire de la création du Service Militaire Adapté.