Verra-t-elle le jour, la fameuse piste longue de l’aéroport de Mayotte ? Bien qu'Emmanuel Macron a promis sa faisabilité avant la fin de son mandat, des experts remettent en question l’intérêt d’un tel chantier, tant du point de vue environnemental qu’économique.
Ils n’en voient pas le bout de la piste, les Mahorais, plus exactement des travaux de son extension. Des années, voire des décennies que l’archipel souffre d’avoir un aéroport exigu qui peine à accueillir les avions gros porteurs. Résultat, très peu de compagnies aériennes desservent Dzaoudzi-Pamandzi. Par conséquent, les prix des billets demeurent hors de prix pour nombre de mahorais, faute de concurrence.
Lors de sa visite à Mayotte, le président de la République Emmanuel Macron a promis, le 22 octobre 2019, que les travaux de l’allongement sont une priorité pour le gouvernement et qu’ils débuteront avant la fin de son mandat, début 2022, pour la plus grande joie de la population locale.
Projet remis en cause
Or, fin décembre dernier, coup de tonnerre : un rapport de 35 pages de l’Autorité Environnementale, un organisme indépendant mais qui émarge au Ministère de la Transition écologique, émet un certain nombre de doutes quant à la faisabilité et l’intérêt de ce projet. Une douche froide pour les mahorais relayée par les médias locaux. "Cette piste longue ne se fera pas avant 2026, il ne faut pas rêver", estime Denis Herrmann, rédacteur en chef des Nouvelles de Mayotte. "On va être obligés de revoir la copie et de remettre le métier sur l'ouvrage."
Parmi les critiques émises par l’Autorité environnementale : la destruction d’une partie du lagon, les nuisances sonores, la quantité importante de roches et de terre à prélever en grande terre et le problème de la stabilité de l’aéroport suite à l’émergence d’un nouveau volcan. Mais aussi, et de manière plus surprenante, un avis que Mayotte n’aurait pas besoin de cet allongement de piste pour se développer.
Ce rapport nous inquiète. Il se préoccupe d'enjeux environnementaux mais il nous semble aussi qu'il va plus loin puisqu'il émet l'hypothèse d'une Mayotte qui devrait se développer sans amélioration de ses infrastructures aéroportuaires.
Prix toujours élevés
Pour les professionnels locaux, le rapport est un coup de poignard dans le dos des mahorais qui voient là s’éloigner la possibilité de faire baisser les prix des billets d’avion. Mais également de désenclaver l'île, comme l'estime Régis Novou, co-créateur de la future compagnie aérienne Zéna - Mayotte.
Invité le 14 janvier 2021 d’Outre-mer la 1ere à Paris, le ministre des Outre-mer est revenu sur le projet d’extension de la piste et l’avis rendu par l’autorité environnementale. "Est-ce que ça remet en cause l'utilité du projet et la volonté politique de le faire ? La réponse est non", a-t-il affirmé, rappelant l'intérêt "majeur" et "stratégique" de la piste longue.
L’allongement de la piste - de 1930 m actuel à 2600 m programmée – permettrait en effet à Mayotte non seulement d’accueillir des avions gros porteurs mais surtout de les laisser repartir à pleine charge (passagers, fret et carburant compris) ce qui est impossible aujourd’hui. Un sacré coup de pouce pour l’économie locale.
(Re)voyez le sujet de Jean-Michel Mazerolle et François Brauge :