"L’acceptation des minorités a globalement progressé en France" depuis 1990, pointe la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son dernier rapport consacré à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Pourtant, certaines enquêtes citées par le rapport notent que le "sentiment de discrimination" augmente. De même, si en moyenne la tolérance progresse, "certains préjugés restent largement partagés". En novembre 2022, 13% des personnes interrogées considéraient que les noirs formaient "un groupe à part". Ce chiffre, bien que conséquent, est bien moins important que pour les juifs (24%), les Chinois (37%) ou les Roms (67%).
Les jeunes, plus tolérants que leurs aînés
"Plus on a fait d'études, plus on est tolérant. L’âge compte aussi. Chaque génération est plus tolérante que celles qui l’ont précédée", explique la politologue Nonna Mayer. Le positionnement politique pèse également : plus les répondants s’identifient comme "de gauche", plus ils sont tolérants.
Si le racisme le plus cru, à fondement biologique, fonctionnant sur la conviction qu’il existe des races supérieures à d’autres, est loin de disparaître dans le débat public, il est en net recul dans l’opinion
Rapport 2022 de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie
Le rapport note que désormais "le racisme est associé à un sentiment de culpabilité et s’entoure de justifications". "Le racisme s’exprime souvent de manière détourné. ‘Je ne suis pas raciste mais ‘", détaille Nonna Mayer.
Des actes racistes largement sous-estimés
Si le rapport se veut une photographie du racisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme en France, le cliché est malheureusement flou. De très nombreuses victimes d’actes racistes ne portent pas plainte, et la majorité des faits passent sous les radars.
"1,2 million de personnes seraient victimes chaque année d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe", note le rapport. Face à ce chiffre, la réponse judiciaire parait dérisoire. En 2021, il n’y a eu condamnation que dans 1 382 infractions à caractère raciste. Le plus souvent, le caractère raciste des faits est une circonstance aggravante, mais pas le cœur de ce qui est reproché à l’accusé. Dans le cadre d’affaires ou la discrimination raciste est l’infraction principale, le nombre de condamnations tombe à 4.
Ce sont des délits. Ce ne sont pas des comportements d’incivilité. Parfois, ce sont même des crimes.
Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH.
Par honte, par peur des représailles, parce que la complexité des procédures décourage les victimes ou parce qu’elles ont le sentiment qu’il n’y aura, de toute façon, pas de condamnation, la grande majorité des victimes ne poussent jamais la porte d’un commissariat. "Seulement 2 % des victimes d’injures et 14 % des victimes de menaces ou de violences portent plainte, note la CNCDH, qui recommande de mieux former les personnels de police ou de gendarmerie et de favoriser les dépôts de plainte en ligne pour réduire la sous-déclaration.
Pour lutter contre les discours de haine qui s'épanouissent dans certains médias et sur internet à la faveur de l'anonymat, la CNCDH recommande de renforcer "la formation à la citoyenneté numérique" et suggère à l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel et du numérique, de "renforcer les sanctions, en particulier à l’encontre des personnes et des médias précédemment rappelés à l’ordre". La CNCDH espère aussi la tenue d’une convention citoyenne sur les migrations. Une demande soutenue par plus de 80 associations, 70 personnalités et 400 chercheurs.