Réforme des retraites : l'interminable débat parlementaire n'évoque pas les spécificités des Outre-mer

Alors que le long débat sur le système universel de retraite se poursuit à l’Assemblée nationale, la spécificité des Outre-mer est renvoyée à des ordonnances. Ce qui agace fortement certains députés.
 
Dans l’hémicycle ce lundi 24 février, les députés sont peu nombreux. Il faut dire qu’ils siègent sans discontinuer depuis huit jours (17 février), samedi et dimanche compris. Pour ce projet de loi  il y a plus de 41 000 amendements à examiner. Alors pour tenir la distance, des rotations sont mises en place. "On s’organise, on ne peut pas être sur tous les articles" précise le député de Martinique apparenté socialiste Serge Letchimy. Les parlementaires tiennent à être présents surtout sur les sujets qu’ils maitrisent. En cette période d’élections municipales, beaucoup sont pris par leurs campagnes électorales. C’est le cas par exemple des députés Oliver Serva en Guadeloupe et de Jean-Hugues Ratenon à La Réunion. 

Le député Guyanais Gabriel Serville (groupe GDR) présent la première semaine des débats dans l'hémicycle est lui reparti dans sa circonscription, estimant que "l'on avance à une cadence de tortue" selon lui "le gouvernement va actionner les 49-3. Je n'y vais pas car ce serait une perte de temps et une perte d'argent". Le député suit tout de même l'avancée des débats sur internet. 
 

Une nécessité de débat

"C’est un sujet extrêmement important. Il faut un vrai débat, une vraie discussion. On revient sur des décennies d’organisations. On ne peut pas modifier cela comme ça, avec une concertation qui n’est pas une vraie négociation"  explique le député Serge Letchimy. Arrivé de Martinique ce lundi matin, il compte bien défendre les arguments de son groupe politique dès ce mardi dans l’hémicycle.

David Lorion, député de La Réunion chez Les Républicains, est lui présent à l'Assemblée en ce début de semaine. "Le 1er article est le plus important. C’est pour cela que les échanges durent. Les différents groupes politiques doivent défendre leur point de vue" explique-t-il.  Au huitième jour d’examen, les députés viennent tout juste d'adopter le premier des 65 articles du projet de loi. La route est donc encore longue pour un vote en première lecture espéré avant le 15 mars. Mais qu’importe, le débat doit avoir lieu pour le député Serge Letchimy qui considère qu’il « n’y a pas eu de vraie négociations en amont. On est 2,2 millions Outre-mer. A quel moment il y a-t-il eu un vrai débat dans nos territoires ? » demande-t-il.
 

L’Outre-mer en reste ? 

Des parlementaires tentent de faire passer des amendements en faveur des Outre-mer… en vain. Celui d’Huguette Bello (groupe GDR) en faveur des retraites des agriculteurs des Outre-mer a été mis aux votes ce lundi matin, mais n’a pas été adopté. Ce que regrette son collègue de La Réunion. "J’ai voté pour ! On avait promis aux agriculteurs que le sujet serait traité, et d’un coup de baguette magique, le sujet est écarté" dit David Lorion. La situation des agriculteurs est critique et dans les Outre-mer c’est encore "pire" considère Serge Letchimy. "C’est une situation post-coloniale. Les gens qui ont coupé la canne et qui en fin de semaine allaient chercher leur paye auprès des békés (descendants des colons européens, ndlr), n’ont pas eu de contrats, et n’ont jamais eu de papiers qui peuvent prouver de leur activité pour leur retraite" ajoute-t-il.
 

Des ordonnances

Mais ce n’est pas la seule spécificité. Le calcul de la sur- rémunération n’est pas évoqué dans le projet de loi. "Rien ne va être décidé pour l’outre-mer dans les débats. Ce sera par ordonnances", se désole le député de la Réunion David Lorion. Des ordonnances qui agacent le député Serge letchimy. "Ces ordonnances sont des décrets pris par le gouvernement. Le parlementaire sera juste consulté, mais ne pourra pas débattre".

Pour les Outre-mer 29 ordonnances sont prévues. Elles seront prises après le vote définitif de la loi.
 

49-3 « une double peine pour la démocratie »

Le gouvernement espère un vote à l’Assemblée nationale avant le premier tour des municipales. Mais cela semble peu probable vu le rythme des débats dans l’hémicycle. Le spectre du 49-3 se profile. Cet article de la Constitution permet au gouvernement de faire adopter la loi sans passer par un vote.

Mais ce possible recours fait bondir les députés d'opposition. "Qu’ils assument la responsabilité de leurs actes. Le texte n’est pas mûr, au niveau de l’équilibre financier et  au niveau de l’âge des retraites" affirme David Lorion, député de La Réunion. La charge est plus incisive pour le député de la Martinique Serge Letchimy qui regrette le manque de négociations avec les syndicats et le manque de considérations pour les gens qui manifestent leur colère dans la rue « Après avoir muselé le débat social, il muselerait le débat parlementaire … Ce serait une double peine pour la démocratie ».

Contactés par Outre-mer la 1ère, les députés LREM des Outre-mer n'ont pas encore répondu à nos sollicitations.