Refus de caution locative : les étudiants ultramarins toujours discriminés

Lors de la 4e édition du forum des étudiants au ministère des Outre-mer, en septembre 2018
La galère des étudiants ultramarins pour trouver un logement dans l'hexagone est un serpent de mer pour les institutions qui luttent contre les discriminations. Certains bailleurs refusent encore une location au motif que les garants sont domiciliés en Outre-mer. Une pratique interdite par la loi. 
Depuis un an, Muneiko Haocas préside l'AESK, l'Association des Etudiants et Stagiaires Kanaks de Paris. Elle a reçu plusieurs témoignages d'étudiants calédoniens dans la galère pendant leur recherche de logements.  "C'est une problématique à laquelle nous sommes tout le temps confrontés". 
Il y a deux ans, alors qu'elle achevait son Master 2, la jeune femme a essuyé plusieurs refus de propriétaires. Sept mois de recherche pendant lesquels elle est arrivée à une conclusion : c'est le garant qui coince. 

Votre garant est en Nouvelle-Calédonie, je ne pourrai pas me retourner avec le tribunal calédonien", a déclaré un propriétaire à Muneiko Haocas.

Ce que dit la loi

Les propos de ce propriétaire, s'ils avaient été notifiés par écrit, auraient pu constituer la preuve d'une discrimination. La loi de 1989 est claire. Elle dit qu'il est interdit au  bailleur de refuser une caution bancaire au motif qu'elle est domiciliée hors de l'hexagone. 

Lorsqu'un cautionnement pour les sommes dont le locataire serait débiteur dans le cadre d'un contrat de location conclu en application du présent titre est exigé par le bailleur, celui-ci ne peut refuser la caution présentée au motif qu'elle ne possède pas la nationalité française ou qu'elle ne réside pas sur le territoire métropolitain. Extrait de l'article 22-1 de la loi n°89-462


Modifiée en 2006 et précisée dans la loi Égalité et Citoyenneté votée fin 2016, la loi dit bien qu'il s'agit d'une discrimination qui tombe sous le coup du code pénal. La sanction encourue est une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
 

"Les étudiants peuvent porter plainte, le problème, cela va être de le prouver"

La délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer recueille des signalements. Nicolas Mazières, le directeur de cabinet du Jean-Marc Mormeck qui dirige cette délégation, rappelle aux étudiants qu'il est important de porter plainte. "Le problème, cela va être de le prouverIdéalement, il faut un écrit, une réponse par email ou autre qui indique que le motif du refus, c'est celui-là. Et là c'est sanctionnable à tous les coups". 
délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer

Demander une notification écrite, un réflexe que les étudiants oublient souvent, pressés qu'ils sont de trouver un hébergement dès leur arrivée dans l'Hexagone. "Leur but premier n'est pas de faire condamner le bailleur. On conseille de saisir le défenseur des Droits via son site internet ou via les délégués départementaux, pour qu'au final, quelqu'un puisse rappeler à la loi le bailleur", signale Nicolas Mazières.


Sans la caution des parents : vers qui se tourner ?

Pour ces étudiants dont les garants sont domiciliés hors de l'Hexagone, il existe une solution : la garantie VISALE. Mise en place par l'Etat avec le soutien d'Action Logement, elle est accessible à tous les étudiants de moins de 30 ans, quelque soient les conditions de revenus. Cette caution locative apportée par l'Etat est une garantie contre d'éventuels loyers impayés pendant trois ans. Le dispositif gratuit est né en 2016. Les démarches s'effectuent en ligne. 
 
informations pratiques sur la garantie Visale ©https://www.visale.fr/#!/


Des partenariats pour aider les étudiants calédoniens

La maison de la Nouvelle-Calédonie (MNC) a signé des conventions avec différents partenaires pour aider les étudiants à trouver un logement. Depuis 2014, Nexity Studea, gestionnaire de résidences étudiantes privées, réserve une soixantaine de logements dans l'Hexagone aux étudiants calédoniens.

"On a choisi cette société parce qu'elle était le plus implantée en métropole et parce qu'ils acceptaient que le parc de logements ne soit pas fixe, c'est-à-dire qu'en fonction des villes d'études, chaque année, on peut modifier", explique Agnès Siraut, la chef du service étudiant formation jeunesse de la MNC. Trente logements sont accessibles à Paris, trente en région.
 

Dans ce cas, la MNC est bailleur. "C'est nous qui faisons les dossiers, l'étudiant verse le loyer à la MNC et nous on gère. L'intérêt pour l'étudiant, c'est qu'on accepte le garant, on fait un dossier avec les parents. De fait, ça enlève le coût des frais administratifs pour l'étudiant. Ce service réduit le coût de 400€ à l'entrée dans le logement", précise Agnès Siraut.
 



Une soixantaine de logements sont aussi réservés aux étudiants calédoniens à la Cité Universitaire de Paris, sans parler du partenariat signé avec des propriétaires privés. A la rentrée 2018, près de 160 étudiants ont trouvé un hébergement dans le privé en passant par la maison de la Nouvelle-Calédonie.