Refus de la misère : Médecins du monde tire la sonnette d’alarme pour Mayotte

Familles comoriennes expulsées par des villageois mahorais, campant sur la place de la République à Mamoudzou, en mai 2016.
A l’occasion de la 30e Journée mondiale du refus de la misère, ce 17 octobre, l’organisation non gouvernementale Médecins du monde publie un rapport évoquant entre autres une situation « explosive » à Mayotte.
Le constat dressé par Médecins du monde (MdM) sur la situation sociale à Mayotte est sans appel. Dans son Rapport de l'observatoire de l'accès aux droits et aux soins de la mission France 2016, l’ONG relève, comme d’autres avant elle également, que le département de Mayotte est à ce jour « le plus pauvre et le plus inégalitaire de France ». L’association fustige par ailleurs la politique migratoire de la France sur l’île, « hors norme » et « permise entre autre par un droit des étrangers dérogatoire ».

« En 2016, près de 20.000 étrangers ont été enfermés en centres de rétention à Mayotte, soit 43 % du total de la France entière et plus de 22.600 personnes ont été expulsées de Mayotte (17.735 pour toute la France métropolitaine) », note MdM dans son rapport. « L’enfermement et l’expulsion des mineurs est massif et stupéfiant à Mayotte : 4285 mineurs y ont été expulsés (182 en métropole), en violation du droit national et européen ; la France a fait l’objet de cinq condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour rétention de mineurs ». En outre, entre 3000 et 6000 mineurs seraient aujourd’hui isolés dans le département, leurs parents ayant été expulsés aux Comores.

Offre de soins saturée

L’ONG témoigne aussi de « violences sociales et xénophobes majeures en 2016, sous le regard inactif de l’Etat français ». Citant le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade), ces violences auraient conduit entre 1500 et 2000 personnes à la rue.

Concernant le système de santé à Mayotte, Médecins du monde évoque une offre de soins saturée et des personnels de santé épuisés, le tout lié « à une grande précarité des conditions de vie et un manque de dispositifs de prévention et de suivi. » Le taux de mortalité maternelle et infantile était respectivement six fois et quatre fois plus élevés que dans l’Hexagone il y a quelques années, avec une « importance des pathologies de la mère et de l’enfant et des pathologies infectieuses et une sous-nutrition infantile ». Les pathologies chroniques comme le diabète, l’hypertension et l’obésité sont des problèmes de santé chroniques tout comme encore les maladies diarhéiques, le paludisme, la typhoïde et la tuberculose, le taux de déclaration de cette dernière maladie ayant doublé par rapport à 2014.

 

A Mayotte, plus de 80 % des enfants vus en consultation ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale. Un retard de recours aux soins est identifié dans plus d’un tiers des consultations. Un tiers des patients ayant consulté à MdM déclare ne pas avoir accès à l’eau potable.



Cas de malnutrition aiguë

« Plus de 80 % des enfants vus en consultation ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale alors que plus de la moitié d’entre eux sont affiliables (ayant-droits de parent français ou en situation régulière résidant à Mayotte) », écrit encore l’association. En 2016, précise-t-elle, 12% des enfants rencontrés présentaient une pathologie chronique. « Les taux de couverture vaccinale des enfants vus dans les consultations de MdM restent faibles par rapport aux objectifs nationaux (95 %) qui permettraient de garantir une protection de l’ensemble de la population. Ainsi, plus du quart des enfants de 24 à 59 mois ayant consulté nécessiteraient un rattrapage vaccinal pour au moins un vaccin et ce en dépit de la priorité donnée à la complétude du schéma vaccinal des enfants déjà vaccinés depuis septembre 2016. »

Dans son rapport, MdM s’inquiète aussi de la situation nutritionnelle des enfants de Mayotte, considérée comme précaire pour la maigreur (5-10 %) et l’insuffisance pondérale (10-20 %). « En 2016, parmi les nouveaux enfants de moins de 5 ans ayant consulté, 2,3 % présentaient une malnutrition aiguë sévère et 11 % une malnutrition aiguë modérée, lors de leur première visite. Le suivi et le traitement a concerné 59 enfants et représenté plus de 240 consultations médicales et plus de 250 consultations sociales », souligne l’association, qui déplore les manques de moyens supplémentaires et d’organisation de la prise en charge, le sous-dimensionnement de l’offre de santé, les carences en formation de certains professionnels et l’absence de relai post-hospitalisation.