Restera ? Restera pas ? Pour le moment, on ne sait pas. Mais Philippe Vigier, ministre délégué chargé des Outre-mer depuis le 20 juillet 2023 pourrait quitter le ministère des Outre-mer à l'issue du remaniement ministériel entamé par Emmanuel Macron lundi 8 janvier avec la démission d'Elisabeth Borne et la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier ministre le lendemain.
Depuis quelques semaines, le député MoDem d'Eure-et-Loir fait savoir son désir d'évoluer au sein du gouvernement. Juste après le vote de la loi immigration et le début des rumeurs de remaniement en décembre, la newsletter du média spécialisé Politico se faisait l'écho des ambitions du ministre, "prêt à bouger" de son ministère pour s'occuper d'un autre portefeuille, comme celui des Territoires (des propos démentis par Philippe Vigier).
Mais dans les couloirs du pouvoir, les bruits ne deviennent parfois que des murmures, et rien n'est jamais fixé tant que ce n'est pas acté (comme l'a prouvé la nomination de Gabriel Attal à Matignon). Mardi, Philippe Vigier s'est fendu d'un poli "Toutes mes félicitations" au nouveau Premier ministre sur X (ancien Twitter). Il assure depuis ne pas savoir quel sort lui sera réservé au sein du gouvernement.
Les "bévues" de Philippe Vigier
Si le ministre veut partir, c'est aussi ce que souhaitent plusieurs élus ultramarins. Davy Rimane, député Gauche, démocrate et républicaine (GDR) de Guyane et président de la Délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale, demande purement et simplement le renvoi de Philippe Vigier.
Après les bévues à répétition de Philippe Vigier, qui confond les présidents d'exécutifs [il avait confondu le président de la Collectivité territoriale de Martinique, Serge Letchimy, et celui du conseil départemental de la Guadeloupe, Guy Losbar, en novembre, NDLR], ainsi que son opportunisme sans bornes et totalement déplacé lorsqu'il laissait entendre il y a quelques semaines qu'il serait ouvert à une nomination à un autre poste lors d'un remaniement, la position portée est celle de l'éviction de Vigier au poste de ministre en charge des Outre-mer.
Davy Rimane, député GDR de Guyane
Peu importe qui le remplacera, lâche le parlementaire, les élus de l'opposition veulent avant tout que le ministère des Outre-mer redevienne un ministère de plein exercice, et non un portefeuille sous tutelle du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Mais l'élu de Tourcoing, qui devrait conserver son poste dans le premier gouvernement Attal, est tellement impliqué dans le dossier sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie qu'il paraît peu probable qu'on lui retire ses prérogatives ultramarines.
Un ministre ultramarin ?
S'il ne faisait aucun doute que l'opposition allait réclamer le départ de Philippe Vigier, il est en revanche plus étonnant d'entendre cette demande du côté des macronistes ultramarins eux-mêmes. "Un certain mécontentement se fait ressentir de la part des élus locaux ultramarins, car ils ne se sentent pas véritablement représentés à Paris, confie une source proche de la majorité présidentielle dans les Outre-mer. Il nous semble donc essentiel qu'un Ultramarin représente nos territoires au sein du gouvernement qui va être mis en place dans les jours qui viennent."
Depuis Annick Girardin, ministre des Outre-mer d'Emmanuel Macron entre 2017 et 2020, plus aucun ministre de la rue Oudinot n'a été d'origine ultramarine. Ce qui avait d'ailleurs été reproché à Sébastien Lecornu, Yaël Braun-Pivet, Jean-François Carenco et Philippe Vigier, qui ont succédé à l'élue de Saint-Pierre et Miquelon.
Le gouvernement a-t-il néanmoins suffisamment de ressources dans les territoires pour trouver une personnalité consensuelle à même de retisser le lien entre les Outre-mer et l'Hexagone ? Au Parlement, les groupes de la majorité présidentielle comptent seulement une petite poignée d'Ultramarins, comme Philippe Dunoyer (Nouvelle-Calédonie), Dominique Théophile (Guadeloupe), Thani Mohamed Soilihi (Mayotte), Stéphane Fouassin (La Réunion) ou encore Mikaele Kulimoetoke (Wallis et Futuna)... Ceux-là peuvent se targuer de ne pas s'être opposé à la loi immigration en décembre, un gage de loyauté au chef de l'État. D'autres avaient opté pour la fronde.
Mais l'exécutif peut également tenter de parier sur une figure extérieure capable d'élargir la majorité. Olivier Serva, membre du petit groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT, Guadeloupe) à l'Assemblée nationale, a déjà travaillé avec le gouvernement lors de l'examen de la loi immigration, où il avait été nommé rapporteur pour rédiger le volet Outre-mer du texte. Il pourrait être un candidat au poste de ministre des Outre-mer. Max Mathiasin, lui aussi élu guadeloupéen LIOT, et Estelle Youssouffa (Mayotte) ont, eux aussi, soutenu la loi. Mais le pouvoir voudra-t-il nommer quelqu'un qui n'a pas été élu sous une étiquette de la majorité ? Et les concernés sont-ils eux-mêmes intéressés ?
Selon plusieurs médias, le remaniement ministériel devrait avoir lieu avant la fin de la semaine. Le ministère des Outre-mer sera alors fixé sur le prénom, le nom et l'origine de son prochain locataire.