Les Lacaille, une dynastie de musiciens. Le père, les enfants, les petits-enfants. Trois générations de musiciens qui explorent des styles à travers les âges, de La Réunion à l’Hexagone. René Lacaille fait aujourd’hui figure de patriarche même si le célèbre accordéoniste n’a aucune envie de raccrocher. Toujours un projet ou un concert en tête, l’accordéoniste n’aime rien de plus que la musique, le partage avec d’autres artistes et le public ainsi que le plaisir de voyager.
1 Les bals la poussière
Tout commence en 1946 à l’Etang Saint-Leu dans les hauteurs de la commune balnéaire. La famille possède quelques cabris, le père et les enfants travaillent dans les champs de canne à sucre. Très souvent, la famille, principalement les garçons, animent les bals la poussière où les Réunionnais aiment se retrouver. René Lacaille adore cette ambiance. Il n’a que sept ans et il aime faire de la musique en famille. "Ça commençait à 18h et on pouvait terminer à 6h du matin", raconte René Lacaille. Impossible parfois d’aller à l’école le lendemain, mais les instituteurs ne se fâchent pas, d’autant qu’à la fin de l’année, René Lacaille anime la fête de l'école.
La musique ne nourrit pas la famille. À La Réunion, difficile de vivre de son art à cette époque, surtout quand "on est entouré de pauvres" qui n’ont pas les moyens de payer correctement des musiciens. Alors pour se nourrir, il y a le travail aux champs. Enfant, René travaille comme coupeur de canne. Et son père effectue tous types de métiers pour faire vivre ses huit enfants.
À cette époque, René Lacaille croit malgré tout en sa bonne étoile et se professionnalise en jouant dans le groupe de Jean Nativelle, du côté de Saint-Louis. Il joue de l’accordéon et progressivement, il se met à la guitare. Multiinstrumentiste, René Lacaille aime tellement la musique qu’il a soif de progresser et rêve d’aller faire son service militaire dans l’unique but de se former au solfège auprès de son frère Renaud. Le musicien passe environ 24 mois dont plusieurs dans le cachot militaire. Il en fait encore aujourd’hui des cauchemars. En solfège, avec son frère, les progrès se font sentir et René ne regrette pas une minute son choix de quitter son île. À Paris, à la fin des années 60, il commence à tourner dans des boites et fréquente de nombreux musiciens. Mais en 1972, l’envie de revenir au pays le taraude. La période est propice.
2 Luc Donat et Alain Péters
À La Réunion, René Lacaille fait la connaissance de Luc Donat, le roi du sega. Il rejoint le groupe Ad Hoc. Il se met au saxophone et compose son premier grand succès, Sax Sega qui "ne rapportera pas beaucoup d’argent", regrette aujourd’hui l’artiste. Le musicien sympathise avec Alain Péters, le Jimi Hendrix de La Réunion. Ils montent ensemble le groupe Caméléon. Le groupe rencontre un immense succès auprès des jeunes à La Réunion. Mais au bout de quelques années, René Lacaille a de nouveau envie de prendre le large.
De retour à Paris, il vivote, rejoint un squat rue du château dans le 14e arrondissement et passe beaucoup de temps dans un café place du Châtelet à écouter de grosses pointures du jazz comme Chet Baker. René Lacaille vit la bohème. Il ne sait jamais très bien s’il mangera et où. Il ne sait pas non plus où il jouera. Mais il y croit.
À partir de 1979, René Lacaille rebondit, il rencontre Odile sa compagne et devient papa. Il joue avec pleins d’artistes reconnus comme Jacques Higelin, Manu Dibango, Georges Moustaki, Youri Buenaventura. Pendant 10/15 ans, il navigue aussi dans le monde du jazz aux côtés de Ray Lema et Bob Brozman. L’artiste sillonne les festivals et s’épanouit sur toutes les scènes, de l’Australie au Soudan en passant par l’Irlande.
3 La vie à Sète
En 1992, René Lacaille assiste à un concert de Danyel Waro au festival de Bourges. Il est scotché. Ce blues de La Réunion lui rappelle tant de souvenirs. Grâce à Danyel Waro, René Lacaille a une folle envie de renouer avec la musique réunionnaise. Il se met à composer, à imaginer des chansons qui ravivent ses liens avec La Réunion. Et surtout, il écrit en créole réunionnais.
Sa fille Oriane Lacaille fonde un groupe avec son compagnon qui se nomme Bonbon vaudou, son fils Marc et son neveu Yanis aussi font de la musique. La tradition chez les Lacaille se perpétue pour le plus grand bonheur du patriarche qui, dès qu’on l’appelle, répond présent pour jouer en famille.
René Lacaille continue la musique avec de nombreux musiciens. Pierre Perret, les orgues de Barbarcks, ils sont nombreux à faire appel à son talent. René Lacaille vient d’enregistrer quatre titres d’un projet intitulé Bassin dial, du nom d’un endroit qu’il aime beaucoup à La Réunion. Avec sa fille, Oriane, il rend régulièrement hommage à Bobby Lapointe dont il adore les chansons qu’il sublime avec son accordéon.
Bref, la vie est belle pour René Lacaille désormais installé à Sète. Il aimerait bien jouer un peu plus à La Réunion dans des salles plus importantes et partager localement son savoir de la musique réunionnaise. C’est son plus grand souhait, car jusqu’à présent, il se sent plutôt gâté et comblé par sa vie de musicien toujours actif.
♦♦René Lacaille en 5 dates ♦♦♦
►28 janvier 1946
Naissance à La Réunion
►1966
Départ pour l’Hexagone
►1970
Retour à La Réunion, rencontre Alain Péters
►2005
Choc du Monde de la musique
►2009
Prix Charles Cros pour l’album Cordéon Kaméléon