Au milieu de cette rentrée littéraire foisonnante avec la parution de plus de 500 livres durant le premier trimestre, quelques auteurs d’Outre-mer ont trouvé leur place. Parmi eux, Raphaël Confiant, Victorien Permal et Gerry L'Étang, ainsi que Simone Schwarz-Bart.
Il y aura peu d'écrivains originaires des Outre-mer pour la rentrée littéraire dans l'hexagone. En attendant un peu plus d'effort vers la diversité de la part des maisons d'édition, pour élargir les horizons et sortir de l'entre-soi, on retiendra néanmoins quelques romanciers célèbres comme Raphaël Confiant et Simone Schwarz-Bart, dont les derniers ouvrages seront publiés dans les semaines à venir.
"L’enlèvement du mardi-gras, enquête sur une disparition" (de Raphaël Confiant)
Dans ce nouveau roman, drôle et satirique à souhait, où les Martiniquais reconnaîtront facilement les différents protagonistes, une présidente d’université est kidnappée en plein carnaval ! Les événements se déroulent lors du défilé de Mardi-Gras, dans la capitale de l’île imaginaire de Nadiland. Le commissaire Nobertin tente de dénouer les fils d’une affaire où se mêlent détournements de fonds en bande organisée, délits de favoritisme et autres faux en écriture publique. Cela n’est pas sans rappeler des faits réels qui ont défrayé la chronique il y a quelques années. Le policier ne tardera pas à découvrir que la présidente d’université, "la reine d’Abyssinie", comme l’ont surnommée ses ravisseurs, s’était dressée contre les corrupteurs. Terre de cyclones, de séismes et d’éruptions, Nadiland serait-elle aussi celle des passe-droits, malversations et crimes rituels ? A la fois roman à clés et polar, Raphaël Confiant dévoile, avec son style truculent, l’univers glauque et violent, quoique souvent cocasse, d’une véritable mafia insulaire."L’enlèvement du mardi-gras, enquête sur une disparition", de Raphaël Confiant (éditions Ecriture). Parution le 16 janvier, 20 euros.
"Élie Stephenson" (de Lydie Ho-Fong-Choy Choucoutou et Monique Dorcy)
Initiée avec le portrait de Léon-Gontran Damas, la collection Orénoque (qui propose des portraits de figures emblématiques de la Guyane) des éditions du Manguier se poursuit avec celui d’Élie Stephenson, poète, dramaturge et romancier. Le livre est divisé en deux parties : une biographie qui le replace dans l’histoire politique de la Guyane, dans sa relation à la France et plus largement à celle du tiers-monde ; et la retranscription d’un entretien qui rend compte de son parcours, ses projets et ses attentes. Critique, parfois acerbe et désespéré mais toujours aimant, il donne à voir sa terre natale et l’homme guyanais, sans complaisance."Élie Stephenson", de Lydie Ho-Fong-Choy Choucoutou et Monique Dorcy (éditions du Manguier). Parution courant janvier, 12 euros.
"Zwazo, récit de vie d’un prêtre hindou commandeur d’habitation à la Martinique" (de Victorien Permal et Gerry L'Étang)
Cet ouvrage est le récit de vie du Martiniquais Antoine Tangamen dit Zwazo (1902-1992). D’origine indienne, sa connaissance et sa pratique de l’hindouisme en fit l’interlocuteur principal de ceux qui s’intéressaient à cette religion, des ethnologues, notamment, qui pressentaient qu’avec lui disparaîtrait tout un monde. De son vivant, dans la semaine, nombre de fidèles se pressaient devant sa porte pour le prier d’organiser leurs cérémonies. Car le dimanche, quand s’arrêtaient les tambours cérémoniels, il se disait que Zwazo dialoguait avec les dieux. Ce prêtre hindou a également vécu un siècle de condition et de créolisation indiennes, et connu les transformations de la société de plantation et d’habitation, dont il fut l’un des rouages essentiels : un commandeur, contremaître des récoltes. Avec ce témoignage, Zwazo nous plonge dans les grandes mutations du XXe siècle à la Martinique."Zwazo, récit de vie d’un prêtre hindou commandeur d’habitation à la Martinique", de Victorien Permal et Gerry L'Étang (HC éditions). Parution le 24 janvier, 144 pages, 12,50 euros.
"Nous n'avons pas vu passer les jours" (de Simone Schwarz-Bart)
Dans ce récit, Simone Schwarz-Bart raconte l’histoire d’un couple rare. Celle de deux écrivains, l’une guadeloupéenne, l’autre juif franco-polonais, dont l’œuvre croisée témoigne de la souffrance de leurs peuples. C’est également l’histoire de deux êtres éperdument soudés, qui, pendant cinquante-cinq ans, tous les soirs, se sont lu un poème d’amour de Pablo Neruda. Il y a pourtant un mystère autour des Schwarz-Bart. Pourquoi, au milieu des années 1970, se sont-ils tus et enfermés dans leur maison de Guadeloupe ? Douze ans après la disparition de son mari, Simone Schwarz-Bart lève le voile et donne sa vérité sur leur parcours hors du commun."Nous n'avons pas vu passer les jours", de Simone Schwarz-Bart (éditions Grasset). Parution le 3 avril, 250 pages, 18,50 euros.
Ecrivains étrangers
Notre coup de coeur de la rentrée pour ces deux écrivains américains"Écrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till" (de John Edgar Wideman)
Ce ne sont pas des auteurs d’Outre-mer mais afro-américains dont les oeuvres ont inspiré de nombreux écrivains et artistes antillais, entre autres. Dans "Écrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till", John Edgar Wideman raconte comment, à l’âge de quatorze ans, il découvre dans la presse américaine une photo du visage mutilé d’Emmett Till, un jeune Noir lynché dans des conditions horribles. Cette image ne cessera de le hanter. En 1955, Emmett Till prend le train à Chicago pour rendre visite à sa famille dans le Mississippi. Accusé d’avoir sifflé une femme blanche, femme qui a reconnu longtemps après avoir menti sur les faits, l’adolescent noir est kidnappé et assassiné. Ses meurtriers, blancs, seront acquittés. Et resurgit durant leur procès le fantôme du père d’Emmett, Louis Till, enrôlé dans l’armée américaine à la fin de la Seconde Guerre mondiale, jugé puis exécuté pour viol en 1945. Tel père tel fils, considèrera le jury entièrement blanc. Habité par ce fait divers qui a marqué l’Amérique, John Edgar Wideman décide d’enquêter sur les circonstances douteuses de cette exécution. Il en fait ressortir les zones d’ombre et tente de combler le silence de Louis Till. Ce livre a reçu le prix Femina étranger en 2017.
"Un autre pays" (de James Baldwin)
Le célèbre "Un autre pays" de Baldwin ressort dans une traduction révisée. Dans ce roman, le dénommé Rufus Scott n'en peut plus de vivre dans le monde implacable des Blancs, humilié, abandonné de tous, écrasé par le poids d'une cité inhumaine. Par une nuit froide de novembre, désespéré, il va se noyer dans l'eau glacée d’un fleuve. Ce drame est le point de départ d'une œuvre émouvante, violente et passionnée dont les personnages, à la recherche d'eux-mêmes et du bonheur, tentent de renverser les barrières de la ségrégation raciale et des conventions bourgeoises. Un des premiers romans de James Baldwin.
"Écrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till", de John Edgar Wideman (Gallimard Folio). Parution le 21 février, 7,40 euros.
"Un autre pays", de James Baldwin (éditions Gallimard, collection Folio). Parution le 28 février, 7,40 euros.