"La République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire": des personnalités ultramarines réagissent aux propos d'Emmanuel Macron

allocution télévisée d'Emmanuel Macron, 14 juin 2020
Au cours de son allocution du 14 juin, le Président s'est prononcé contre le déboulonnage des statues et autres symboles liés au passé colonial de la France, alors que le débat agite le pays dans le sillage des manifestations antiracistes aux Etats-Unis. Des personnalités ultramarines réagissent.
 
Ce dimanche 14 juin, au cours de son allocution, le Président est revenu sur les mouvements contre le racisme et les violences policières qui agitent le pays depuis le decès aux Etats-Unis de George Floyd. "Nous serons intraitables face au racisme (...). De nouvelles décisions fortes pour l'égalité des chances seront prises", a-t-il déclaré. 

D'un point de vue mémoriel en revanche, pas question pour Emmanuel Macron de "réecrire" le passé, alors que les monuments et statues liés à l’histoire coloniale française ou à la traite négrière se retrouvent à nouveau au centre d’un débat en France. 

Je vous le dit très clairement ce soir, mes chers compatriotes, la République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n'oubliera aucune de ses oeuvres, elle ne déboulonnera pas de statue.
Emmanuel Macron 


Réactions

Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir certaines personnalités sur les réseaux sociaux, à l'instar de Claudy Siar. "Le déboulonnage est symbolique", s'exclame l'ancien délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer, apparemement peu convaincu par la suite de la déclaration du Président annonçant que "nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre histoire, toutes nos mémoires."


Mais les réactions n'ont finalement pas été si nombreuses sur les réseaux sociaux. "Beaucoup de personnes n'attendaient pas énormément de choses", analyse l'historien François Durpaire. Il estime que cette allocution était plutôt un message à l'électorat droitier d'Emmanuel Macron : "c'est un homme politique, il pèse ses mots, il a des échéances électorales." L'historien regrette en tout cas l'aspect caricatural du discours : "on a l'impression qu'il y a d'un côté des gens violents et fous qui veulent déboulonner et de l'autre, la République. Alors que la voie empruntée par la France est une voie de discussion entre associations et municipalités au passé négrier."
Ecoutez les explications de François Durpaire interviewé par Karine Zabulon :
 

Durpaire / Macron


François Durpaire rappelle que si des municipalités décidaient de "déboulonner" des statues ou de changer des noms de rues, le chef de l'Etat n'aurait pas la main dessus : "la France n'est pas le chef de l'Etat, nous ne sommes pas une monarchie". Louis-Georges Tin, président d’honneur du conseil représentatif des associations noires de France estime également qu'Emmanuel Macron ne peut pas tout décider. Il est interviewé par Karine Zabulon :
 

Louis-Georges Tin


Au coeur de la polémique : la figure de Colbert

Avec sa déclaration, le président semble fermer la porte à certaines propositions, comme celle faite ce week-end par Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, dans une tribune au Monde, de "rebaptiser salles et bâtiments Colbert".

Le député européen LFI Younous Omarjee s'indigne : "Aux Etats Unis, en Europe, en Australie le passé est interrogé. Le monde bouillonne d’idées, d’actions et d’espoirs nouveaux dans la lutte contre le racisme et les discriminations. En France, [Emmanuel Macron] dans un accès de violence réactionnaire ferme la porte à tout." 

L'ancienne journaliste Audrey Pulvar et désormais soutien d'Anne Hidalgo, quant à elle, s'étonne : " Le raccourci entre rebaptiser une salle de l'Assemblée Nationale et "effacer (une) trace de notre histoire" est quand même assez spectaculaire..."

Idem pour le député européen réunionnais Y. Omarjee :


Contacté par Outre-mer la 1ère, Jean-Marc Ayrault n'a pas souhaité réagir, "ne voulant pas faire de commentaires sur le commentaire", nous indique la Fondation pour la mémoire de l'esclavage. L'ancien premier ministre reste toutefois ouvert à un débat sur le fond.