D'un point de vue mémoriel en revanche, pas question pour Emmanuel Macron de "réecrire" le passé, alors que les monuments et statues liés à l’histoire coloniale française ou à la traite négrière se retrouvent à nouveau au centre d’un débat en France.
Je vous le dit très clairement ce soir, mes chers compatriotes, la République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n'oubliera aucune de ses oeuvres, elle ne déboulonnera pas de statue.
Emmanuel Macron
Réactions
Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir certaines personnalités sur les réseaux sociaux, à l'instar de Claudy Siar. "Le déboulonnage est symbolique", s'exclame l'ancien délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer, apparemement peu convaincu par la suite de la déclaration du Président annonçant que "nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre histoire, toutes nos mémoires."Mais réfléchissez !Le déboulonnage est symbolique!! Cela veut dire: APPRENDRE UN AUTRE PAN DE L’HISTOIRE DE FRANCE !Un autre versant de notre histoire. Il est temps que les personnes comme vous acceptiez la pluralité ethnique et religieuse de notre pays!La somme de notre histoire https://t.co/2VuAlbt6R7
— Claudy Siar (@Claudy_Siar) June 14, 2020
Mais les réactions n'ont finalement pas été si nombreuses sur les réseaux sociaux. "Beaucoup de personnes n'attendaient pas énormément de choses", analyse l'historien François Durpaire. Il estime que cette allocution était plutôt un message à l'électorat droitier d'Emmanuel Macron : "c'est un homme politique, il pèse ses mots, il a des échéances électorales." L'historien regrette en tout cas l'aspect caricatural du discours : "on a l'impression qu'il y a d'un côté des gens violents et fous qui veulent déboulonner et de l'autre, la République. Alors que la voie empruntée par la France est une voie de discussion entre associations et municipalités au passé négrier."
Ecoutez les explications de François Durpaire interviewé par Karine Zabulon :
Durpaire / Macron
Statues d’esclavagistes : E. Macron condamne les « deboulonneurs » pour des raisons électoralistes.
— François Durpaire (@durpaire) June 15, 2020
Ce faisant, il caricature le débat et fait fi de la démocratie locale qui travaille un récit partagé, en proposant de contextualiser les traces de ce passé. #nantes #bordeaux
François Durpaire rappelle que si des municipalités décidaient de "déboulonner" des statues ou de changer des noms de rues, le chef de l'Etat n'aurait pas la main dessus : "la France n'est pas le chef de l'Etat, nous ne sommes pas une monarchie". Louis-Georges Tin, président d’honneur du conseil représentatif des associations noires de France estime également qu'Emmanuel Macron ne peut pas tout décider. Il est interviewé par Karine Zabulon :
Louis-Georges Tin
Au coeur de la polémique : la figure de Colbert
Avec sa déclaration, le président semble fermer la porte à certaines propositions, comme celle faite ce week-end par Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, dans une tribune au Monde, de "rebaptiser salles et bâtiments Colbert".
Le député européen LFI Younous Omarjee s'indigne : "Aux Etats Unis, en Europe, en Australie le passé est interrogé. Le monde bouillonne d’idées, d’actions et d’espoirs nouveaux dans la lutte contre le racisme et les discriminations. En France, [Emmanuel Macron] dans un accès de violence réactionnaire ferme la porte à tout."
Aux Etats Unis, en Europe, en Australie le passé est interrogé. Le monde bouillonne d’idées , d’actions et d’espoirs nouveaux dans la lutte contre le racisme et les discriminations. En France, @EmmanuelMacron dans un accès de violence réactionnaire ferme la porte à tout. Navrant
— younous omarjee (@younousomarjee) June 14, 2020
L'ancienne journaliste Audrey Pulvar et désormais soutien d'Anne Hidalgo, quant à elle, s'étonne : " Le raccourci entre rebaptiser une salle de l'Assemblée Nationale et "effacer (une) trace de notre histoire" est quand même assez spectaculaire..."
Le raccourci entre rebaptiser une salle de l'Assemblée Nationale et "effacer (une) trace de notre histoire" est quand même assez spectaculaire... 🤦🏿♀️ https://t.co/9YYRfhFi1n
— Audrey PULVAR (@AudreyPulvar) June 14, 2020
Idem pour le député européen réunionnais Y. Omarjee :
« La République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire" dit Emmanuel Macron 😳
— younous omarjee (@younousomarjee) June 15, 2020
La République c’est Colbert?!!!
On aura vraiment tout entendu 😂
Bonne semaine à tous! #macron20h
Contacté par Outre-mer la 1ère, Jean-Marc Ayrault n'a pas souhaité réagir, "ne voulant pas faire de commentaires sur le commentaire", nous indique la Fondation pour la mémoire de l'esclavage. L'ancien premier ministre reste toutefois ouvert à un débat sur le fond.