Risques naturels en Outre-mer : derrière l’outrage, le risque d’une commission d’enquête dévitalisée ?

Le cyclone Batsirai à La Réunion, jeudi 3 février.
La création de la commission d’enquête parlementaire sur les risques naturels dans les Outre-mer a été marquée par la polémique autour de l’expression "nègre de maison" utilisée par le député Jean-Philippe Nilor. Une querelle sémantique qui ne doit pas faire oublier que le sujet concerne au premier plan les députés ultra-marins.

Colère froide du député de la Martinique, Jean-Philippe Nilor (La France insoumise), jeudi dernier après avoir été écarté de la présidence de la commission d'enquête sur la gestion des risques majeurs en Outre-mer. Il dénonce une "malversation politique", une "mascarade" et se désole qu'"il y a toujours un nègre de maison pour faire le boulot avec les maîtres". Sa cheffe de groupe, l’insoumise Mathilde Panot parle d’un "un scandale démocratique". Le député de Mayotte Mansour Kamardine (Les Républicains), qui s’est justement senti visé, a demandé "des excuses publiques" et son président de groupe, Olivier Marleix a tweeté son "affectueux soutien à son ami".

L’expression visée renvoie évidemment à la période de la société esclavagiste. Mais son utilisation dans le débat public n’est pas tout à fait une première. Elle a déjà été reprise dans un contexte plus contemporain. C’était le 10 novembre 1963 aux États-Unis, dans un discours prononcé par le leader noir Malcom X. Dans un article publié le 7 juillet 2021, le journal Le Monde rappelait que "le terme de 'nègre de maison' renvoie à un discours de Malcolm X dans lequel il distinguait les house negroes, qui travaillaient chez leur maître, bénéficiant de maigres avantages mais suffisants pour les conduire à soutenir les structures de pouvoir en place, et les field negroes, 'nègres des champs', la majorité qui travaillaient dans les plantations".

Le député martiniquais Jean-Philippe Nilor à l'Assemblée nationale.

Ici, on pourrait parler davantage de la stratégie du coucou. Jean-Philippe Nilor a défendu et obtenu dans l’hémicycle, le mois dernier, la création d’une commission d’enquête sur la gestion des risques naturels dans les territoires d’Outre-mer. Et mercredi dernier, c’est le Mahorais Mansour Kamardine qui en a obtenu la présidence, tandis que Jean-Philippe Nilor n’en était qu’un simple membre. Il a depuis démissionné.

Un bureau composé de 9 membres

Le Martiniquais a évoqué des pressions : "Ces derniers jours, on m’a clairement fait comprendre que le choix de la Macronie dépendrait de mon vote sur la loi immigration. Si je votais pour ou si je m’abstenais, ils auraient été favorables à ma candidature", assure-t-il. 

D’ordinaire, les postes de président et de rapporteur d’une commission d’enquête sont partagés entre la majorité et l’opposition. Et s’ils ne s’entendent pas sur les conclusions, le rapport final n’est pas adopté et ne sera simplement jamais publié.

Lors de la réunion d’installation de la commission d’enquête, Jean-Philippe Nilor a obtenu neuf voix, dont les huit voix des députés Nupes. Mansour Kamardine en a réuni dix-sept.

Il sera secondé par quatre vice-présidents. Un socialiste et trois membres de la majorité présidentielle. Le premier, Bruno Milliemme (Yvelines, Modem), avait dénoncé, lors des débats, une formulation "volontairement à charge contre l’État, et uniquement contre lui" et aurait préféré aboutir à un "consensus" qui prenne en compte le travail déjà effectué par le gouvernement. 

La seconde, Sophie Panonacle, députée Renaissance de Gironde, qui se trouve être aussi "présidente du Conseil national de la mer et des littoraux et du Comité national du trait de côte", a fait savoir qu’à ce titre, elle avait demandé que les inspecteurs généraux qui l’accompagnent "complètent leur rapport par un volet dédié à l’Outre-mer"

Xavier Batut, député Horizons de Seine-Maritime, n’était pas présent, lui, durant les débats ni lors du vote. Il se retrouve 3ᵉ vice-président.

Le bureau est complété par quatre députés de la majorité présidentielle et un député RN.  

En attendant le Big One aux Antilles

La très large majorité des députés ultramarins se retrouvent parmi les membres de la commission d’enquête (six sur vingt).

Lors des débats, Jean-Philippe Nilor avait marqué les esprits en résumant l’anticipation de l’État face la survenue d’un hypothétique séisme de type Big One aux Antilles, à "la livraison et le stockage de 70 000 sacs mortuaires dans les préfectures de Guadeloupe et de Martinique".

Mansour Kamardine, plus connu pour sa lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte, s’empare, cette fois, d'un sujet qui touche à l'écologie. Entouré par trois vice-présidents issus de la majorité présidentielle, il devra faire entendre une voix singulière en dehors de l’énumération attendue des mesures déjà entreprises par le gouvernement.