"Ce qu'il s'est passé est proprement intolérable, inqualifiable. C'est de la malversation politique." Jean-Philippe Nilor est en colère. Mercredi 20 décembre, alors que la commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs en Outre-mer, qu'il a contribué à créer avec son groupe La France insoumise (LFI), se réunit pour la première fois à l'Assemblée nationale pour désigner son bureau, le député martiniquais est tout bonnement écarté des postes à responsabilité.
La présidence de la commission est revenue au député Les Républicains de Mayotte Mansour Kamardine. Trois des vice-présidences (sur quatre) ont été remportées par des élus de la majorité présidentielle. Trois macronistes et un élu du Rassemblement national ont été nommés secrétaires. Et enfin, le poste clé de rapporteur a été confié à Guillaume Vuilletet, député Renaissance du Val-d'Oise (qui était auparavant président de la commission d'enquête sur le coût de la vie en Outre-mer). Seul un poste de vice-président a été accordé à la gauche : celui occupé par Christian Baptiste (Socialistes et apparentés, Guadeloupe).
"Il y a toujours un nègre de maison pour faire le boulot avec les maîtres"
"Ce qu'il s'est passé, c'est que ceux qui étaient farouchement opposés à l'adoption de ce texte ont trusté tous les postes, s'agace Jean-Philippe Nilor au micro d'Outre-mer la 1ère. Il y a eu un arc [entre] le Rassemblement national, la droite et les macronistes." L'élection de Mansour Kamardine au poste qu'il convoitait lui laisse un goût amer.
C'est vraiment lamentable. Et ce qui est le plus triste pour moi, c'est qu'il y a toujours un nègre de maison pour faire le boulot avec les maîtres, à côté des maîtres, accompagner les maîtres, à l'encontre même de sa propre population.
Jean-Philippe Nilor, député LFI de Martinique
"C'est incompréhensible et inadmissible, dans la mesure où c'est bien lui qui a porté cette proposition de loi. La majorité a joué à un jeu malhonnête", juge le président de la délégation aux Outre-mer de l'Assemblée, Davy Rimane (Gauche démocrate et républicaine, Guyane).
Nilor est "un mauvais perdant", rétorque Kamardine
De son côté, Mansour Kamardine assure avoir remporté l'élection à la loyale et se défend de tout pacte avec Renaissance et le Rassemblement national. "Il faut accepter la règle démocratique", martèle-t-il. Au moment de désigner le président de la commission d'enquête, seuls lui et Jean-Philippe Nilor se sont manifestés. Lui a gagné. Son collègue de Martinique est simplement "un mauvais perdant", pense-t-il.
La cheffe de file des députés La France insoumise, auxquels appartient M. Nilor, dénonce un "scandale démocratique" : "Non seulement il [Jean-Philippe Nilor] ne peut être ni président, ni rapporteur de cette commission d'enquête, donc il ne peut pas mener les travaux, s'insurge Mathilde Panot. Mais quand vous regardez qui va pouvoir mener les travaux, vous avez d'abord une majorité d'Hexagonaux par rapport aux députés d'Outre-mer, mais surtout, vous avez des gens qui se sont opposés à cette demande de commission d'enquête."
Présentée fin novembre lors de la niche parlementaire du groupe LFI au Palais Bourbon, les trois-quarts des députés avaient voté en faveur de la création de cette commission, chargée d'évaluer l'action de l'État dans les territoires d'Outre-mer en ce qui concerne les risques naturels.
Mais avec un seul membre de la Nupes au sein du bureau, les élus LFI estiment que cette commission est morte-née.
Ce sont eux [les Français d'Outre-mer] qui sont le plus exposés aux risques sismiques, aux cyclones, à la montée des mers, bref, au dérèglement climatique, qui est un sujet de vie ou de mort en Outre-mer et qui le devient déjà, mais va le devenir encore plus en France hexagonale. C'était l'occasion d'apprendre de la France des océans, de faire en sorte qu'on sache ce que fait l'État face à la gestion des risques naturels majeurs.
Mathilde Panot, cheffe des députés LFI à l'Assemblée nationale
En colère, Jean-Philippe Nilor ne daignera pas participer aux travaux de la commission, même en tant que simple membre. "J'ai décidé de démissionner (...) parce que c'est une mascarade", lâche-t-il, amer.