Roland Brival : "Wagner aurait été profondément choqué de voir comment son nom est utilisé aujourd’hui" #MaParole

Roland Brival
Roland Brival signe pour la rentrée littéraire le récit des derniers jours de Richard Wagner raconté du point de vue de son serviteur martiniquais, un personnage inventé par l’auteur. L’écrivain tenait à mettre en doute l’étiquette d’antisémite et de raciste associée au compositeur allemand dont une milice russe porte le nom.

Cela fait des années que Roland Brival s’intéresse à la figure de Richard Wagner. Le compositeur allemand a le don de faire parler de lui. Des années après sa mort, la milice de feu Evegueni Prigojine porte son nom. Quand on demande à Roland Brival si Wagner se retournerait dans sa tombe s’il savait que son nom était ainsi utilisé, le romancier martiniquais répond que "la tombe exploserait" tellement il en serait horrifié.

La force du dernier roman de Roland Brival tient à son narrateur. Il s’agit de Barnabé Morel, ancien esclave en Martinique, exilé à Paris après l’abolition en 1848 qui, au moment du récit, entre au service de Richard Wagner à Venise. Au fur et à mesure du roman, une relation de plus en plus empreinte de cordialité se noue entre les deux hommes. Le compositeur allemand apparaît humain, loin de cette réputation de raciste et d’antisémite qui lui colle à la peau.

1 L'odeur des livres

Et le défenseur de Richard Wagner n'est autre que Roland Brival, martiniquais, passionné d'histoire et artiste polymorphe. Roland Brival est né en 1950 à Fort-de-France. Il grandit auprès d’une mère aimante, passionnée de reliure. "Chez moi, il y avait tout un tas de bouquins et des personnes qui venaient chercher leurs livres. Tout cela était très mystérieux et m’a donné la passion du livre". Fils unique, Roland Brival n’a jamais connu son père et n’a jamais cherché à le rencontrer.

Doué pour les études, ses professeurs l’encouragent à viser haut. Pour lui permettre d’étudier en région parisienne, sa mère décide de partir dans l’Hexagone en éclaireuse. Elle effectue des métiers durs en imprimerie ou en usine pour réaliser ce rêve. Pendant ce temps, Roland Brival demeure en Martinique auprès de son grand-père, grand amateur de pêche. L’écrivain se souvient de ce jour où son grand-père avec d’autres a mis à l’eau la barque qu’il avait construite avec soin pour aller pêcher.

2Bwa-bwa

À l’adolescence, le futur romancier rejoint sa mère à Paris. Il est inscrit au lycée Lakanal à Sceaux en tant qu'interne. Il aime étudier et admire sa mère pour tous les sacrifices qu’elle a faits pour lui. C’est pourquoi après le baccalauréat, même s’il est tenté par le théâtre, il préfère poursuivre ses études et obtenir une licence de droit public "pour lui faire plaisir". Auparavant, pendant deux ans, il part à New-York où il travaille au siège de l’ONU.

Puis, après des allers-retours entre Paris et la Martinique, il s’installe durant sept ans sur son île natale, le temps de vivre l’aventure Bwa-bwa. "Ça me désolait de voir que les petits martiniquais n’avaient pas de contes, de chansons, de spectacles en créole qui racontent leur histoire", explique-t-il. Avec Bwa-bwa, Roland Brival crée une compagnie de marionnettes. Il compose des chansons pour enfants en créole et en français. Les marionnettes très esthétiques sont fabriquées avec des calebasses et peintes avec des couleurs chatoyantes. La compagnie s’exporte en Guadeloupe, en Guyane, en Afrique et en Europe. Roland Brival se souvient en particulier d’un concert magique en Finlande qui confirme à quel point la musique est universelle. À cette époque, il compose aussi un album baptisé Ti Jean auquel de nombreuses stars antillaises dont Jacob Desvarieux, Jocelyne Béroard, Edith Lefel ou encore Ralph Thamar prêtent leurs voix.

3Romans historiques

Mais au bout d’un moment, Roland Brival rêve d’écriture et se dit qu'il est temps de passer aux actes. Ainsi, en 1978, il publie son premier récit intitulé Martinique des cendres chez Olivier Orban. Avec le recul, il trouve son premier roman trop littéraire et décide alors de se lancer dans des romans historiques qui lui semblent plus utiles à la compréhension de la Guadeloupe et de la Martinique. Dans Le sang du roucou, il parle de la découverte de Christophe Colomb par les Indiens Caraïbes qui se demandaient bien ce que venait faire cet extra-terrestre chez eux. En 1991, bien avant d’autres, il signe un roman sur le chevalier de Saint-Georges, célèbre compositeur, violoniste et escrimeur du temps de Louis XV et Louis XVI. Roland Brival n’a pas aimé le film américain Chevalier diffusé sur la plateforme Disney + et se désole dans #MaParole qu’un autre réalisateur ne se soit pas emparé de l’histoire de ce héros.

En 2016, le romancier s’est intéressé à Léon Gontran Damas. Dans Nègre de personne paru chez Gallimard, il dresse le portrait du troisième mousquetaire de la négritude avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, le moins connu du trio, pour qui il a beaucoup d’affection et d’admiration.

Son dernier roman porte sur la figure de Richard Wagner dont le nom "est devenu le symbole de l’impérialisme à la manière russe".  Il figure parmi les 466 ouvrages de la rentrée littéraire. Ce récit intitulé Les derniers jours de Richard Wagner raconte effectivement la fin de vie du célèbre compositeur allemand à Venise du point de vue de son serviteur martiniquais Barnabé Morel. Un personnage inventé par le romancier, mais qui aurait bien pu exister selon Roland Brival.

♦♦ Roland Brival en 5 dates ♦♦♦

►25 novembre 1950

Naissance à Fort-de-France

►1978

Martinique des cendres (Olivier Orban)

►1970

Participation à la biennale de Paris au musée d’art moderne

►2016

Nègre de personne (Gallimard)

►2023

Les derniers jours de Richard Wagner (Caraïbéditions)