Premier vainqueur, première gagnante, premier Ultramarin : tous sont désormais inscrits dans la légende de la Route du Rhum. L'ampleur grandissante de l'évènement n'efface rien de ces exploits du passé et chaque skipper au départ de cette 12e édition emmène dans son cœur le souvenir de ces marins légendaires.
Mike Birch, 98 secondes pour l'éternité
Cette Route du Rhum a commencé par un hommage tout particulier. Alors que le village de la course ouvrait ses portes pour le deuxième jour, la nouvelle de la mort de Mike Birch s'est répandue de ponton en ponton. Le 28 novembre 1978, le Canadien ouvrait la première page de l'histoire de cette transat en remportant la première édition, à bord de son trimaran jaune Olympus photo. Une victoire inattendue, devant le favori Michel Makinovsky, avec un écart infime de 98 secondes, après 23 jours en mer et 3 500 milles de course. À l'époque, 38 bateaux étaient inscrits au départ, mais seuls 24 sont arrivés sur les côtes guadeloupéennes.
Le mystère Alain Colas
Dans les mémoires de cette première édition, l'exploit sportif est vite rattrapé par le triste souvenir de la disparition d'Alain Colas. Le 16 novembre 1978, Manureva ne répond plus. Le bateau du marin, baptisé en hommage à Tahiti d'où est originaire son épouse Teura, disparaît sans laisser de trace, après qu'Alain Colas a indiqué à ses équipes se trouver au milieu d'un typhon au large des Açores.
Je suis dans l'œil du cyclone. Il n'y a plus de ciel, tout est amalgame d'éléments, il y a des montagnes d'eau autour de moi.
Alain Colas, le 16 novembre 1978
Ni lui, ni Manureva, immortalisés par la chanson d'Alain Chamfort, ne seront retrouvés. Le mystère Alain Colas demeure toujours aujourd'hui et le souvenir de celui qui signa l'exploit retentissant de faire le premier tour du monde en solitaire en multicoque est toujours présent sur la Route du Rhum. En 1986, lors de la 3e édition, Loïc Caradec disparaît lui aussi après que son bateau s'est retourné dans une tempête. Juste avant le départ, il avait expliqué ne plus avoir "le feu sacré" pour la course au large. "J'en ai assez de prendre des claques dans la gueule au milieu de l'océan."
Claude Bistoquet ouvre la voie aux Ultramarins
Des années plus tard, lors de la 4e édition, un premier Antillais se glisse parmi les 31 marins au départ de Saint-Malo. Le Guadeloupéen Claude Bistoquet (Reynoird-Guadeloupe) veut suivre Mike Birch, dont le duel contre Michel Makinovsky à l'arrivée sur son archipel l'a définitivement piqué de l'amour de la voile. Il met le cap sur son archipel, où les habitants sont encore peu passionnés par la voile. Mais petit à petit, son aventure fascine et il est accueilli en héros en Guadeloupe. Malheureusement, "Bistoque" se fracasse sur une caye à hauteur de Bananier, à quelques miles de l'arrivée. Une seconde d'inattention sonne la fin du rêve. "L'ironie du sort a voulu que ce soit chez moi", lâche-t-il une fois à terre. 32 ans plus tard, le bas-fond qui mit fin à sa course porte toujours le surnom de "caye à Bistoque". Pas de quoi l'empêcher de reprendre le départ quatre ans plus tard et d'être, depuis, de toutes les courses auprès de ses successeurs.
Florence Arthaud, la victoire au féminin
La mésaventure de Bistoque est éclipsée dans les mémoires par l'exploit de Florence Arthaud. À 33 ans, la navigatrice devient sur cette même édition la première femme à remporter la mythique transat. Minerve au cou, contre les avis médical, elle s'élance à l'assaut de l'Atlantique. Le quatrième jour, elle prend la tête de la course et livre bataille avec Philippe Poupon et Mike Birch. Privée de radio, de météo, de routeur et même de pilote automatique, Florence Arthaud navigue à l'ancienne, destination Guadeloupe. Pas question d'abandonner, même lorsqu'elle se retrouve de nouveau en difficulté physique, victime d'une hémorragie. Florence Arthaud navigue au ralenti, 20h sur 24h... mais reste en tête. Son trimaran doré franchit la ligne d'arrivée le 18 novembre 1990, après 14 jours, 10 heures et 10 minutes de traversée. "J'en avais dans les tripes", prend-elle l'habitude de raconter. Disparue brutalement en 2015, sa mémoire est aujourd'hui perpétuée par son ancien rival, Philippe Poupon. Le 6 novembre prochain, il prendra le départ à bord du bateau avec lequel Florence Arthaud devint pour toujours la reine de la Route du Rhum.
Laurent Bourgnon, double vainqueur
Dans les années 1990, la course au large adopte le GPS et de nouvelles technologies, aujourd'hui indispensables. Mais les machines ne font pas tout et il faut encore une bonne dose de génie pour affronter l'océan. Laurent Bourgnon n'en manque pas. Ce surdoué de la mer, capable de passer d'un trimaran dernier cri à un vieux navire, multiplie - et réussit - les paris fous depuis plusieurs années. Alors en 1994, la victoire du "petit prince de la course au large" en 14 jours, 6 heures et 28 minutes, n'est que la suite logique d'un parcours brillant. Quatre ans plus tard, en 1998, Laurent Bourgnon remet son titre en jeu. Pari réussi, encore, au bout de 12 jours, 8 heures, et 41 minutes de course contre des multicoques toujours plus désireux de victoire. Disparu lors d'un accident de plongée en Polynésie en 2015, où il s'était installé, Laurent Bourgnon est à ce jour le seul skipper à avoir remporté par deux fois la légendaire Route du Rhum.
Francis Joyon, l'homme à battre
Aujourd'hui, les regards se portent sur Francis Joyon qui tentera sur cette 12e édition d'égaler Laurent Bourgnon. Détenteur actuel du record de la Route du rhum, dernier vainqueur en date, il aura deux objectifs pour sa huitième participation : faire la traversée en moins de 7 jours, 14 heures et 21 minutes... et tenter de devenir le second navigateur à avoir à son palmarès deux premières places à la Route du Rhum.