Le buteur aux pieds d’or, l’arme fatale, les surnoms fleurissent dans les revues spécialisées. Florent Massip reste tranquille. A bientôt 27 ans, le Réunionnais est devenu le meilleur réalisateur de Pro D2 avec 199 points. Il nous raconte son parcours du XV Dionysien à Aix-en-Provence.
Outre-mer la 1ère : Florent le début de votre aventure en ballon ovale aurait pu tourner au ballon rond ? Comment êtes-vous venu au rugby ?
Florent Massip : Je suis de Sainte-Clotilde mais j’ai démarré le rugby à Saint-Denis. En 2009 j’avais 15 ans quand Kevin Vandomel un copain de l’école me propose de venir finir la saison au XV Dyonisien où j’avais commencé le rugby tout petit. Dans un tournoi je marque 8 essais (je n’ai plus jamais refais ça depuis, rires) et au final j’intègre la pré-sélection minimes pour une tournée en Afrique du sud. C’est incroyable je suis sélectionné alors que ça ne faisait que quelques mois que j’avais repris le rugby.
A la fin de l’été j’intègre le pôle espoirs rugby de Saint-Denis en 2009 et c’est ce qui m’a fait basculer du foot vers le rugby. Car j’étais arrivé au bout du foot et n'avais pas été sélectionné en pôle espoir alors que j’avais gagné la Danone Cup avec la sélection de La Réunion. Martien Adolphe et Bernard Chareyre l’ancien conseiller technique de La Réunion me lancent dans le grand bain. Au pôle c’est entraînement tous les soirs après l’école et internat. A la fin de cette année 2010, on a un tournoi interrégional en Avignon, et là je me fais repérer par le club de Dax.
Outre-mer la 1ère : Ensuite vous quittez La Réunion pour Dax, tout n’a pas été simple pour vous ?
Florent Massip : Je suis venu avec un autre joueur de l’Etang Salé, Hugo Ledez qui lui est rentré au bout de deux mois car il n’a pas supporté l’éloignement. Mes parents m’ont laissé partir car j’avais mes grands-parents à Gujan Mestras, du coup je rentrais chez eux le week-end pendant ma première année et ça me faisait une pause familiale. Et j’ai rencontré Mathilde ma compagne, elle m’aidé à tenir le coup.
C’était compliqué au début, j’avais les tongs au pied, je n’avais pas de veste chaude, ni de blouson d’hiver. La Réunion me manquait. Et il y avait de la jalousie de certains joueurs qui ne comprenaient pas le choix de leurs dirigeants d’être venu me chercher.
J’ai pris un billet aller, sans savoir où cela me mènerait. Dax évoluait alors en pro D2. J’y passe quatre années, deux ans en cadets, deux ans en juniors, reichels et espoirs, je fais mes études là-bas, première terminale et deux ans de BTS. Même si je n’ai pas de vrais bons souvenirs, je suis reconnaissant aux dirigeants de Dax d'être venus me chercher, car c’est là que tout a commencé.
Outre-mer la 1ère : Et vous passez à l’ennemi car vous signez à Mont-de-Marsan ? (ndlr il y a toujours eu une vraie rivalité entre les deux clubs landais, même si ceci devient un peu de l’histoire ancienne)
Florent Massip : J’ai été recruté en espoirs à Mont-de-Marsan mais tout de suite je rentre dans le groupe professionnel lors des entraînements. Et là pendant les fêtes de Dax, je vais jouer un match amical contre Dax au stade Maurice Boyau, un clin d’œil du destin. Tous les week-ends j’allais voir jouer Dax en pro D2, je regardais les matchs comme un gosse et quelques mois après je joue contre eux, ça c’est un bon souvenir.
A Mont-de-Marsan même si j’étais espoir et que je m’entraînais avec le groupe pro, il me restait encore une saison avant d’éventuellement signer un contrat pro. Mon envie était d’intégrer le centre de formation et ils me disent que ce n’est pas possible, que je garderai le même statut sans garantie de jouer des matchs en pro. Alors j’ai un eu appel d’Oloron-Sainte-Marie, le choix a été facile, j’ai préféré tenter le niveau Fédérale 1 à 21 ans, prendre de l’assurance, jouer des matchs, acquérir de la maturité et j’ai fait deux saisons avec Oloron.
Outre-mer la 1ère : C’est là que vous vient cette révélation de devenir un buteur ?
Florent Massip : A Mont-de-Marsan, Antoine Vignau-Tuquet m’avait pris sous son aile et je faisais déjà des heures sup après l’entraînement. A Oloron, Nicolas Picabéa le buteur titulaire depuis 10 ans se blesse en début de saison, et je le remplace. Nicolas vient souvent me voir et on discute ensemble souvent. Il est d’accord pour m'épauler et partager le rôle de buteur. Avec cette confiance que ce club m’a donnée j’ai progressé. Un jour je reçois un coup de fil de Marc Delpoux, je n’y croyais pas, incroyable. Je pars à Aix-en-Provence et je m’engage avec Provence Rugby en 2017, devenant le premier rugbyman natif de La Réunion à signer un contrat professionnel. Je suis resté dans le sud mais de l’autre côté.
Outre-mer la 1ère : Avez-vous, comme beaucoup de buteurs, des manies, des tics, ou une routine qui fait que vous êtes à un taux de réussite exceptionnel ?
Florent Massip : J’ai plutôt une routine à laquelle je me tiens, mais pas de tics à la Owen Farrell le buteur de l’équipe d’Angleterre, ni de Jonny Wilkinson. C’est simple, quatre pas en arrière et deux sur le côté, les mains posées sur les cuisses. Je fixe une cible derrière les poteaux, un spectateur, un panneau publicitaire et je m’élance pour taper.
Outre-mer la 1ère : Et ça fonctionne ?
Florent Massip : Voyez vous-même, je suis à 199 points mais tous ces chiffres, ces statistiques, j’essaie un peu d’en faire abstraction. Contre Aurillac je réussis une pénalité à la 78è minute, celle de la gagne, ça c’est le plus important pour moi, peu importe mes statistiques personnelles. Et puis ça m’est déjà arrivé de rater une pénalité devant les poteaux. Je ne suis pas un buteur longue distance, plutôt dans la zone des 40 mètres. Mais j’aime bien relancer aussi et marquer des essais. Je ne suis pas que buteur. Il y a deux saisons j’avais terminé meilleur réalisateur de pro D2 avec 327 points, j’espère bien battre ce record, ça pourrait être un challenge que je me fixe cette saison.
C’est vrai qu’on m’identifie avec ce rôle de buteur, je le sais mais je n’y pense pas trop. Je suis sur le terrain pour faire le job et ne pas être obsédé par ce classement de meilleur réalisateur de Pro D2
Outre-mer la 1ère : Vous êtes en fin de contrat avec Aix, forcément les sirènes du top 14 vont commencer à vous courtiser, vous qui êtes un buteur de votre qualité ?
Florent Massip : Secrètement on rêve tous de top 14, ce serait un rêve de gosse pour moi et pour le rugby réunionnais. On n’est pas si nombreux. Il y a Tom Darlet qui joue à Bayonne et issu comme moi du XV Dyonisien, et Wenceslas Lauret au Racing 92. Pour l’instant je me sens bien à Aix-en-Provence. J’aimerais tenter l’aventure au-dessus c’est vrai, mais on verra. Partir pour partir ça ne m’intéresse pas, si l’opportunité se présente pourquoi pas car je me suis fixé l’objectif d’aller jouer plus haut un jour. Quelques clubs de pro D2 se sont manifestés mais je vais sans doute prolonger ici, je prendrai cette décision la semaine prochaine.
Outre-mer la 1ère : un rêve en bleu ?
Florent Massip : Je ne sais pas, déjà aller jouer en top 14 et on verra après si je peux rêver en bleu et succéder à Wen (NDLR : Wenceslas Lauret). On s’est croisé il y a trois ans quand il est venu s’entrainer à Aix avec l’équipe de France et on avait échangé un peu.
Représenter mon île c’est important car j’y pense à chaque fois, j'ai envie de montrer l’exemple aux jeunes réunionnais qui veulent tenter l’aventure.
Outre-mer la 1ère : Revenons à l’actualité de ce début d’année 2021, vous venez de perdre samedi contre Perpignan 34/41 la marche était trop haute ?
Florent Massip : Ce premier match de l’année c'était du haut niveau contre les leaders, les favoris pour la montée en Top 14, ç'était aussi notre premier gros match à domicile de l'année qu'on a malheureusement perdu même si on s'était bien préparé. On est frustrés de n'avoir pas été récompensés par un point de bonus défensif, on a su pourtant élever notre niveau mais on a payé cash certaines erreurs car il faut être à 200 % pour gagner ce genre de match (NDLR Florent Massip a inscrit douze points lors de ce match, trois transformations et deux pénalités). En plus ils avaient le renfort de Jéronimo de la Fuente, le capitaine des Pumas (vainqueur face aux All Blacks dans le tri nations). En Pro D2 on joue face de joueurs de haut niveau, et dans ce cas on continue a apprendre. On doit se ressaisir à Nevers vendredi prochain.
Outre-mer la 1ère : Quel est votre vœu pour 2021 ?
Florent Massip : La santé pour tous, qu’on retrouve une vie normale et que ce virus reste derrière nous. Que ce soit ici ou à La Réunion, même si là-bas ils sont un peu moins confinés. Et surtout qu’on puisse sortir, se promener en famille, retrouver nos fans les jours de matchs. Et nous Réunionnais pouvoir revenir chez nous et rentrer sans problème. Toute ma famille va bien et c’est là l’essentiel.
Outre-mer la 1ère : Justement pendant ces fêtes vous n’avez pas trop forcé sur la cuisine réunionnaise ?
Florent Massip : Un peu mais c’est juste un petit écart qui fait du bien. Maman m’a envoyé un « coli péi » et on s’est régalé avec des bouchons poulet et porc, et des samossas de différentes saveurs fromage, jambon, poulet. Il y avait aussi avec des letchis et des ananas. C’est top pour bien démarrer l’année.