Beaucoup de questions à Mayotte
Depuis presque un an, Mayotte connaît de fortes secousses sismiques qui effraient la population. "Cette crise sismo-volcanique est probablement liée à une injection magmatique depuis un réservoir profond vers la surface, explique Jérome Vergne, sismologue. Cette crise a débuté par des séismes allant jusqu'à une magnitude de 5,8. Au début, la crise présentait les caractéristiques d'essaim sismique. Puis nous avons trouvé des signaux de trémor, lié probablement à une injection de magma"."L'île de Mayotte basculait vers l'Est de plusieurs centimètres par mois, affirme Pascal Bernard, sismologue. Les failles et le jeu sismique ne suffisaient pas à expliquer ce mouvement considérable de l'île, il fallait quelque chose de plus puissant, et c'était l'effet d'une réserve magmatique. Y-a-t-il un réservoir profond qui se vide ? On ne sait pas encore, mais actuellement plus de 2 km² de magma s'est échappé des profondeurs, sans qu'il ne soit localisé". Selon les chercheurs, de nombreuses questions sont encore sans réponse.
Installation de sismomètres en fond de mer, d'une nouvelle station géophysique aux îles Glorieuses, de stations sismologiques à Mayotte : depuis février, des missions à terre et en mer tentent de faire la lumière sur ce phénomène. Dans les semaines qui viennent, une campagne océanographique va aussi avoir lieu pour observer les fonds marins, détecter et quantifier d'éventuels dégazages liés à un volcan sous-marin.
Jusqu'à présent, les scientifiques n'avaient pas d'instruments de mesures dans la région et notamment en mer. "Aujourd'hui, le phénomène est mieux cerné, mais quelle évolution il aura, c'est plus difficile à dire, remarque Jérome Vergne, sismologue. Des crises sismo-volcaniques du genre peuvent durer plusieurs années".
Regardez ci-dessous la conférence de presse des chercheurs du CNRS :
Mieux gérer les crises telluriques
Dans leur livre blanc, les scientifiques du CNRS font plusieurs recommandations. Lors de crises telluriques, séismes ou éruptions volcaniques, ils recommandent notamment de "fluidifier les liens entre les différents acteurs". "Nous pouvons avoir jusqu'à treize partenaires institutionnels qui viennent de différents types d'établissements publics et huit ministères de rattachement. C'est un problème. Si l'on veut aller vite sur une crise tellurique, nous sommes obligés d'avoir une organisation un peu pyramidale, et parfois l'organisation laisse à désirer. C'est un point sur lequel il faut absolument avancer et s'organiser d'une façon beaucoup plus rigoureuse", explique Éric Humler, directeur adjoint scientifique à l’Institut national des sciences de l’univers du CNRS.Des "urgentistes" des risques telluriques
Comme cela existe dans les hôpitaux, des médecins spécialistes et un service d’urgence 24h/24, 7 jours sur 7, les chercheurs préconisent aussi la mise en place d'urgentistes des risques telluriques "dédiés uniquement à la surveillance." Éric Humler, directeur adjoint scientifique à l’Institut national des sciences de l’univers du CNRS, explique :Sur nos trois observatoires de volcanologie, deux aux Antilles et un à La Réunion, lorsque l'on constate une activité un peu anormale d'un volcan, nous devons le suivre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Mais sur le papier, les chercheurs de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'ont pas la possibilité d'effectuer ce genre de travail. Il faudrait donc des "urgentistes des risques telluriques" en astreinte, 24 heures sur 24.
Risques #telluriques en France, notamment en #outremer, les scientifiques font le point à l'occasion de la sortie de l'ouvrage "Quand la terre tremble" @CNRS éditions. pic.twitter.com/DgUWBz6JMN
— IGN presse (@IGNpresse) 23 avril 2019