Sept chercheuses en Outre-mer reçoivent un prix de la Fondation l'Oréal

Cinq des sept lauréates du prix de la Fondation l'Oréal-UNESCO. De gauche à droite : Opale Coutant, Christine Barul, Chloé Pozac-Schacre, Alice Malivert et Carolane Giraud.
En partenariat avec l'UNESCO, la Fondation L'Oréal a décerné son prix Jeunes Talents 2022 à 35 candidates, toutes chercheuses dans le domaine scientifique. Sept de ces jeunes femmes ont établi leurs recherches en Outre-mer.

Elles sont sept à avoir retenu l'attention du jury de la Fondation L'Oréal, pour leurs travaux de recherches réalisés en Outre-mer. Chaque année, le prix Jeunes Talents France veut accompagner des femmes scientifiques dans leurs univers de recherche et leur donner de la visibilité.

En France, 70 % des chercheurs sont des hommes. Ce prix est donc aussi un coup de pouce aux jeunes chercheuses pour les aider à poursuivre dans leur domaine d'étude.

Parmi les 35 doctorantes et post-doctorantes récompensées, sept d'entre elles ont travaillé en Outre-mer. 

Christine Barul : "Ce prix est comme un étendard"

Depuis Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, Christine Barul étudie l'épidémiologie. La scientifique, désormais post-doctorante, cherche à comprendre comment  "travailler de nuit peut avoir un impact sur le développement d'un cancer".

La Guadeloupéenne de 33 ans étudie cette question en particulier sur les agriculteurs, ou encore sur les personnes travaillant dans les espaces verts : "On va regarder sur des personnes qui ont travaillé pendant des décennies dans les bananeraies si l’exposition aux pesticides -pas seulement au chlordécone, mais un mélange- peut provoquer l'apparition d'un cancer, plus tard".

Christine Barul

La jeune femme se dit "très heureuse" et "fière" d'avoir décroché ce prix prestigieux, qui lui offre une reconnaissance. 

Ce prix est comme un étendard. On a un rôle modèle. J’espère pouvoir passer ce message en Outre-mer car l’absence de jeunes filles qui s’engagent en science est très marquée.

Christine Barul

Pour la suite, Christine Barul, originaire du Moule, souhaite publier ses recherches dans des revues scientifiques. La post-doctorante bénéficie d'une subvention de 20.000 € accordée par la Fondation L'Oréal.

Opale Coutant : "Je me place dans un champ d’écologie scientifique et non politique"

D'origine guyanaise, Opale Coutant a décidé d'axer ses recherches sur l'écosystème amazonien, en Guyane. La doctorante travaille à la fois dans un laboratoire à Toulouse et dans la forêt amazonienne.

"Mon but est de documenter de manière factuelle le changement de biodiversité qui est en lien avec les activités humaines. J'ai remarqué que malgré la faible déforestation en Guyane (1%), on observe déjà des impacts drastiques, notamment sur les poissons et les mammifères autours de l’eau", synthétise la chercheuse.

Opale Coutant

À 27 ans, Opale Coutant considère le prix de la Fondation L'Oréal comme une "belle gratification d'un projet qui a commencé bien avant sa thèse".

J’ai toujours eu une proximité avec la forêt guyanaise, même pendant mon enfance. J'y ai une attache particulière.

Opale Coutant

Avec l'argent de la Fondation L'Oréal (15.000 € pour les doctorantes), la jeune chercheuse compte finaliser ses travaux. "On envisage une autre campagne d'échantillonnage. Je tiens aussi à faire de la médiation scientifique pour les jeunes en Guyane et dans l'Hexagone."

Alice Malivert : "Ce prix m’apporte de la sécurité"

Native de Saint-Pierre, sur l'île de La Réunion, Alice Malivert a pour spécialité la biologie végétale. La jeune chercheuse s'intéresse aux plantes et comment elles s'adaptent face au dérèglement climatique : "Les plantes sont gonflées par de l’eau, comme des bulles de savon. Cela crée une tension en permanence pour elles, mais elles s'y adaptent. Je cherche à savoir comment elles sentent cette tension et comment elles l’utilisent pour s'adapter à leur environnement, qui ne fait que changer à cause du réchauffement climatique", explique la chercheuse réunionnaise.

Alice Malivert

Pour Alice Malivert, ce prix est avant tout une "sécurité" et un gage de sérieux : "Parfois, on ne me prend pas au sérieux comme je fais jeune. Mais quand je commence à parler science, en général les gens changent leur regard et c’est très satisfaisant à voir", sourit la doctorante de 26 ans.

Actuellement à l'École Normale Supérieure de Lyon, Alice Malivert envisage de partir à Londres une fois son doctorat en poche. À long terme, elle aimerait revenir sur son île natale, pour apporter ses connaissances.

Chloé Pozac-Schacre : "J'ai toujours voulu préserver les écosystèmes naturels"

Née à Colmar en Alsace, Chloé Pozac-Schacre a atterri en Polynésie pour réaliser sa thèse. Cette doctorante en quatrième année concentre ses recherches sur l'écologie des récifs coralliens : "J'ai toujours voulu préserver les écosystèmes naturels. À Moorea, j'observais l'interaction entre les macro-algues et les coraux. Le problème est que les macro-algues deviennent actrices de la dégradation des coraux, une fois installées sur les récifs. Elles limitent le retour des coraux et donc j’essaie de comprendre comment elles opèrent", précise la scientifique de 29 ans.

Chloé Pozac-Schacre

Pour Chloé Pozac-Schacre, ce prix la conforte dans son choix professionnel. "La thèse n’est que le début avant d’avoir un contrat fixe !", rappelle-t-elle. "Avoir de la visibilité lorsque que l'on n'est pas encore reconnue par ses pairs est gratifiant." La doctorante doit présenter sa thèse en septembre 2023. Après, elle aimerait partir aux États-Unis, puis revenir pour postuler au CNRS.

Carolane Giraud : "Les crevettes sont un gros enjeu socio-économique en Nouvelle-Calédonie."

Pour faire ses recherches, Carolane Giraud a choisi la Nouvelle-Calédonie. Depuis Nouméa, la Toulonnaise travaille sur les "bébés crevettes" : "Les crevettes sont un gros enjeu socio-économique en Nouvelle-Calédonie. Actuellement, la diminution de la production se fait sentir due à la mortalité dans les élevages larvaires. Mon rôle est de voir si des micro-organismes associés à ses larves ont un impact sur leur survie."

Carolane Giraud

Surprise à l'annonce du prix, la lauréate de 27 ans n'oublie pas son équipe "100% féminine" à ses côtés. "C'est une plus-value par rapport à mon travail. On va pouvoir faire des formations, des conférences et publier dans une revue scientifique, ce qui est une vraie valeur ajoutée !"

Deux lauréates supplémentaires ont également été récompensées : Élodie Calvez, post-doctorante à l'Institut Pasteur de Guadeloupe, étudie les mécanismes de transmission de virus par les moustiques. Originaire du Finistère, elle vit désormais aux Abymes.

Enfin, Mathilde His, post-doctorante au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC/OMS) à Lyon, cherche à relier les modes de vie à la prévention du cancer du sein. La chercheuse a grandi à Saint-Gilles-les-Bains, à La Réunion.

Toutes recevront le prix lors d'une cérémonie organisée par la Fondation l'Oréal, ce 12 octobre.