Un livre sur les chansons grivoises aux Antilles-Guyane; un autre sur les violences policières; et le clip de l'artiste Méryl : voici l'actualité de la semaine (19/02/21)
Livres
Quatre siècles de chansons grivoises et paillardes aux Antilles-Guyane d’Esther Eloidin (Caraïbéditions). C’est principalement à l’occasion de la période du carnaval que les chansons paillardes fleurissent dans les défilés et se donnent à entendre. Mais au-delà de l’humour, les paroles évoquent le plus souvent des tabous, des situations dont on n’ose pas parler le reste de l’année. Pour l’auteure de "Quatre siècles de chansons grivoises et paillardes aux Antilles-Guyane", l’ethnomusicologue Esther Eloidin, "ces chansons mettent en lumière l’évolution des mentalités dans nos sociétés antillo-guyanaises. Elles disent des vérités choquantes que l’on ne peut entendre qu’en période de carnaval." D'ailleurs, le reste du temps, les artistes au répertoire grivois ont bien du mal à se faire entendre; Francky Vincent étant l’exception. Ce travail (inédit) de décryptage de chansons paillardes apporte une pierre supplémentaire à la connaissance de l’homme antillo-guyanais.
Lire l'article de notre confrère Philippe Triay :
Violences policières, généalogie d’une violence d’Etat de Michel Kokoreff (éditions textuel). La longue mobilisation des gilets jaunes entre 2018 et 2019 a mis en lumière sur la place publique un concept bien connu dans certaines banlieues, celui de violences policières. Au fil des différentes manifestations, les médias et citoyens ont filmé ces brutalités commises par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions, qui tiennent plus d’une politique que de dérives individuelles. Dans un roman, le journaliste David Dufresne en a répertorié 860. Et même si Emmanuel Macron refuse de reprendre à son compte l’expression "violences policières", il reconnaissait le 14 janvier 2020, "des comportements qui ne sont pas acceptables." Car les faits sont têtus. Dans son ouvrage "violences policières, généalogie d’une violence d'Etat" Michel Kokoreff remonte le fil de cette tradition qui s’inscrit dans l’héritage colonial. Si la guerre d’Algérie constitue le premier théâtre ou s’exerce ces violences policières, la Guadeloupe en subira aussi les effets, en mars et surtout mai 1967. Suite à une manifestation des ouvriers du bâtiment réclamant 2% d’augmentation de salaire, "la situation s’envenime. Les forces de l’ordre ouvrent le feu dans l’après-midi, abattant deux jeunes Guadeloupéens Jacques Nestor et Ary Pincemaille." En réaction à ces "bavures", les affrontements se multiplient. Résultat : "La gendarmerie mobile et les CRS, appuyés par l’armée, ouvrent un feu nourri contre la foule qui fait plusieurs morts (ndlr en 2016, une commission fait état de 8 morts officiels alors que d’autres parlent de plus de 80 décès). Dans la soirée l’ordre est donné de nettoyer la ville à la mitrailleuse. Les passants sont mitraillés depuis les jeeps qui sillonnent la ville. (P.47)". Un peu plus haut, Michel Kokoreff décrypte la rupture de philosophie à l’œuvre, déjà à cette époque, au sein des forces de police. "Il ne s’agit plus de disperser mais de porter des coups avec la volonté manifeste-sinon de tuer-du moins de blesser gravement." Des violences policières structurelles que l’auteur relie aux inégalités sociales et raciales.
Musique
Clip.
BB Compte.La chanteuse Méryl a choisi de collaborer avec le groupe de carnaval guadeloupéen Akiyo pour cette chanson. L’artiste s’en explique :
"Avec mon producteur, j’avais envie de faire un son avec quelqu’un qui apporte quelque chose à notre culture. J’ai d’abord pensé à Jocelyne Béroard. J’étais en Guadeloupe à ce moment-là, j‘ai entendu du drill (un dérivé du rap en provenance de Grande-Bretagne). Dans mes oreilles, drill, gwo-ka et bélè, ca collait parfaitement : cela donnait un son conscient et intelligent. Et Akiyo correspondait à cet état d’esprit. Ils sont là pour le peuple."
…"Le son parle des charges que nous supportons en tant que citoyens toute notre vie : acheter une maison, une voiture. Il y a un abus de l’état sur nos gains. Comme si il fallait payer pour être en vie…Le capitalisme fait beaucoup de victimes. J’en fais partie comme bon nombre des populations martiniquaise, guyanaise et guadeloupéenne. Mes parents étaient au chômage, une bonne partie de ma vie. C’est le quotidien de beaucoup d’enfants en Martinique. Il y a beaucoup de gens modestes."
…"Quand on est en studio (avec Akiyo, ndlr), tu sens que tu as une histoire. C’est un groupe à peau. Il y a un côté mystique. T’as des frissons. Et ils revendiquent leur africanité. C’est un lien avec ce que tu es. Même quand tu n’es pas conscient de tout ça, tu le ressens."
Concert numérique.
Christine Salem dans le festival numérique au fil des voix ; le 21 février à 19h sur www.youtube.com/festivalaufildesvoix ou @le 360 Paris Music Factory. La chanteuse réunionnaise présentera son dernier album Mersi.