Le Calédonien Titouan Puyo est un météore dans le monde du Stand-Up Paddle (SUP). En cinq ans, il a gagné deux titres mondiaux et a su imposer une nouvelle image plus professionnelle de son sport. Depuis le déconfinement, en Nouvelle-Calédonie, il a repris la mer, son élément naturel.
Petit retour en arrière : mercredi 27 novembre 2019 à El Sunzal au Salvador a lieu la finale de la technical race en SUP des ISA Games (International Surfing Association), Dark Horse va encore frapper. Titouan Puyo, c’est de lui dont il s’agit, va prouver qu’il a de la ressource et qu’il est un compétiteur hors normes. Ce surnom lui vient des Australiens qui l’ont vu débarquer cinq ans plus tôt sur la planète du SUP, tel un cheval fou venant de nulle part. Depuis lors, Titouan préfère qu’on l’appelle Ti2 (prononcez Ti Two en anglais).
Titouan est né à Rapa il y a 29 ans, une île isolée de la Polynésie à 1240 km au sud-est de Tahiti. Il arrive à Nouméa à l’âge de six ans, et au collège va découvrir le Va’a, cette discipline très polynésienne. Son grand frère en faisait, il va faire comme lui. Aujourd’hui, il le pratique toujours en loisir mais en compétition également, le Stand-Up au début n’étant qu’un complément au Va’a avant de devenir son sport principal. "À Tahiti en Va’a il n’y a pas de pro à moins d'être dans les meilleurs et ce n’était pas mon cas. "
J'aurais peut-être pu percer dans le Va’a en m'installant en Polynésie mais c'était plutôt un rêve de jeune rameur.
-Titouan Puyo
Après ses études, sur les conseils de son coach qui l’encourage à faire du paddle, il se met debout et marche sur l’eau avec une planche… sans pour autant se considérer comme le nouveau prophète de ce sport mais la transition du Va’a vers le SUP s’est plutôt très bien passée. Ainsi, à 23 ans, Titouan devient champion du monde ISA de Stand-Up Paddle dans l’épreuve de longue distance sur 18 km. Ce titre arrive seulement un an et demi après avoir pagayé pour la première fois sur un paddle et six mois après son premier titre de champion de France. Le garçon est plutôt doué et il va gagner son surnom de Dark Horse. "Je ne pensais pas faire ça un jour. En vérité je suis hyper content d’avoir réussi en SUP : je voyage, j'ai des sponsors, j'adore ce que je fais. Le premier titre m’avait permis de me lancer, celui de 2019 c’est un aboutissement du travail effectué", commente sobrement le Calédonien.
Depuis le 20 avril à Nouméa la vie a donc repris son cours. Sports nautiques et sports extérieurs, tout est reparti comme avant. Sauf pour Titouan qui se contentera d’une photo prise de la base de voile de la Côte Blanche avec ses potes windsurfers, les frères Goyard. Titouan a le dos bloqué. Trop de siestes ? Non, trop de footing sur le bitume à partir du moment où il est rentré à la Marina. Heureusement il n’y a pas de compétition en vue. Après trois jours de pause, le dos va mieux. Idéal pour une reprise progressive des activités sportives et surtout du Stand-Up Paddle, sa raison de vivre : "Après un mois sans sport, à la reprise, tu ressens le besoin de pratiquer encore plus intensément. Tu te sens mieux, plus épanoui, tu retrouves ta petite dose de drogue sportive." Titouan était en manque.
C’est excellent de reprendre des habitudes sportives et pour le lien social c’est important aussi, car je croise plein de gars sur l’eau.
-Titouan Puyo
Dans tous les sports nautiques, le foil est l’accessoire à la mode qui permet de donner de nouvelles sensations aux pratiquants et une image plus spectaculaire pour le public. Titouan, comme d’autres Calédoniens en a fait son nouveau jeu sur son paddle : "Les sensations sont top, tu voles au-dessus de l'eau, c'est interminable si les conditions sont bonnes. C’est un tout autre sport mais je pense que ce n’est pas comparable au SUP classique, plus accessible et plus facile à organiser."
Les frères Goyard s’éclatent mais s'entraînent aussi en Wind Foil dans le lagon, entre Sainte-Marie ou l’Anse Vata, en attendant les Jeux Olympiques 2024. Titouan se contente de s’amuser à voler avec son paddle. Après être assis sur l’eau en Va’a, puis debout sur sa planche, cette fois il décolle. En voici le mode d’emploi : "D’abord on prend de la vitesse grâce à des petites vagues et on pagaie vite pour sortir de l’eau. On se lève en faisant des ondulations avec les jambes en appui avant et arrière, le foil prend appui sur l’onde et c’est ce qui permet de décoller et de rester en l’air. Ensuite on peut faire une descente en vent arrière trente minutes sur la planche". (Ndlr : voir vidéo explicative en fin d’article.)
Bien sûr j’aimerais que ma discipline soit olympique. Au-delà du rêve de participer aux J.O, j'aurais pu être compétitif mais surtout avoir un vrai statut de sportif de haut-niveau.
- Titouan Puyo
Du coup, il cherche du travail comme éducateur sportif, pour anticiper un non-paiement éventuel de ses sponsors privés même s’il n’a pas eu d’échos négatifs de ce côté-là. Titouan pense plutôt à l’après et il fera un bilan à la fin de cette saison pour savoir s’il continue en 2021, l’année de ses trente ans. Il a déjà passé avec succès un concours de la fonction publique mais est encore en période de réflexion : "Soit je trouve un autre projet et je fais différemment, avec un emploi adapté qui me permette de sélectionner des courses, voire un projet de vie aussi avec ma copine mais quelque chose qui me donne plus envie que le Stand-Up Paddle. Soit je me relance avec un autre sport mais c’est difficile d’en faire son métier car ce que je fais en ce moment, c’est quand même pas mal. J’essaie d’avoir des idées et d’anticiper mais je ne veux pas vraiment arrêter."
Il est six heures du matin à Nouméa, Titouan met un terme à l’interview car il doit partir pour une partie de pêche avec un de ses copains qui vient de mettre à l’eau son nouveau bateau. La vraie vie : "On va pêcher en apnée des langoustes et des saumonées, il n’y a pas trop de vent, c’est top. J’adore le poisson cru, le thon jaune ou le tazard aussi. Dans mes voyages j'ai pu découvrir de nombreuses recettes mais ma préférée c'est le Poke hawaïen à base de cubes de poissons cru marinés, comme il n’y pas de compétition, je peux me le permettre. "