Le procès de Franco Lollia, porte-parole de la Brigade Anti-Négrophobie d'État, a été renvoyé ce lundi 18 janvier à une date hautement symbolique, le 10 mai, jour de commémoration de l'abolition de l'esclavage. Il comparaissait pour avoir tagué la statue de Colbert à l'Assemblée nationale en juin.
Le symbole n'était sûrement pas volontaire, mais il a très vite fait réagir dans la petite salle d'audience de la 28e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Le procès de Franco Lollia, qui comparaissait pour avoir tagué l'inscription "négrophobie d'État" sur la statue de Colbert à l'Assemblée nationale le 23 juin dernier, a été renvoyée au 10 mai ce lundi 18 janvier, après un premier renvoi en août dernier.
Le renvoi, initialement programmé au 15 mars mais décalé après négociations des avocats du prévenu, fait suite au dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant la capacité de l'Assemblée nationale à se constituer partie civile. "L'affaire a été renvoyée car le tribunal a souhaité que la partie adverse, c'est à dire l'État, puisse avoir le temps nécessaire et conforme à un débat efficient et contradictoire pour examiner les conclusions que nous avons proposé", a expliqué Me Patrice Tacita, l'un des avocats de Franco Lollia.
De son côté, l'avocate qui représente l'Assemblée nationale, Me Saida Benouari, a déploré lors de l'audience l'arrivée tardive de la QPC, déposée "trois minutes" avant le début du procès.
Calendrier mémoriel
La date du 10 mai est hautement symbolique : elle correspond à la promulgation de la loi Taubira qui reconnaît l'esclavage comme crime contre l'humanité, qui est marquée chaque année par les cérémonies nationales de commémoration de l'abolition de l'esclavage et de la "tragédie qu'a représenté la traite négrière" en France, explique Me Patrice Tacita.
"Tragédie que dénonce notre client par l'offense, dans l'espace public, à la mémoire des afro-descendants et à ceux qui sont solidaires de notre souffrance, que constitue la présence statue de M. Colbert." Hasard du calendrier, ce 10 mai 2021, la loi Taubira fêtera ses 20 ans d'existence.
Nous pouvons dire que les ancêtres ont parlé aujourd'hui parce que ces ancêtres ont permis que soient convoqués en même temps que le débat sur l'aspect pénal pour mon client, leur mémoire et leur puissance. Les débats seront très intéressants car outre l'aspect procédural et pénal, il y aura une charge mémorielle et affective qui sera évidente.
Écoutez Me Patrice Tacita à l'issue de l'audience ce lundi 18 janvier :
"Retrouver la mémoire"
De nombreuses personnes avaient fait le déplacement pour cette seconde audience et s'était massées à la sortie de la salle d'audience où, faute de place, tous n'avaient pu rentrer. Un moment important pour Franco Lollia qui confiait à l'entrée au tribunal sa satisfaction de pouvoir enfin parler. "Personne ne m'a donné la parole et ne m'a demandé d'expliquer mon acte", a-t-il raconté. "On a donné la parole à des personnes blanches qui ont parlé à ma place."
A la sortie de l'audience, le prévenu, né à Pointe-à-Pitre en 1971, est revenu sur son geste : "Si on l'a fait, c'était pour dénoncer un hypocrisie en France, ce pays qui se dit pays des Droits de l'Homme sans en apporter la preuve. C'est un geste pour imposer à la France de retrouver la mémoire."
Vêtu d'un sweat et d'un masque à l'effigie du collectif Brigade Anti-Négrophobie d'État, dont il est le porte-parole, il fait le parallèle entre les violences et les discriminations dénoncées au XXIe siècle et cette histoire coloniale pas toujours bien enseignée. "Si on veut en trouver la source, il faut replonger dans cette histoire de l'esclavage que la figure de Colbert incarne car il a commis ce crime au nom de l'État français en rédigeant le Code noir."
Il faut voir si Colbert, un raciste assumé, un criminel, un négrophobe, a bien sa place devant l'Assemblée nationale, soi-disant maison du peuple. Nous ne nous attaquons pas à Colbert, mort et enterré et dont on se fiche, mais bien à l'État français qui cautionne le fait qu'un homme ait dit que les Noirs n'étaient pas des êtres humains et ait légiféré dans ce sens.
Écoutez les explications de Franco Lollia :
Franco Lollia encourt 3750 euros d'amende et une peine de travail d'intérêt général au titre de l'article 322-1 du Code pénal.