TÉMOIGNAGE. Joachim Des Ormeaux, conteur Martiniquais : "L'idée de raconter est essentielle pour moi et l'imaginaire du conte me permet d'aller sur des sujets qui sont très durs, complexes en les simplifiant avec des images"

Avec un style qui lui est propre, parfois chanté ou parlé mais toujours en créole, Joachim est un conteur qui fait du jazz afro caribéen. L'enfant du quartier des Terres Sainville en Martinique a dû affronter puis surmonter dans la douleur "des situations de vie" qui l'ont fait tomber dans la drogue. En "état de conscience modifié" il s'est libéré pour mieux créer.

"Il y a des situations de vie que j'ai eues à affronter, c'est passé par beaucoup de souffrance. La drogue a été la seule chose qui m'a permis d'atténuer la douleur, je me suis mis en état de conscience modifiée avec des drogues dures comme la cocaïne". À cette époque tourmentée de sa vie, Joachim ne cherche rien d'autre que l'émancipation de son esprit. Il veut s'affranchir d'expériences de vie liées à son enfance, à son éducation. Trouver une solution pendant cette consommation devient vitale : "Cette solution a été de me cultiver". Il se met à lire tout ce qui lui passe sous la main pour savoir car l'artiste a horreur de dire : "Je ne sais pas". 

Et puis il y a le conte, ce pour quoi il est fait. Le nouveau Joachim a des choses à dire et il sait comment les dire. Élevé par une grand-mère qui manie le créole comme personne il est à bonne école : "Ma grand-mère avec cette façon qu'elle avait de manipuler le créole dans l'imaginaire, c'était toujours une façon bien structurée de penser. Le créole est ainsi, ce sont des structures d'images qui te permettent de décrire des choses très complexes qui peuvent fâcher à travers des images sans blesser l'autre". Joachim trouve son style en faisant du jazz caribéen "d'abord par goût mais surtout parce que cette musique correspond à ma façon spontanée de réagir en fonction de mon humeur en plus des thèmes proposés". Il trouve également en Thierry Vaton et Arnaud Dolmen des musiciens qui comprennent sa démarche et le soutiennent depuis une dizaine d'années. 

Il y a chez Joachim une démarche identitaire forte, revendiquée : "J'utilise le créole, c'est militant. Je suis dans le jus de mon patrimoine, c'est une revendication forte. Je suis caribéen, je suis antillais, je suis martiniquais et je suis bien avec les Guadeloupéens, les diasporas antillaises, guyanaises, africaines, on sait à qui j'appartiens".