Tentatives d’évasion, messages de sa famille et travail de journaliste, Olivier Dubois raconte sa captivité

Le Martiniquais Olivier Dubois à sa descente d'avion près de Paris, le 21 mars 2023.
Depuis sa libération et son retour en France, le Martiniquais Olivier Dubois enchaîne les interviews où il raconte ses 711 jours de détention dans des conditions pénibles.

Il a atterri dans l’Hexagone il y a un peu plus de 24 heures, et il est toujours sous l’effet de l’adrénaline. "Mon cerveau a commencé à réaliser mais mon corps est toujours en résistance, il est toujours un peu là-bas, j’ai toujours du mal à dormir, a confié Olivier Dubois à france info ce mercredi. Il va y avoir une lente descente mais qui commence à s'amorcer."

S’il a affirmé ne pas avoir été maltraité ni humilié pendant ses 711 jours de détention, le journaliste martiniquais n’a pas moins vécu comme un prisonnier. "La captivité dans le nord du Mali, dans la région de Kidal, c'est difficile. Vous dormez sur le sol, qu'il pleuve, qu'il vente. Dans le sable ou dans la terre", raconte-t-il à France 2.

Il a dû aussi souvent changer de lieu "pour des raisons de sécurité" : "C'est se déplacer à moto et en pick-up, c'est manger sur le sol, c'est se laver et faire ses besoins à l'extérieur. C'est vivre à l'extérieur tout le temps", détaille-t-il à RFI.

Dans une autre interview à france info, il explique avoir été dans des massifs montagneux ou caché dans des bois épineux : "On était dans un peu tous les reliefs que peut présenter la partie centre de la région de Kidal."

"J’enlève mes chaînes et je pars"

Enlevé le 8 avril 2021 à Gao, au Mali, par les jihadistes du groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), il a vécu une période "d'incrédulité" juste après sa capture, avant d’essayer de s'échapper. La première fois, il revient rapidement car il a "des épines sous les pieds", n’a "plus d’eau", il sent que "ça ne marchera pas", rapporte-t-il à France 2.

La deuxième fois, il fait des repérages pour trouver une route. "Dans la nuit, j'enlève mes chaînes, car elles n'avaient pas d'écrous." Mais il met beaucoup de temps à retrouver la route qu’il finit par découvrir "pleine de branches". Il en déduit qu'elle est très peu fréquentée, et renonce.

À sa troisième tentative, Olivier Dubois pense que c'est la bonne. "J'enlève mes chaînes et je pars. Il est 22h", souffle-t-il. Finalement, vers 4h du matin, le journaliste aperçoit un camion. Mais dès qu'il évoque les jihadistes, le conducteur du véhicule refuse de le prendre et le laisse sur place.

Ses ravisseurs le retrouveront quelques heures plus tard. "J'avais une demi-bouteille d'eau. (...) Je ne sais pas ce qui se serait passé s'ils ne m'avaient pas récupéré. J'ai passé un très sale moment."  Par la suite, il est beaucoup "enchaîné".

"Je rentre en résistance"

Pour garder espoir et dépasser ces instants difficiles et sa captivité en général, il met une routine en place pour ne pas s’effondrer. "Je suis venu de bonne foi pour interviewer un cadre du GNIM [groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, responsable de son enlèvement, NDLR], je me fais kidnapper, je vis ça comme injustice, avoue-t-il à france info. Et rapidement je me dis : ‘je ne vais pas en plus dégringoler mentalement et physiquement' et je rentre en résistance à ce moment-là."

 Il faut que je m’occupe, il faut que je tire mon épingle du jeu de cette situation que je n’ai pas voulu.

Olivier Dubois

Il se met donc au sport et à la cuisine. "Je ne supportais plus de manger ce qu'on me servait, raconte-t-il à RFI. Donc, on a demandé, avec Gerco [Jacobus van Deventer, un otage sud-africain avec qui il a vécu en captivité pendant un an et demi, NDLR], à ce moment d'avoir une cocotte-minute et de faire notre propre nourriture, d’aller couper du bois [...] de se donner des challenges, d’atteindre ces challenges pour avoir une sorte de satisfaction."

"Le jour le plus important"

Ce qui le fait également tenir, ce sont les messages de ses proches qu’il réussit à entendre sur RFI les 8 de chaque mois, en référence au jour où il a été capturé.

"C'était le jour le plus important, le 8, confie le Martiniquais à France 2. Je me souviens, pour la petite histoire, que l'on m'avait donné une petite radio au départ [...] qui était endommagée, que je devais fignoler et bricoler. J'étais suspendu [à la radio] avec un petit son, juste pour écouter les messages."

Il a aussi expliqué à RFI avoir écouté cette radio pour suivre l’actualité et écouter certains programmes. Il n’oublie d’ailleurs pas son propre travail de journaliste et se dit qu’il faut profiter d’être à l’intérieur pour écouter, observer et discuter.

Il y a la barrière de la langue avec ses geôliers, des moudjahidines qui parlent le tamasheq ou bien l’arabe. "J’ai développé une trousse de tamasheq pratique qui me permettait de converser avec eux", se souvient-il. 

Le Coran pour débattre

"Au bout d'un moment, ils ont compris. Ils ont compris que je voulais comprendre, relate-il à RFI. Alors, tout n'était pas ouvert évidemment […]. Mais petit à petit, ça s'est un peu relâché, des échanges ont pu venir, des explications."

Olivier Dubois se met aussi à lire le Coran. "C’est le livre fondateur, c’est très important pour eux, c’est le pilier, rappelle-t-il à France info. Donc déjà, je voulais comprendre, car ils se référaient à ce livre […] Et c’est vrai que ça a débloqué pas mal de choses."

Et d’ajouter sur RFI : "Ils se sont montrés ouverts. Je dois dire qu’on a pu débattre. Il n’y a jamais eu de problème par rapport à ça."

Il s’imagine d’ailleurs tirer un projet d’écriture de toutes ces informations collectées. Mais "pas tout de suite", le temps de retrouver ses marques et de profiter du temps avec sa famille et ses proches.