Dans The Sargassum Podcast, on trouve des thématiques attendues comme les impacts des sargasses sur la santé, mais aussi méconnues comme les problèmes juridiques liés à ces algues, ou encore comme son utilisation dans des œuvres d'art.
Sans compter les bonus, 63 épisodes ont été publiés depuis la création du podcast et son lancement sur les plateformes, début 2021. Des émissions qui sont soit en anglais, soit en espagnol, soit en français, en fonction des invités interviewés. "Comme c'est un problème international, on a voulu justement qu'il y ait des représentants des différents pays concernés", explique Florence Ménez, anthropologue basée à Brest et co-animatrice des épisodes en français.
Avec Clio Maridakis, biologiste de formation spécialisée dans les algues qui a travaillé sur les sargasses à l'ADEME en Martinique, et Franziska Elmer, biologiste marine, elles invitent des scientifiques, des entrepreneurs, des artistes... qui racontent leur rapport aux sargasses, les nouvelles connaissances qu'ils ont trouvées, ou des solutions pour faire face à leur prolifération.
"Les épisodes ne sont pas forcément consacrés à des chercheurs, il y a aussi par exemple des populations locales, des inventeurs, etc., détaille l'anthropologue. C'était vraiment pour pouvoir partager le savoir en construction sur les sargasses."
Une communauté créée dans l'urgence
Comme elle le rappelle, une communauté de chercheurs s'est créée "un peu dans l'urgence" autour de la prolifération de ces algues, pour comprendre ce phénomène apparu en 2011, "partager les informations" et "voir comment on pourrait y remédier".
Après la constitution fin 2019 d'une première communauté au travers d'une newsletter et du réseau SargNet, une biologiste d'origine suisse, Franziska Elmer, propose en août 2020 de créer un autre outil : un podcast. "Je me suis portée volontaire pour la partie française, et donc l'aventure a démarré là", résume l'anthropologue.
L'idée n'est pas cependant de rester entre scientifiques. "On s'est dit que ce serait intéressant d'avoir un outil qui soit à la fois destiné aux chercheurs mais aussi grand public", explique-t-elle. Pour faciliter le dialogue et aussi casser certains préjugés, chaque épisode commence par la même question à l'invité.e : que représentent pour vous les sargasses ? "Puisqu'il y a toute une pluralité de représentations", assure Florence Ménez.
Des propos corroborés par Clio Maridakis. Elle constate un regard ambivalent de la part des acteurs interviewés qui voient dans la prolifération des sargasses "un frein ou quelque chose de négatif", mais qui considèrent aussi que cette algue "offre plein de perspectives de valorisation".
"Une sorte d'émulation commune"
À la connaissance de la biologiste, il n'y a cependant pas eu de solution majeure de valorisation des sargasses qui ait été créée et dupliquée à grande échelle dans les Caraïbes. "Il y avait eu les briques, les chaussures, le savon, l'engrais, le plastique, etc., liste-t-elle. Tout le monde peut avoir des idées similaires, s'observe, s'inspire, se fait grandir, c'est une sorte d'émulation commune en parallèle."
Certains projets qui peuvent éclore dans différents territoires de manière simultanée reposent aussi sur un savoir-faire traditionnel : "L'amendement avec des algues [utiliser les algues comme engrais, NDLR], ça existe dans plein de pays du monde, c'est quelque chose qui se sait. Donc il y a des choses assez intuitives aussi."
Clio Maridakis, qui participe aussi aux épisodes en anglais et en espagnol, remarque par ailleurs à travers le podcast qu'une idée sur la côte sud des États-Unis ou sur le littoral d'Amérique latine ne peut pas forcément s'appliquer dans les territoires antillais français, car les pays n'ont pas les mêmes contraintes.
Elle donne l'exemple du Mexique : "Ce n'est pas la commune qui doit le faire [collecter les sargasses échouées, NDLR], mais ce sont les hôteliers qui vont les ramasser, donc ça change la stratégie de collecte. Ce ne sont pas les mêmes capacités car ce sont de grandes plages, longues ; nous en Martinique, ce sont des plages dentelées qui ne sont pas toujours accessibles par des engins terrestres, etc."
Déficit de reconnaissance
Malgré tout, l'intention des animateurs du podcast est bien "d'archiver du savoir pour le mettre à disposition des gens, et que justement il y ait une transmission plus simple de ce qu'il se passe ailleurs, de comment les gens voient les choses, des initiatives, en fonction des contextes et des conditions", explique Clio Maridakis.
Pour permettre cette transmission, le podcast existe par ailleurs sur YouTube où une traduction automatique avec des sous-titres en français peut permettre aux francophones de suivre les épisodes dans les deux autres langues.
Malgré ces deux ans d'existence, le podcast semble avoir de faibles audiences. "Il y a un déficit de reconnaissance du problème, regrette Florence Ménez. Il est très peu traité par les journaux au niveau national." Et ce n'est pas l'apanage de la France, le traitement médiatique aux États-Unis et en Amérique latine reste aussi très localisé d'après elle.
"C'est une sorte de catastrophe chronique, donc il n'y a rien de spectaculaire, il n'y a pas de mort... C'est comme une pollution industrielle qui toucherait des milliers d'habitants mais qui sont complètement invisibilisés", déplore-t-elle.
Une bourse et un cours en ligne
Cela ne les décourage pas, bien au contraire : The Sargassum Podcast a d'ailleurs reçu la bourse RESEMBID (Resilience, Sustainable Energy and Marine Biodiversity Program, soit Résilience, Énergie durable et Biodiversité marine en anglais) financée par l'Union européenne.
Comme le montre le tweet ci-dessus, ce soutien doit aider à "la production du podcast ainsi que pour la création d'un cours en ligne sur les sargasses pour les habitants de la Caraïbe afin d'apprendre sur le sujet des sargasses" et "créer un réseau pour échanger des idées et connaissances sur la situation dans leur île", précise Clio Maridakis.
Le podcast se poursuit à la rentrée : de nouveaux épisodes sortiront prochainement, dont un sur l'application martiniquaise Sargowaze qui permet d'avoir un accès rapide aux informations et prévisions d'échouages de sargasses sur les côtes.