Thierry Dol : "Je tiens debout car je ne veux pas donner raison à ceux qui nous ont détenus" #MaParole

Thierry Dol est l'invité de Cécile Baquey dans #MaParole
Comment vivre après avoir été otage pendant 1139 jours ? Comment passer à autre chose ? Thierry Dol a vécu l’enfer au Mali. Après sa libération, il a mis du temps "à refaire confiance à l’être humain". L’ex-otage d’AQMI témoigne dans #MaParole et pense à Olivier Dubois détenu actuellement au Mali.

1139 jours. Thiery Dol a passé 1139 jours aux mains des geôliers d’AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique. Pendant cette période de captivité, otage au nord du Mali, le Martiniquais a développé une hypermnésie. Une capacité à se souvenir très précisément des événements dont il a eu du mal à se défaire. Maltraité, sans radio, sans livres, en plein Sahel, une région au climat plus qu’hostile, il a réussi à tenir le coup. Mais difficile de se remettre d’un tel traumatisme.

 

#1 Visite de chantiers

Natif d’Aubervilliers, Thierry Dol a grandi en Martinique. Dès l’âge de 2 ans, en 1982, ses parents ont préféré le voir grandir au soleil dans leur île. Alex et Marie-Jo, très pris par leur travail, ont souvent confié l’enfant à sa grand-mère maternelle au François. Chez elle, c’était un peu spartiate. Pas d’eau courante, ni d’électricité. Le petit Thierry n’a eu la télévision qu’à l’âge de 10 ans. Est-ce que cela lui a manqué ? Pas vraiment. Fasciné par les grands travaux, son père qui a été routier en Europe dans les années 70 et 80 se plaisait à emmener son fiston voir les chantiers de la Martinique. L’aéroport Aimé Césaire, le port, des lycées en construction, des HLM. C’est ainsi que Thierry Dol a voulu très rapidement devenir ingénieur dans le bâtiment.

La famille n’avait pas les moyens de lui payer de longues études. Alors il est parti dans l’Hexagone faire un IUT, un cursus court de deux ans qui permet d’obtenir un diplôme rapidement et de travailler. Mais à force d’obstination, Thierry Dol qui multipliait les boulots pour financer ses études, a réussi à entrer dans une école d’ingénieurs dans les travaux publics. Son rêve. Son premier grand stage, il l’a effectué aux Pays-Bas. Il a pu voir fonctionner un tunnelier sous un canal. Il a aussi observé les travaux nécessaires à la construction d’une voie ferrée entre Rotterdam et l’Allemagne. Ça l'a tout simplement fasciné. Sa vocation ne faisait aucun doute.

 

#2 Evasion

Embauché par une filiale de Vinci, Thierry Dol est arrivé en 2008 à Niamey au Niger puis il a rejoint Arlit, une ville minière qui compte aujourd’hui plus de 100 000 habitants. C'est là qu'Areva exploite une mine d’uranium à ciel ouvert qui alimente les centrales nucléaires françaises. Thierry Dol a travaillé pendant deux ans à Arlit dans une ambiance qui lui plaisait, même si le climat politique n’était guère serein. Les Touaregs étant en conflit ouvert avec le gouvernement de l’époque. Un mois avant sa prise d’otage, Thierry Dol avait commencé à ressentir le danger. Il avait demandé une mutation. Trop tard. Le 16 septembre 2010, à 2h du matin, il a été enlevé en pleine nuit. Thierry Dol est devenu, du jour au lendemain, un otage. Il a vécu ses trois années de captivité en compagnie de Daniel Larribe, ingénieur et directeur de la mine d’Arlit. Au cours de ses trois années de détention, Thierry Dol affirme dans #MaParole avoir vu passer 300 gardiens. Des Nigérians d’abord puis des Touaregs, des Mauritaniens, des Libyens puis enfin des Tunisiens.

En février 2012, les deux otages n’y tenant plus, ont tenté de s’évader. Ils se sont préparés pendant des semaines en mettant de côté de la nourriture et de l’eau. Mais après avoir fui, au bout de 48h, ils ont été dénoncés par un berger et récupérés par leurs geôliers. L’enfer. Une correction difficile à oublier. Thierry Dol n’arrive toujours pas à évoquer cet épisode de sa détention. En 2013, l’opération Serval lancée par l’armée française contre les djihadistes a semé un gros bazar dans leurs rangs. "C’était la panique" raconte Thierry Dol dans #MaParole qui apprend à ce moment-là que François Hollande a été élu président. Les otages auraient pu y passer, mais leurs gardiens ont eu à cœur de les protéger, espérant obtenir une bonne rançon.

Une des dernières images de Thierry Dol, entouré de ses geoliers

 

#3 Libération

La libération tant attendue est enfin arrivée. Thierry Dol n'y croyait plus. On lui avait tellement de fois dit qu'il allait sortir. Thierry Dol et Daniel Larribe ont retrouvé les deux autres otages Pierre Legrand et Marc Féret. Ils se sont envolés pour Villacoublay où leurs familles, amis ainsi que le président Hollande, les attendaient. A son arrivée à Villacoublay, Thierry Dol souriait, tellement heureux de redevenir libre. Le Martiniquais a dû se prêter aux examens médicaux au Val-de-Grâce puis aux questions posées par les services secrets. Une fois toutes ces démarches accomplies, l’ingénieur a pu enfin rentrer au pays. La Martinique. Il ne se doutait pas de l’accueil qui l’attendait. Les premiers jours sur l’île ont ressemblé à un rêve. C’est après que les ennuis ont recommencé. Pas facile de retrouver une vie normale. Le traumatisme causé par ses 1139 jours en détention ne l’a pas laissé indemne. "Il faut refaire confiance à l’être humain" explique-t-il dans #MaParole et ce n’est pas simple.

Le 13 novembre 2015, lors des attentats, Thierry Dol se trouvait à Paris. Le choc a ravivé ses blessures. L’ingénieur a été pris d’une crise d‘angoisse. En 2016, agacé par des procédures sans fin pour obtenir réparation, l’ex-otage a décidé de porter plainte contre Areva et l’Etat français. Depuis, Thierry Dol a abandonné la procédure. Il a détesté voir son nom à la une des médias avec ce titre "Thierry Dol attaque l’Etat". Il a eu l’impression de perdre du temps et de l’énergie pour rien. A force de ténacité et de travail sur lui-même, Thierry Dol a repris, depuis plusieurs mois, une activité professionnelle. "C’est fait de hauts et de bas, (...) mais c’est possible", dit-il. L'ingénieur martiniquais a été très "marqué" de voir Olivier Dubois pris en otage comme lui et kidnappé au Mali. "J’espère qu’il peut entendre les messages de soutien de sa famille et qu’il arrive à tenir", déclare-t-il dans #MaParole. La France "ne va pas le lâcher, car c’est comme ça que la France réagit pour tous ses otages", ajoute-t-il.

Thierry Dol et ses parents à Villacoublay le 30 octobre 2013

A la prise de son : Bruno Dessommes

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♦♦ Thierry Dol en 5 dates ♦♦♦

11 décembre 1980

Naissance à Aubervilliers

1982

Arrivée en Martinique

15 aout 1998

Arrivée à Cergy en IUT

16 Septembre 2010

Enlèvement sur le site d’Arlit

29 octobre 2013

Libération après 1139 jours aux mains d'AQMI