Tour de France 2024. Les caravaniers, distributeurs de sourires

Trois Ultramarins sont présents en tant que saisonnier dans la caravane du Tour de France.
Au Tour de France, 170 saisonniers de tout horizon sont engagés dans le cortège des véhicules publicitaires qui animent la caravane qui précèdent les coureurs. Parmi eux cette année, plusieurs ultramarins : Emma, Florian et Coraline. Nous les avons suivis le temps d’une étape.

8 h 35 ce jeudi 11 juillet, nous retrouvons la joyeuse bande sur le parking technique des caravaniers. Placé à quelques kilomètres de la ligne de départ de la 12ᵉ étape entre Aurillac et Villeneuve-Sur-Lot, l’ensemble des saisonniers s’affaire à préparer les camions. Musique à fond, c’est dans la bonne humeur que les différents cartons de bobs et biscuits sont chargés. "C’est sportif, à chaque fois, c'est le stress. On se dépêche" glisse Emma. Âgée de 22 ans, la Mahoraise vit son premier Tour de France. "Je m’intéressais déjà au cyclisme depuis un moment et l’année dernière, j'ai décidé de passer le cap en postulant", dit-elle. La Mahoraise vit un rêve dans la caravane. "C’est bien d’être là pour mettre avant des gens métissés, ça fait du bien. Car quand on regarde sur le tour, on n’est pas trop nombreux. Du coup, c'est une fierté de représenter mon territoire".

La Mahoraise Emma Hénaut participe à son premier Tour de France en tant que caravanière.

8 h 52, c'est l’heure pour les caravaniers de prendre la route en direction de la ligne de départ. Là-bas, c’est le début du show. Tradition l’oblige, l’ensemble de la bande doit danser, histoire de se mettre dans le rythme. "C’est un point de passage obligatoire, c’est sympathique. Ça nous met dans l’ambiance de la journée" raconte Emma. Chauffée par un animateur, la joyeuse bande se laisse emporter par la musique. 10 h 20, la pluie menace. Mais pas de quoi faire peur aux ambianceurs du tour.

Les caravaniers mettent l'ambiance avant le départ. Chaque matin avant le départ, ils dansent pour s'échauffer. ©Samuel Piqueur / France Télévisions

 

Sur le Tour de France, la caravane est aussi attendue que les coureurs. Mais on ne s’improvise pas caravaniers comme ça. Pour être recruté par une marque, il faut avoir 21 ans minimum et trois ans de permis, car ils doivent tous être capables de prendre le volant. Avant de prendre la route, chaque caravanier est aussi soumis à un test d’alcoolémie de la part des gendarmes mobiles qui les escortent. Après les contrôles et derniers réglages, la flotte se met en route en direction de Villeneuve-sur-Lot. 197.7 kilomètres au programme. Véritable moment festif, le passage des caravaniers déchaîne les foules. Les supporteurs des trois premières semaines de juillet sont insouciants, joyeux, fraternels et n’ont aucun problème, sauf celui de réunir la collection des quatre bobs emblématiques de la Grande Boucle.

Dans un paysage somptueux, tout le long de route de l’étape du jour, toutes les classes sociales se croisent et se lient d’amitié. Les gendarmes, chargés du maintien de l’ordre, oublient le but de leur présence initiale, et se replongent des années en arrière, l’époque où ils avaient les joues rougies, et n’avaient qu’un souhait, récupérer un goodies. Leur grand signe de la main et le sourire juvénile affiché sur leur visage n’étaient pas anodins. Hop, à peine le temps de faire coucou et d’admirer l’architecture des villages traversés que nous remontons à vitesse raisonnable la caravane. Quelques sueurs froides dans notre cavalcade, l’occasion de rappeler les gestes de sécurité : attendez que l’ensemble des voitures composant la caravane soient passées avant de vous empresser sur la route pour ramasser les divers goodies envoyés.

"Je prends mes vacances pour venir sur le tour "

Dans la caravane, la vraie star reste "cochonou". Au fil des années la marque s’est implantée comme un emblème du Tour de France. Ses vieilles deux chevaux bonnes pour un bon petit tour de mécano après la fin des trois semaines de course sont reconnaissables au bruit et à la couleur de tous. Coraline Desprez, l’une des caravanières de la marque sur le Tour, ne peut résister à l’appel du grand large de juillet. "C’est la ferveur, chaque année, on ne peut pas résister et on résigne. C’est une grande famille, on vient pour passer un bon moment et voir comment la France est belle", confie la Réunionnaise, saisonnière chez Cochonou. Dans la vraie vie, elle est kiné. "Je prends mes vacances pour venir sur le Tour, on est plusieurs à faire ça, raconte-t-elle. On a un job à côté, on ne fait pas ça toute l’année. Mais c’est l’esprit Tour. Ce sont mes vacances (rires), je pose le cerveau".

 

Sur la ligne de départ, la caravane est aussi très attendue par le public ©Samuel Piqueur / France Télévisions

Mais comme les cyclistes, les caravaniers ne peuvent pas avancer sans se faire ravitailler le long de l’étape. C’est là qu’entre en piste Florian Billard. Ce Réunionnais de 23 ans participe à son premier Tour de France. Son rôle, approvisionner les caravaniers de la marque TotalEnergies en Goodies avant de reprendre la route. On le retrouve au kilomètre 92. Pancarte « Panenka » bien visible, il attend ses copains. Car oui, les saisonniers du Tour sont tous des amis, heureux de se retrouver le temps de la compétition. Étudiant en Staps, le jeune homme de 23 ans effectue son stage en participant à la Grande Boucle. "Mon stage avec l’agence s’arrête fin août, donc gentiment, ils m’ont proposé de venir avec eux sur le Tour. Je n’ai pas pu dire non (rires)".  Ses camions arrivés, c’est la course. "Là, il faut aller vite, on doit tout remettre, glisse-t-il. On doit s’assurer que chaque véhicule aura assez de provisions pour tenir jusqu’à l’arrivée."

Florian au moment du ravitaillement de la caravane au kilomètre 92.

Pendant qu’il s’occupe de recharger les stocks, les saisonniers, eux, profitent pour s’hydrater et se soulager. Sous une chaleur étouffante, la joyeuse bande se remet en route. La pression retombée, les caravaniers remis sur de bons rails, Florian peut enfin souffler ? Pas vraiment. Quelques curieux à l’affut de goodies viennent l’entourer près de son camion. "Un petit maillot pour mon fils", "Une casquette pour mon petit-fils, champion départemental du Lot". "Je n’ai plus rien, leur répond le Réunionnais. Il me reste juste quelques cabas et t-shirts".

En comptant les nombreuses heures supplémentaires qu’ils font pour tout recharger le soir, les caravaniers sont payés entre 1500 et 2500 euros net, pour les trois semaines. Un saisonnier est nourri et logé durant les trois semaines du Tour. Il voyage, fait le Tour de la France. Mais en contrepartie, il doit suivre le rythme éreintant des journées. En général, il se réveille tôt et n’ont que très peu de temps pour souffler durant l’étape.

"Même si on se lève tôt et on se couche tard, les étapes, on ne les voit pas passer. C’est toujours la même excitation, les journées défilent vite, donc c’est top. Là ce n’est pas fini, qu’on réfléchit déjà à l’année prochaine"

Coraline Desprez

Mais "c’est un kiff", complète Emma. De plus, le caravanier doit aussi composer avec la météo. Mais la France des trois premières semaines de juillet ne répond à aucun standard, indestructible et immuable, quelles que soient les intempéries, cette joyeuse bande de copain bravera les conditions pour continuer de faire rayonner la caravane.