Toutankhamon et les anciens Égyptiens étaient-ils noirs ?

L'exposition Toutankhamon, qui vient d'établir un record historique de fréquentation, a été très vivement contestée à son ouverture, notamment parce qu'elle ne disait pas que le pharaon était noir. Une hypothèse controversée émise dans les années 50 par l'universitaire sénégalais Cheikh Anta Diop. 

Toutankhamon et les anciens Égyptiens étaient-ils noirs ? L'hypothèse est émise dans les années 50 par Cheikh Anta Diop. Selon cet universitaire sénégalais, l'origine négro-africaine de la 1ère civilisation connue aurait été cachée, pour préserver la légitimité coloniale.


En 1983, trois ans avant sa mort, il enfonce encore le clou sur les antennes de RFO Guadeloupe :

Les savants d'il y a 150 ans savaient très bien que l'Egypte était une civilisation nègre. Ils ont falsifié sciemment l'histoire. Il était impossible de dire que c'est cette Afrique, mère de la civilisation que l'on va coloniser. 


Cheikh Anta Diop se dit rigoureux. Ses idées iconoclastes rencontrent un vif succès en Afrique mais aussi ailleurs, en particulier aux Antilles où des lieux sont baptisés du nom du célèbre universitaire. Et les intellectuels ne sont pas en reste.

Ernest Pépin, écrivain guadeloupéen salue la ténacité de Cheikh Anta Diop : "Lorsque le professeur Cheikh Anta Diop a commencé à dire que la civilisation égyptienne était négro-africaine, il a fallu vraiment qu'il lutte pour pouvoir affirmer la chose qui aujourd'hui est admise."

Un érudit selon Aimé Césaire

Sur RFO Martinique, Aimé Césaire, le célèbre homme politique et poète martiniquais, chantre de la négritude, ne tarit pas d’éloges à son égard, lors du décès de Cheikh Anta Diop : "Un égyptologue extrêmement érudit, extrêmement précis. Et il a démontré scientifiquement ce dont il avait eu l'intuition très jeune."

Un imposteur selon Jean Yoyotte

Mais un autre intellectuel, d'origine martiniquaise, met les pieds dans le plat. En 2008, Jean Yoyotte, l'un des plus grands égyptologues français, aujourd'hui disparu, traite Cheikh Anta Diop d'"imposteur" dans une interview à fxgpariscaraibe.com, un supplément de France-Antilles. Le jugement du professeur au Collège de France est sans appel : "son œuvre est nulle, c’est une série d'erreurs".

Interprétations erronées ? 

De fait, l'universitaire africain appuie ses thèses, entre autres, sur des interprétations jugées partielles et erronées par les spécialistes. Par exemple, quand il affirme qu’Aménophis 1er était noir, se basant sur une représentation où le pharaon est coloré en noir.

Avec humour, il fait allusion à la teinte d’un célèbre vélomoteur devenue synonyme de noir à l’époque en Guadeloupe :

Vous parliez de noir charbon de couleur de solex. Voilà la couleur solex.  Mais c'est la couleur solex qui dominait la Terre à cette époque-là [...] Vous ne verrez jamais un Blanc représenté, même avec les traits, si vous voulez, d'un chef ou d'un dignitaire, à cette époque. Ils étaient au bas de l'échelle.


En fait, comme pour la statue du gardien de la tombe de Toutankhamon, à l'effigie du roi, présentée à l’exposition, la couleur noire sur l'image ne signifie pas que la peau du personnage était réellement noire. L’égyptologue Jean-Yves Carrez-Maratray, professeur à l’université Paris XIII explique :

Les Égyptiens étaient les habitants de la Terre Noire, c'est à dire le limon du Nil. Donc il porte sur sa peau, peut-on dire, le pharaon, il porte l'identité même de son pays, qui est le pays du limon. Voilà, c'est une couleur symbolique.

 

Les Égyptiens de l’antiquité proches de ceux d’aujourd’hui


En outre, des études scientifiques récentes tendent aussi à infirmer les théories de Cheikh Anta Diop, sur les origines des Egyptiens. Par exemple, l’examen de l’ADN de plusieurs dizaines de momies révèle, en 2017, des liens étroits avec les habitants du Proche-Orient de l’époque. Plus qu’avec ceux de l’Afrique subsaharienne. Citant Jean Yoyotte, dont il fut l’élève, Jean-Yves Carrez précise : "la plupart des Egyptiens de l'antiquité pharaonique ressemblaient aux Egyptiens d'aujourd'hui". 

Quelques pharaons noirs, mais venus d’un pays voisin


Il y a bien eu toutefois quelques pharaons noirs, durant une courte période, grosso modo entre 750 et 664 avant Jésus Christ. Ils venaient d'un autre pays, le pays de Kouch, au Sud de la Nubie. Ils avaient pris provisoirement le contrôle de l'Egypte. Auparavant, leur territoire avait été colonisé par les Égyptiens, et avait adopté la culture pharaonique. La civilisation brillante de ce peuple a été redécouverte récemment.

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