Une trajectoire 5.0 pour le développement durable des Outre-mer

Le gouvernement a lancé ce lundi à Paris la "Trajectoire 5.0" pour les Outre-mer. Des objectifs de développement durable dans la lignée du Livre bleu des Assises des Outre-mer.
Zéro exclusion, zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole et zéro vulnérabilité face au changement climatique : voilà les cinq axes de la "Trajectoire 5.0" lancée par le gouvernement ce 8 avril 2019 à Paris. Des points dans la lignée des objectifs du Livre bleu des Assises des Outremer remis en juin 2018, auquel le président de la République a ajouté un sixième "zéro" au cours d'une allocution diffusée pendant la présentation. 
   

#Zéro exclusion 

22% de chômeurs et 45% chez les jeunes, manque de continuité territoriale, mortalité et illetrisme plus élevés... Ce n'est pas une surprise, le constat fait ce lundi soir est que les Outre-mer font face à de nombreux défis pour inclure leurs citoyens. "Donner les mêmes chances à tout le monde c’est un point de départ pour le zéro exclusion", souhaite Martin Hirsch, invité par la ministre des Outre-mer Annick Girardin sur cette thématique.
 
Annick Girardin, ministre des Outre-mer et Martin Hirsch, directeur général de l'APHP, lors du lancement de la trajectoire Outre-mer 5.0 à Paris, le 8 avril 2019.

Pour Matthieu Barrier, directeur-adjoint de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), cela doit passer par le soutien des entrepreneurs. Citant l'exemple de succès d'entrepreneurs ultramarins, il a néanmoins regretté être "limité à 12 000 euros pour les micro-crédits".

Annick Girardin a annoncé le débloquage d'un crédit de 1,8 millions d'euros à destination de l'Adie pour soutenir les micro-crédits à destination des entrepreneurs. "75% des 7500 projets financés par micro-crédits aboutissent sous 3 ans", se réjouit Annick Girardin. "Nous devons arriver au double".
 

#Zéro carbone

L'énergie est aussi un point d'exclusion dans les territoires ultramarins.
 

L’électricité outre-mer, ça pollue et ça coûte cher. 1 kilowatt par heure émet dix fois plus de CO2 et coûte quatre fois plus cher. Cela équivaut à un surcoût de 1,9 milliard d'euros par an pour l'État. Les énergies renouvelables sont compétitives et encore plus dans les îles ; il faut donc y aller. 
- Dominique Jamme, directeur des services de la Commission de régulation de l’énergie


Les entrepreneurs ultramarins, mais aussi les élus, sont donc invités à proposer des solutions pour arriver à l'objectif "zéro carbone" et devenir un véritable "laboratoire" pour la France entière, estime Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. 

Une nécessité et surtout une réalité déjà prégnante dans les Outre-mer, selon Laurence Tubiana, présidente de la fondation européenne pour le climat :
 

On a tendance à penser que c’est pour les générations futures. Mais dans les Outre-mer, l’impact, il est maintenant avec les catastrophes climatiques et leurs conséquences sur la population, sur la biodiversité, sur l'environnement.


Pour la ministre des Outre-mer, c'est un objectif facilement atteignable grâce à "des ressources en abondance" dans les territoires ultramarins : hydraulique, solaire, éolien, géothermique... "Si nous faisons les bons choix, en Guyane nous pouvons frôler l’autonomie énergétique en 2023".

Le gouvernement se fixe l'objectif de 50% d'énergies renouvelables dès 2020 dans les territoires ultramarins, puis "une autonomie complète" en 2030.
 

#Zéro déchet

Il faut également réfléchir à l'autonomie en matière de collecte et de revalorisation des déchets dans les Outre-mer. Une vraie problématique dans les territoires. Début avril, la Chine, qui était le principal lieu d'export des déchets plastiques de Polynésie, a décidé de "ne plus être la poubelle du monde". Résultat, 700 tonnes de déchets plastiques sont restés bloqués au port de Papeete. 

Les territoires sont donc contraints d'innover rapidement pour parvenir à limiter la production de déchets et à favoriser leur recyclage. La Nouvelle-Calédonie a ainsi voté fin 2018 l'interdiction d'importer des plastiques à usage unique à compter de 2020
 
"Le plastique n'a plus sa place sur notre île", résume une entrepreneuse de la Réunion, fondatrice de Ti Tang Récup.
 

#Zéro polluant agricole

Mais les polluants agricoles non plus. Le sujet a donné lieu à une petite passe d'armes entre Annick Girardin et Serge Letchimy, député de la Martinique. "Est-ce que la question des Outre-mer est au cœur des priorités ? Honnêtement je ne le ressens pas", a regretté le parlementaire. "Pour moi c'est une stratégie de la compassion".
 

L'avenir de l’agriculture Outre-mer n’est pas possible sans adaptation du cadre normatif. La réglementation des produits phytosanitaires est une question essentielle. Nos agriculteurs font face à des impasses techniques. Il va falloir qu'Emmanuel Macron fasse preuve de courage pour bousculer l’Europe. Nous ne voulons pas de produits cancérigènes et toxiques.
- Serge Letchimy, député de la Martinique


Le député a également évoqué la question du chlordécone, ce pesticide utilisé dans les bananeraies des Antilles et soupçonné d'être à l'origine de nombreux cas de cancer. Il a appelé à préserver la culture locale et les pratiques ancestrales, expliquant que "si nous avions réutilisé les pièges à charançons, nous aurions arrêté bien plus tôt l’utilisation du chlordécone".

"Qu'on ne vienne pas me dire que je n'invite que des personnes qui vont dans mon sens", s'est amusée la ministre, avant d'appeler les élus présents à mobiliser leurs citoyens pour les élections européennes : "Face à l'urgence, on ne peut pas se satisfaire de querelles partisanes". 

Echange à revoir autour de 1h20 : 

#Zéro vulnérabilité

Enfin, la dernière trajectoire présentée par le ministère des Outre-mer est l'action face à la vulnérablité des Outre-mer devant les changements climatiques. "On est largement vulnérables", a souligné Annick Girardin, rappelant l'ouragan Irma qui a frappé les petites Antilles en septembre 2017. "Résilience et adaptation sont les deux mots que je veux associer à cette séquence." Depuis 2009, 40 "événements climatiques majeurs" ont touché les Outre-mer.

Annick Girardin a enfin annoncé l'organisation en 2020 d’un "forum des îles du monde" ainsi que la création d'un label "Trajectoire 5.0" pour les acteurs de ce que le ministère qualifie de "défi du siècle". Il devrait représenter une enveloppe de 110 millions d'euros par an.