Les ultramarins "ont un accès aux droits inférieurs à ce qui existe en Métropole " estime le défenseur des droits

Le défenseur des droits Jacques Toubon, entendu par la délégation sénatoriale aux Outre-mer a dressé ce jeudi matin le bilan de son action depuis sa nomination le 17 juillet 2014. Son constat est sans appel. Il existe des inégalités entre les Outre-mer et l’Hexagone.  
 

Dans son propos introductif, le défenseur des droits va droit au but. Sans mâcher ses mots, Jacques Toubon dresse un constat accablant. Il y a bel et bien des inégalités entre les territoires d’Outre-mer et l’Hexagone.

On a le sentiment que à beaucoup d’égard les habitants des départements et territoires d’Outre-mer, n’ont pas le même accès aux droits, ils ont un accès aux droits inférieurs à ce qui existe en Métropole ».


Il prend alors un exemple concret : la dématérialisation des formalités administratives. Outre les difficultés d’accès à ce service, soit parce que le citoyen ne dispose pas d’outils informatiques, soit parce qu’il se trouve dans une zone où la connexion à internet est difficile, il y a la barrière économique. "Pour l’outre-mer, l’accès à l’abonnement à internet est 40% plus cher aux Antilles. Il faut déjà dépenser 40 % de plus pour avoir internet ". La dématérialisation des procédures administratives doit être généralisée en 2022.


Sur les réclamations en provenance des personnes résidant outre-mer, 80 % concernent les relations avec les services publics et 10% les questions de discriminations.  
 
 

Enquête

Entre novembre 2018 et mai 2019, les habitants des départements et région d’Outre-mer ont été interrogées. Près de mille personnes ont témoigné directement,  1500 personnes ont été interrogées par téléphone. Sans surprise, l’enquête a permis de confirmer les persistances de fortes inégalités entre l’hexagone et les Outre-mer.

"Première préoccupation, la lutte contre le chômage et tout particulièrement à La Réunion, où le taux de chômage s’élève officiellement à 24 % en 2018. L’accès aux soins et à la santé, la protection et l’éducation sont les autres priorités pour les habitants dans les Outre-mer. Cité par plus de 4 habitants sur 10".

Deux tiers des personnes interrogées considèrent que les services publics dans leur territoire fonctionnent moins bien que dans l’Hexagone. Pointé du doigt, les services de santé, de protections sociales.  "Ceux qui déclarent des difficultés dans leurs démarches administratives sont les habitants de Mayotte et de Guyane".

Autre grand chapitre de cette enquête : la discrimination. Des discriminations à l’accès à l’emploi, dans le travail ou dans les relations avec les administrations ou les services publics. Plus de 76 % des personnes témoignent d’un traitement défavorable ou de discriminations, et près de 65% d' en avoir été eux-mêmes victimes.

Le critère de discrimination le plus fréquemment évoqué c’est l’origine ou la couleur de peau pour 62% des personnes dans l’enquête téléphonique, loin des critères de l’orientation sexuelle, celui de l’état de santé ou du handicap".


Entre les territoires des inégalités existent également. Parmi les cinq départements et régions d’Outre-mer, deux territoires se distinguent : la Guyane et Mayotte.
 

Guyane

"La situation de ce département est une situation particulière. La protection des droits fondamentaux n’y est pas à un niveau de garantie suffisant à ce qui existe en Métropole ", et de lister des déséquilibres de développement, de conditions de vie, d’équipements, des failles en matière énergétique, de santé…. " Toutes les questions qui touchent les populations du fleuve, les adolescents… Les suicides des jeunes Amérindiens " déclare le défenseur des droits Jacques Toubon.

Face aux sénateurs, il apporte des recommandations pour éviter que la situation n’empire.

"Il faut mettre à niveau les équipements publics de toute nature dans ce département. Il faut mettre beaucoup d’effectif dans l’accueil au guichet administratif, créer  des maisons de service public sur l’ensemble du territoire. Renforcer les missions administratives itinérantes sur les fleuves. Il y a plus qu’ailleurs encore une fracture numérique"

 

Mayotte

Dans cette île de l’océan Indien, outre les difficultés rencontrées dans les autres territoires,  l’immigration illégale accentue les dysfonctionnements du service public. Cela "rend très difficile la mise en œuvre des droits de l’enfant. Le droit à l’éducation. Je suis en train de préparer un compte rendu de la mission à La Réunion et à Mayotte" précise Jacques Toubon.
 

Des JADE pour aider

Créés en 2007, les jeunes ambassadeurs des droits pour l’égalité, les JADE commencent à être implantées en Outre-mer. Le dispositif s’adresse à des volontaires du service civique âgés de 16 à 25 ans, qui s’engagent pour 9 mois auprès du défenseur des droits. Leurs missions : présenter aux collégiens, lycéens et apprentis le rôle et les missions du défenseur des droits et promouvoir les droits de l’enfant et l‘égalité. Ils sont financés par les départements ou les métropole. Il existe 12 JADE à La Réunion, 6 à Mayotte, et 6 qui ont été installés cette année en Guyane. Les Antilles ne devraient pas être en reste. "6 le seront en Martinique et 4 en Guadeloupe, cette année ou à la prochaine rentrée scolaire " annonce le défenseur des droits.


Outre ces jeunes, 28 délégués représentant le défenseur des droits sont présents Outre-mer et assurent des permanences dans 32 lieux dont 12 établissements pénitentiaires. Un réseau qui est en train d’être renforcé notamment à Mayotte. A charge pour eux d’identifier les situations de ruptures et les traiter afin d’éviter qu’elles recommencent.
 

Questions réponses

Après son exposé de plus d’une heure devant la délégation sénatoriale aux outre-mer, Jacques Toubon fait face aux questions des sénateurs. Les inégalités des originaires d’outre-mer venus dans l’Hexagone pour étudier refont surface. Comment répondre aux problèmes de logements, aux cautions bancaires en provenance des territoires d’outre-mer. Des problématiques qui datent et qui restent complexes. "On est en train de prendre des dispositions sur des recommandations faites du temps de la Halde, il y a 15 ans".

La sénatrice guadeloupéenne Victoire Jasmin, en profite pour lui exposer une situation qui mine les usagers de la route sur son territoire, à savoir le déploiement de 100 radars Tourelles. Ces radars dernière génération calculent la vitesse dans les deux sens, et relèvent d’autres infractions. Plus de 16 400 personnes ont signé une pétition pour stopper leur déploiement. Une requête entendue par le défenseur des droits qui invite la sénatrice à déposer un dossier.

Le travail entre le défenseur des droits et les parlementaires se poursuivra. Jacques Toubon s’est engagé à le faire durant les 8 mois restant de son mandat. Un nouveau défenseur devra être nommé le 17 juillet 2020.