"Depuis février Mathis n’a pas la possibilité de retourner à l’école car '3-4 ans d’attente et sur candidature' ??? Pardon ? Il a 16 ans !!! En attendant il fait quoi ??" Ce coup de gueule est celui de Melyssa Paul-Joseph, une Guadeloupéenne, par rapport à la situation de son petit frère Mathis.
Ce dernier âgé de 16 ans est atteint de dysphasie, c’est-à-dire d’un trouble sévère du développement du langage oral : il a du mal à s’exprimer sans hésitation et à formuler oralement ses idées, bien qu’il possède une intelligence normale.
"2 à 4 ans d'attente"
Jusque-là scolarisé en institut médico-éducatif (IME) en Guadeloupe, il a dû quitter l’île en février dernier pour suivre sa mère et sa grand-mère à Toulouse. Cette dernière étant à l’époque gravement malade, elle était venue se faire soigner dans l’Hexagone, accompagnée par sa fille, la mère de Mathis, qui avait emmené avec elle son fils handicapé.
Sur place, la mère de Mathis Isabelle Paul-Joseph multiplie les démarches auprès des IME de Haute-Garonne. Mais il n’y a pas de place.
En parallèle, elle se tourne vers la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Haute-Garonne pour avoir de l’aide. "Je m’y suis rendue plusieurs fois aussi… Sauf que je n’ai eu aucun soutien de leur part, pointe-t-elle. Ils m’ont juste répondu qu’il fallait deux à quatre ans d’attente et qu’ils ne pouvaient rien faire, qu’ils n’avaient pas la main en ce qui concerne les inscriptions aux IME."
Elle écrit au ministère des solidarités
Ce n’est en effet pas la MDPH qui gère les demandes de placement en IME, et le manque de places dans ces structures n’est pas un problème propre à la Haute-Garonne. Selon une étude réalisée par Faire face, un média spécialisé sur les questions du handicap, il manquait déjà en 2018 30.000 places dans les IME en France.
Les IME sont gérés par les agences régionales de santé (ARS). Isabelle Paul-Joseph a donc tenté de contacter plusieurs fois celle d’Occitanie, en vain pour l’instant. À Outre-mer la 1ère, nous avons également sollicité l’agence pour en savoir plus. Nous attendons pour l’instant une réponse.
"Je veux bien comprendre qu’il faille un laps de temps [pour trouver une place]. Ce qui est étonnant, c’est que derrière, on ne me propose rien", s’étonne la mère de famille.
Elle vise spécifiquement la MDPH, dont l’une des missions est d’accompagner les personnes handicapées et leurs familles qui se trouvent sans solution immédiate, et de leur proposer des alternatives, comme faire venir un éducateur à domicile.
Coup de gueule sur Instagram
Pour tenter de faire bouger les choses, Isabelle Paul-Joseph s’est donc tournée vers la MDPH de Guadeloupe qui a tenté de l’aider.
Avec sa fille, elles ont aussi écrit au maire de Toulouse et au ministère de l’autonomie et des personnes handicapées pour qu’ils intercèdent en leur faveur auprès du Conseil départemental et auprès de l’ARS d’Occitanie. Le maire l’a fait, le ministère assure le faire, d’après les courriers auxquels Outre-mer la 1ère a eu accès.
Constatant début octobre que rien ne changeait, la mère et la sœur de Mathis ont donc publié un coup de gueule sur les réseaux sociaux pour crier leur "sentiment d’abandon".
"Il n'y a pas eu de dossier déposé"
Depuis, la situation a évolué. Une assistante sociale de la MDPH de la Haute-Garonne a appelé Isabelle Paul-Joseph le mercredi 19 octobre pour faire le point sur le cas de Mathis et savoir quelles démarches elle avait entreprises.
Une information que confirme la MDPH de Haute-Garonne. Cette dernière explique l’absence d’accompagnement par le fait qu'elle n’a pas "été saisi[e], sauf oralement dernièrement" : "Il n’y a pas eu de dossier déposé […] pour le fils, Mathis, qui était placé en IME en Guadeloupe."
"Madame Paul-Joseph s’est en effet présentée directement à l’accueil de la MDPH à Toulouse pour demander une place en établissement pour son enfant, où il lui a été indiqué que les listes d’attente en IME sont longues", précisent les services départementaux.
Le dossier n’aurait par ailleurs été transféré que le 10 octobre dernier. Ils assurent ne pas l’avoir reçu à ce jour [lundi 24 octobre] et se mettent "en relation avec la MDPH de la Guadeloupe pour avancer".
"Dans l'obligation de porter plainte"
Après cette première prise de contact par l’assistante sociale, la MDPH de Haute-Garonne précise que "les solutions qui peuvent être proposées tiendront compte des places disponibles et il se peut que la solution soit un accompagnement à domicile".
De son côté, la Guadeloupéenne a l’impression "qu’on ne se soucie pas de l’enfant". Elle envisagerait même la voie judiciaire si rien ne bouge : "Si à la fin du mois, je n’ai pas de solution, je serai dans l’obligation de porter plainte contre l’État français parce que c’est un droit pour les enfants handicapés d’être pris en charge."
En attendant, Mathis reste à la maison tous les jours : "Je le fais sortir quand je rentre du travail, ou il sort avec sa sœur quand elle n’a pas cours, il ne connaît personne à Toulouse." Et tous les jours, il demande à sa mère quand est-ce qu’il va retourner à l’école.